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28. Où l’on ne peut qu’approuver Max qui renonce à participer au Forum

La jeune génération devrait-elle se montrer plus médiatique, grimper sur le clocher de Davos, boucher un tunnel du petit train rouge, interférer sur l’émetteur de la télévision? Davos Terminus, 28e épisode.

Dans la nuit qui précède le Forum de Davos, chacun se prépare. D’une part, Max, conférencier invité, se retrouve au lit avec la belle Frénésie, directrice de l’hôtel. D’autre part, le jeune Japonais, Tsutsui, monte au-dessus de la station pour s’attaquer à un relais de téléphonie mobile. Une vue de la scène du drame est accessible ici.

Et pendant ce temps, le commandant Moritz surveille aussi bien les invités que les non-invités. Il prépare la contre-attaque. Lire ici le début du récit.

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Chapitre 28.

Des histoires aussi tragiques, ça peut vous rendre impuissant. Une femme dont Max tombe amoureux et qui lui rend la pareille, ça finit d’habitude très vite au lit. Les jeux de l’amour n’attendent pas.

Mais ce soir avec Frénésie, Max intimidé ne manifeste pas une envie débordante. Elle non plus, après quatre ans et demi. Résultat, le préservatif de Max n’a pas encore vraiment servi. Elle s’est endormie, lovée dans un sourire.

Ce qui gène Max par rapport aux manifestants de la toute nouvelle génération, c’est qu’ils sont là, à injurier l’ancienne.

Que sait-il, ce Mirafiori, avec son nom de femme, de ce que Max a fait de sa jeunesse? Ou pas fait.

La jeune génération devrait se montrer plus combative, grimper sur le clocher de Davos, y planter un drapeau noir, occuper un pont de la route des gorges, boucher un tunnel du petit train rouge, interférer sur l’émetteur de la télévision, faire voler des cerfs-volants en alu pour brouiller les télécom, bref se montrer plus médiatique.

Mais ils ne savent que se présenter en ligne contre un cordon policier en exigeant le libre passage. Max fantasme peut-être, mais de son temps, nom de Dieu, l’imagination était au pouvoir.

– Max, pourquoi tu t’agites? Tu ne veux pas dormir un peu?

C’est vrai, il a la tête ailleurs, mais maintenant que Frénésie s’éveille, le voilà tout à elle. Il va la couvrir de baisers du haut en bas et retour malgré cette gêne qu’il ressent au fond de la poitrine, là où gît encore une dernière question.

– Max, tu as l’air soucieux, le front tout plissé. Viens contre moi.

La question de Max a de la peine à sortir et pourtant elle finit par venir en petits morceaux. C’est à cause… enfin c’est à propos de la mort… de la fin de Shizuko.

– Parce que vraiment, tu la connaissais? Tu vois, Max, de qui je parle? Elle avait ton âge, c’était à Nagasaki, elle dirigeait des laboratoires de recherche d’une grande entreprise de déchets. Greenwar.

A l’époque où je l’ai connue, elle était dans son fauteuil, c’est ça qui a été mortel. Un soir qu’il y avait une réception au bord de l’eau. Je l’ai vue mourir. Max, parlons d’autre chose, c’est top pénible.

Pour être sûrs qu’ils parlent bien de la même personne, avec le même nom, le même âge, la même infirmité, Max aurait besoin d’un signe définitif. A-t-elle étudié à Francfort?

– Oui, Max, elle me l’a dit. Francfort autour de 1968. Max, je voulais te dire, je suis si heureuse de t’avoir rencontré. Je vais rentrer chez moi, prendre le petit déjeuner avec ma fille. Ce matin entre neuf et dix, appelle-moi sur mon portable. On fixera quelque chose pour la nuit. Tu veux? Tu es libre?

Max tourne le dos à Frénésie. Il vient de comprendre. Cette femme handicapée était bien son Allemande et ce Japonais exalté est bien son fils. Comment dans ces conditions avoir encore le culot de comparer Mai 1968 à Septembre 2001?

Mieux vaut abandonner le terrain. Mieux vaut repasser de l’autre côté de la ligne de démarcation.

(A suivre)

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Jusqu’au 30 janvier 2002, les épisodes de «Davos Terminus» sont publiés sur Largeur.com chaque lundi, mercredi et vendredi. Lire ici le vingt-neuvième épisode.

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A la même cadence, «Davos Terminus» est publié en traduction anglaise par nos confrères new-yorkais d’Autonomedia.org et en allemand sur le site zurichois Paranoiacity.ch.