Trente-quatrième et dernier épisode de notre feuilleton de politique-fiction. Ce récit a présenté le scénario-catastrophe auquel le Forum de Davos a échappé de justesse en délocalisant sa prochaine édition à New York.
Tsutsui a mimé très exactement les gestes d’un terroriste qui ferait sauter un relais de téléphonie mobile, puis il a construit un bonhomme de neige pour tromper les caméras de surveillance. Quant à Max, qui participait au Forum, il a découvert qu’il était le père de Tsutsui.
Et finalement, le commandant Moritz a cru mieux assurer la sécurité en déclenchant une avalanche qui a fait fuir tous les invités. Mais Tsutsui ne faisait que jouer avec les peurs du commandant.
La table des matières de «Davos Terminus» se trouve ici.
Ce récit a été publié en traduction anglaise par nos confrères new-yorkais d’Autonomedia.org et en allemand sur le site zurichois Paranoiacity.ch.
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Chapitre 34.
A la souriante journaliste derrière son micro qui lui demande ce qu’il fait là, Max répond par un haussement d’épaules. Il a renoncé a faire sa conférence.
-Vous n’aimez pas l’esprit de Davos, Max vom Pokk?
Il lui raconte qu’il y a longtemps il possédait une luge. Elle ne s’appelait pas Rose Bud, comme celle de Citizen Kane. Elle s’appelait Davos et il la cherche encore.
-Oui, mais votre conférence. Est-ce l’avalanche qui vous a fait renoncer? Ou bien ce jeune Japonais qui hier soir vous injuriait, vous prenait à parti?
Max répond encore une fois par un haussement d’épaules auquel il ajoute un large sourire. Puis il monte dans le wagon à la suite de Mirafiori.
Ils sont face à face dans le petit train rouge. Max et son fils. Ils se scrutent, il s’apprivoisent. Le plus jeune dit :
-Donc tu es mon père.
Max regarde attentivement ce visage asiatique pour y lire quelque parenté. Il distingue alors autour de la bouche de son fils cette longue ride qui descend des yeux aux commissures. Encore imperceptible, elle ne manquera pas de se marquer avec l’âge. Le jeune homme lui demande:
-Le nom de Mirafiori, ça vient d’où ?
Comme c’est une longue histoire, il faut que Max commence tout au début, avant 68, quand l’Allemande et lui écrivaient leurs tracts et partaient le matin tôt les distribuer à l’entrée du tour de six heures, porte numéro Un d’une usine à Turin. Mais Mirafiori l’interrompt:
-L’usine n’existe plus, c’est devenu un musée d’art contemporain.
C’est qu’il en sait des choses, ce fils retrouvé.
Le train rouge lâche un sifflement avant le passage à niveau, puis longe le petit lac où les mélèzes sans aiguilles s’entremêlent aux sapins verts, droits et touffus. Une voix féminine annonce aux voyageurs: «Next stop Davos-Wolfgang.»
Après l’arrêt, la rame prend de la vitesse, la vallée fait un coude puis s’élargit à l’entrée de Klosters.
On dirait que les communications téléphoniques sont rétablies. Ça sonne dans tous les coins. Chacun sort son appareil espérant un appel, se réjouissant d’être à nouveau en ligne. Le portable du fils de Max lui aussi vient de couiner. Sa sonnerie rappelle au père une vieille mélodie.
Les premières notes du «Temps des Cerises».
FIN
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Daniel de Roulet, Frasne-les-Meulières, 15 octobre 2001.