TECHNOPHILE

«Mufle échantillonneur» n’est plus un Googlewhack

Un nouveau jeu fait fureur sur le Net. Il détourne l’usage du moteur de recherche Google. Explications.

Qui veut jouer au Googlewhack? Les règles de ce nouveau jeu sont archisimples: il s’agit de trouver deux mots à introduire dans le moteur de recherche Google afin de n’obtenir qu’un seul résultat.

Quelques essais vous persuaderont que l’opération n’est pas si évidente, compte tenu du nombre impressionnant de références que possède le moteur de recherche. Pour qu’il n’en trouve qu’une seule, il faut soigneusement choisir la paire de mots clé, en privilégiant les termes rares. Cette paire, bien choisie, devient alors un «Googlewhack». Si le moteur trouve plusieurs réponses, le joueur a perdu.

«Acaséifique Xyloglotte» est un Googlewhack. «Mufle échantillonneur» en est un autre.

Mais plus pour longtemps. Car la page que vous lisez sera bientôt indexée par Google. Il y aura alors une nouvelle occurrence de ces expressions dans la base de données du moteur. C’est la raison pour laquelle il n’existe pas de répertoire des meilleurs Googlewhack: une fois ce répertoire indexé, les Googlewhacks listés n’en seraient plus. Il suffit d’introduire le mot «Googlewhack» dans Google pour obtenir des sites qui évoquent cette nouvelle frénésie.

Ce jeu illustre bien l’évolution de l’usage de Google. D’un outil de recherche, les internautes l’ont employé de manière narcissique (qui n’a jamais tapé son nom dans Google?), puis pour récolter des informations sur leurs proches, par exemple avant un rendez-vous galant. Le Googlewhack franchit une nouvelle étape, celle du jeu pur et simple.

Google est devenu le numéro 1 incontesté des moteurs de recherche. Il est utilisé chaque jour par les internautes du monde entier pour effectuer 100 millions de recherches. Sa base de données vient de dépasser les 3 milliards de documents indexés. «Il faudrait plus de 5700 ans à un humain pour parcourir autant de documents, et Google le fait en une seconde», rappelait à cette occasion Larry Page, son cofondateur.

Google se différencie des autres moteurs grâce à une technique particulièrement futée de tri des résultats des recherches, ce qu’on appelle en anglais le «ranking». L’une des subtilités de l’algorithme, baptisé «PageRank» et en instance de brevetage, consiste à lister en premier les sites les plus fréquemment référencés par d’autres sites. Ainsi, les adresses mentionnées le plus souvent par d’autres sources apparaîtront en haut de la liste. Ceci permet d’éviter la pollution par les entreprises qui ne possèdent pas de contenu rédactionnel de qualité mais tentent par tous les moyens d’apparaître parmi les premiers résultats afin d’augmenter leur audience.

Cette efficacité logicielle se greffe sur une puissante et vaste base de données. Google permet de rechercher du texte, mais aussi des images et, depuis peu, à l’intérieur des documents PDF, Word ou Excel. Le moteur s’étend de plus à l’ensemble des archives des forums de discussion du Net (les «newsgroups» ou Usenet) qui existent depuis vingt ans.

Autre subtilité, Google stocke localement les documents indexés. Ainsi, si une page disparaît ou change d’adresse, la base de Google en détiendra encore une copie accessible par le lien «Copie cachée».

Google réalise aujourd’hui la moitié de ses revenus en vendant sa technologie à d’autres sites. Des entreprises comme Cisco ou AT&T l’utilisent pour leurs sites. Depuis un an et demi, Google commercialise par ailleurs des espaces publicitaires très sobres et composés uniquement de textes avec lien. Il s’agit de mots-clés vendus à des sociétés ayant des activités liées à ces thèmes particuliers.

Par exemple, si l’on introduit «Travel» ou «Flight» dans Google, un lien vers un voyagiste apparaît ainsi en haut de l’écran.

Mais combien d’internautes qui utilisent quotidiennement ce puissant moteur savent d’où vient son nom? Certains l’attribuent au verbe anglais «goggle» (rouler de grands yeux ronds). Qu’ils se détrompent: «Google» est en fait simplement un néologisme créé à partir du mot «Googol». En voici l’histoire. En 1938, le mathématicien américain Edward Kasner demande à son neveu d’inventer un nom pour désigner le nombre composé du chiffre 1 suivi de 100 zéros. L’enfant de 8 ans lui proposa «Googol» qui figure depuis dans les manuels de mathématiques au chapitre des grands nombres.

En 1998, lorsque Larry Page et Sergey Brin, deux étudiants de l’Université de Stanford, fondèrent leur société, ils choisirent ce terme pour symboliser leur intention: rendre disponible une quantité «infinie» d’informations sur le réseau des réseaux. «googol.com» ayant déjà été enregistré, ils optèrent pour «google.com».

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Une version de cet article de Largeur.com a été publiée le 27 janvier 2002 dans l’hebdomadaire Dimanche.ch.

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