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L’immigration, la grande chance de l’UDC

Le premier parti de Suisse a subi un échec cuisant lors des dernières élections fédérales. L’enterrer serait pourtant bien prématuré.

On laissera au président Rösti la certitude, claironnée lors de la dernière assemblée des délégués, que «la Suisse mérite et a plus que jamais besoin d’une UDC forte». On se contentera de remarquer que ce parti a subi lors des dernières élections fédérales une sévère déconfiture, un peu cachée par la marée verte.

Albert Rösti incrimine, pour expliquer cet échec, en premier les dissensions et les querelles personnelles à l’intérieur du parti, des attitudes qu’il qualifie de «honteuses». Mais aussi au fait que la thématique européenne notamment l’acceptation de l’accord-cadre, ait été soigneusement ignorée durant la campagne. Un accord porteur, aux yeux de l’UDC, d’à peu près toutes les maladies de la terre, en tout cas pour la Suisse à qui il ferait perdre «sa liberté, son indépendance, son fédéralisme, sa sécurité et sa stabilité». Rien que ça.

C’est là en tout cas qu’Albert Rösti voit la possibilité d’une reconquête annoncée et comme déjà écrite: «Nos adversaires savent que l’UDC est à même d’empêcher un nouveau rapprochement avec l’Union Européenne comme il y a 27 ans lors de la votation sur l’Espace économique européen». Il est pourtant tout sauf certain que cette thématique de l’Europe assassine suffise à redonner des couleurs au nationalisme fléchissant. Il n’y a qu’à observer l’interminable saga et les multiples pataquès autour du Brexit pour comprendre que si vitupérer à journée faite contre l’Europe est facile, faire comme si elle n’existait pas se révèle beaucoup plus compliqué.

Il existe pourtant une autre problématique chère à l’UDC et également passée à l’as durant la campagne, mais autrement plus prometteuse que l’europhobie primaire: l’immigration, qui s’est retrouvée balayée par le rouleau compresseur climatique.

Une cause, le climat que l’UDC ne fait, par parenthèse, même pas semblant de vouloir considérer un tant soit peu, malgré son évidence. Albert Rösti a ainsi prévenu, au regard des nouveaux rapports de force sous la coupole, vouloir recourir encore plus qu’aujourd’hui, ce qui n’est pas peu dire, à l’arme fatale de l’initiative et de la votation populaire. La loi sur le CO2 figure ainsi déjà dans la ligne de mire des snipers blochériens, prêts à dégainer le référendum.

 

Face aux préoccupations vertes désormais omniprésentes, on peut penser que seule l’immigration pourra servir de bouée de sauvetage à l’UDC. Surtout avec l’aide d’une sous-thématique de plus en plus croustillante: la menace de l’islamisme conquérant, que le parti ne sera pas faute de surexploiter.

Il faut dire que ce n’est pas bien compliqué. Une étude du Centre Islam et société, basé à l’université de Fribourg et peu soupçonnable d’islamophobie aigue, estime que la plupart des imams qui prêchent en Suisse, qu’ils soient turcs, albanais, bosniaques ou arabes, ont dans la plupart des cas suivi des études théologiques à l’étranger dans des institutions imprégnées de traditions «pas forcément en lien avec les besoins et les connaissances du contexte suisse».

D’où des dérapages fréquents dont l’UDC n’aura plus qu’à faire son beurre, comme cette suggestion relevée dernièrement lors d’une prière du vendredi à Kriens de «discipliner» les épouses en leur infligeant «des coups légers».

Relevons enfin ce paradoxe que, comme l’UDC, les défenseurs d’une politique d’asile généreuse se sont aussi plaints que la question ait été délaissée pendant la campagne. Comme le professeur de géographie neuchâtelois Étienne Piguet, spécialiste reconnu des politiques d’asile suisse et européenne et qui qualifie cet oubli de «myopie par rapport à l’enjeu que ce thème représente pour notre pays».

On peut donc parier que l’immigration ne devrait pas tarder à revenir sur le devant de la scène, constituant un attrape-nigaud autrement efficace que l’inoffensif croquemitaine européen.