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30 ans de tourisme: le grand tournant alpin

Essentielle à l’économie des régions alpines suisses, l’activité touristique représente un cinquième du produit intérieur brut. La branche a subi de profondes transformations depuis l’âge d’or des domaines skiables.

Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans PME Magazine.

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 «Il y a trente ans, il fallait anticiper longtemps en avance pour assurer sa réservation dans une station de sports d’hiver, raconte Nicolas Délétroz, économiste à l’Observatoire valaisan du tourisme. Avec l’intensification de la concurrence internationale, le tourisme est passé d’une économie de l’offre à une économie de la demande.» Seules trois régions alpines – les Alpes fribourgeoises, la Suisse centrale et l’Oberland bernois – ont ainsi vu leur nombre de nuitées augmenter entre 2000 et 2017. Le Valais et la Suisse orientale ont pour leur part enregistré un léger recul, tandis que les Alpes vaudoises, le Tessin et les Grisons ont plongé. Ces résultats témoignent, ces dernières décennies, d’une recomposition du tourisme, qui continue tout de même de générer 27% de l’emploi et de 21% de la valeur ajoutée brute des régions de montagne.

1. D’une montagne sportive à une montagne reposante

Pour Yvan Aymon, actif dans le secteur depuis 1989, le tourisme alpin a amorcé la troisième rupture de son histoire. «De 1850 à 1950, nous avons connu les prémices du tourisme en Suisse avec les premières cures thermales, rappelle le président de l’association Entreprises Valais Excellence. A partir de la deuxième moitié du XXe siècle, l’avènement des sports de glisse a apporté une grande valeur ajoutée aux régions alpines. Désormais, même si la plupart des investissements continuent de se concentrer sur les activités sportives, on perçoit à nouveau le potentiel d’une montagne ressourçante.»

Les offres «wellness» n’ont cessé de se développer ces dernières décennies «Établissements de soins au départ, les thermes sont devenus un endroit pour se faire du bien», constate Olivier Foro, directeur des Bains de Brigerbad (VS). Ancien responsable de l’office du tourisme d’Ovronnaz (VS), puis directeur marketing des Bains de la même localité, il a suivi l’inauguration du centre thermal en 1990. «L’ouverture des bains a fait connaître Ovronnaz à toute la Suisse romande. Nous avons été parmi les premiers à proposer, avec succès, des forfaits combinant ski et bains.»

Cette évolution vers le «thermoludisme» se décline en plusieurs segments. «Certaines offres s’adressent à un public assez large, avec aussi des infrastructures pour les familles, comme à Brigerbad ou Saillon, en proposant toboggans ou animations aquatiques. D’autres misent spécifiquement sur la détente, avec des espaces spa.» Symbole du succès du «thermoludisme», les Bains de Lavey (VD) ont très vite vu leur nombre d’entrées passer d’environ 80’000 à près de 250’000, à la suite de la rénovation de l’ancien centre thermal et de la construction de grands bassins en 2000. Ce chiffre a ensuite continué de progresser, jusqu’à se stabiliser depuis quelques années autour de 470’000 visiteurs annuels.

2. La transformation digitale

«L’arrivée des plateformes de réservation en ligne a constitué un grand chamboulement», note Dominique Fumeaux, responsable de la filière Tourisme HES-SO Valais. Les offices du tourisme ont tenté dès le milieu des années 1990 de prendre le virage digital en proposant aux hôteliers helvétiques des systèmes informatiques. «La logique de concurrence entre les acteurs locaux et la mentalité frileuse des régions alpines ont toutefois empêché le décollage de ces initiatives», analyse Roland Schegg, professeur dans cette même haute école.

Les plateformes de réservation en ligne (aussi appelée Online Travel Agencies, OTA) internationales n’ont alors cessé de gagner en importance. «Celles-ci représentent aujourd’hui presque 30% des nuitées à la montagne avec des commissions moyennes entre 13% et 15%.» Le grand gagnant est Booking.com dont la part relative sur le marché OTA est supérieure à 70%. Mais, outre les pertes liées aux fortes commissions, les hôteliers n’ont pas la main sur les données, pourtant cruciales sur le plan marketing. L’arrivée d’Airbnb, qui cumule désormais 8% des nuitées en Suisse, a également bousculé l’hébergement dans les stations.

