A 34 ans, le vice-président d’Apple en charge du design industriel a frappé un grand coup lundi en dévoilant sa nouvelle création: un hub numérique en forme de demi-sphère.
Time Magazine se spécialiserait-il dans les scoops technophiles? Un mois après avoir présenté en primeur mondiale la trottinette gyroscopique de Dean Kamen, l’hebdo d’AOL s’est payé une nouvelle exclusivité en dévoilant dimanche les courbes du dernier iMac.
Cela faisait longtemps qu’un produit Apple n’avait pas suscité une telle attente. Et les collaborateurs de Time, sans doute emportés par leur enthousiasme, n’ont pas pu s’empêcher d’exhiber brièvement, avec deux jours d’avance, l’article exclusif sur le site canadien de leur magazine.
La direction de Time l’a aussitôt supprimé du serveur mais le mal était fait. Les spécifications de ce nouvel iMac (écran plat de 15 pouces fixé sur un bras chromé pivotant, processeur PowerPC G4 cadencé à 800 MHz, disque dur de 60GB, système d’exploitation Mac OS X 10.1.2 par défaut, prix entre 1’299 et 1’800 dollars) circulaient déjà sur Macminute et autres sites spécialisés.
C’est évidemment le design de l’objet, griffé Jonathan Ive, qui a surpris tout le monde. L’appareil ressemble en fait à la lampe de bureau qui s’animait dans le premier court métrage de Pixar, le studio numérique co-fondé par Steve Jobs. Le socle en demi-sphère contient le processeur (ainsi qu’un graveur de DVD pour les deux modèles haut-de-gamme) alors que l’écran plat figure l’abat-jour articulé.
«Les appareils deviennent de plus en plus complexes à utiliser. Ce qui nous connecte à ces gadgets doit être un hub numérique, un ordinateur construit pour nous simplifier la vie», a notamment déclaré Steve Jobs au magazine Time.
C’est sur des instructions similaires que Jonathan Ive, le jeune vice directeur d’Apple en charge du design industriel, s’est donc mis à plancher durant l’été 2001. Il a opté pour cette forme ultrasimple, en forme de demi-sphère de 24,6 centimètres, à la fois stable et discrète.
Une évidence formelle qui pourrait bien consacrer le jeune anglais au panthéon du design mondial, au moment même où il s’apprête à fêter ses dix ans chez Apple.
L’année 2001 avait pourtant mal commencé pour lui. En janvier dernier, il recevait des flots réclamations à propos de sa dernière création, ce splendide G4 cubique censé faire redémarrer les affaires d’Apple. Les clients et les distributeurs se plaignaient des craquelures apparaissant sur la carapace transparente de l’objet. En quelques jours, le G4 était devenu invendable.
Pour Jonathan Ive – qui s’était fait connaître trois ans plus tôt en s’inspirant d’une douche embuée pour dessiner l’iMac -, c’était l’humiliation suprême: la fonctionnalité desservie par l’esthétique. Le jeune designer s’était alors senti sur un siège éjectable. Steve Jobs, qui l’avait propulsé vice-président de la compagnie, ne lui pardonnerait pas une seconde erreur.
Au printemps 2001, Ive avait pu remonter la pente en signant le Titanium Powerbook G4, un portable puissant et ultraplat très applaudi par les professionnels. Et puis en novembre, après un lancement réussi de Mac OS X, la sortie de l’iPod avait permis a Apple de clore l’année en beauté.
Malgré quelque faiblesses sans rapport avec son design (le prix élevé et l’incompatibilité avec l’univers PC), ce lecteur MP3 s’est déjà vendu à 125’000 exemplaires en deux mois.
L’iMac hémisphérique permettra-t-il à Apple d’augmenter significativement sa part de marché, qui plafonne toujours à 4%? L’annonce de lundi démontre en tout cas que la firme continue à tabler sur une élégance hors-normes. Jonathan Ive, 34 ans, en a fait sa devise: dans une industrie obsédée par les détails techniques, seul le style peut sauver Apple. «Le but n’est pas de nous différencier à tout prix, dit-il, mais d’inventer des produits que les gens vont adorer.»