Cette transformation digitale a néanmoins aussi profité à des produits de niches et à des stations moins connues, grâce notamment aux réseaux sociaux et commentaires positifs. «En Valais, ce bouche-à-oreille numérisé se révèle important pour des lieux comme Champex-Lac ou L’Hospice du Grand-Saint-Bernard, relève Dominique Fumeaux. Cette e-réputation met en avant ceux qui travaillent le mieux.» Des offres numériques, comme l’abonnement commun Magic Pass a également joué un rôle bénéfique. Durant la saison 2017-2018, les journées-skieurs dans les domaines partenaires ont augmenté de près de 48%, à 2,8 millions, et les chiffre d’affaires ont progressé de 29%, à 81 millions de francs.

3. Enneigement et réchauffement

Un autre défi de taille touche depuis quelques années les Préalpes et même les domaines de plus haute altitude: le réchauffement climatique. «L’hiver de quatre mois et demi, c’est fini, estime Nicolas Délétroz. Le corolaire, c’est une diversification grandissante des activités de montagne et une professionnalisation accrue des acteurs proposant ces nouvelles activités.» Toujours plus de remontées mécaniques sont par exemple ouvertes en été pour la pratique du VTT ou de la marche, ce qui permet une bonne exploitation des capacités hôtelières, selon BAK Economics: «L’espace alpin suisse se distingue par une performance excellente, notamment en été où la croissance des nuitées a atteint 6,5% entre 2016 et 2017».

L’offre culturelle, permise par des liaisons accrues entre les plaines et les montagnes, mais aussi l’œnotourisme et la gastronomie, constituent d’autres pistes de diversification pour les régions alpines. «Nous devons réussir à nous mettre dans la peau des clients et imaginer leur ‘customer journey’, explique Damian Constantin, directeur de Valais/Wallis Promotion. Se déplacer une heure paraît long pour un montagnard, mais des touristes venus de l’autre bout du monde n’auront aucun mal à aller à la Fondation Gianadda à Martigny depuis Verbier, aux Bains de Brigerbad depuis Aletsch, ou encore dans une cave de Chamoson depuis Ovronnaz.»

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Encadré : Le tourisme alpin en 2049

Sous l’effet du réchauffement climatique, la clientèle des plaines et citadine devrait rejoindre la montagne en été pour rechercher de la fraîcheur. «Un scénario uniquement réalisable si les régions alpines préservent leur principal infrastructure: la nature, prévient Yvan Aymon, président de l’association Entreprises Valais Excellence.

Des éléments comme le savoir-faire, la sécurité et la mobilité devraient gagner en importance ces trente prochaines années, anticipe Damian Constantin, directeur de Valais/Wallis Promotion. «Avec l’accès instantané à l’information permis par les outils digitaux, les clients seront toujours plus éduqués et il faudra leur apporter de la transparence ainsi qu’un service irréprochable. Des destinations sûres (dans l’accessibilité à la station ou sur les sentiers par exemple) tireront leur épingle du jeu.»

Une attention devrait également être portée à la population en âge d’être à la retraite (+50% dans la plupart des cantons d’ici à 2045). «Les seniors souhaitent rester en bonne santé et de profiter le plus longtemps possible de leurs loisirs. Il faudra leur offrir, dans le cadre par exemple du e-bike, des voies sécurisées, séparées de la circulation.»

Le tourisme durable pourrait aussi prendre de l’ampleur. «Bien sûr nous observons la recrudescence des vacances express en avion, mais nous entendons aussi des discours forts de la part des jeunes autour des enjeux climatiques, souligne Dominique Fumeaux de la HES Valais. Si cela se transforme en gestes concrets, le nombre de séjours proposant produits locaux, mobilité douce ou encore hébergements avec une faible empreinte écologique pourrait augmenter en Suisse.»