TECHNOPHILE

Data centers: une note d’électricité toujours plus salée

Le nombre grandissant de centre de données représente un véritable gouffre énergétique. En Suisse, certains hébergeurs adoptent des solutions plus écologiques.

La consommation d’énergie du secteur numérique ne cesse d’augmenter. Selon un rapport de Greenpeace publié en 2017, celle-ci représente aujourd’hui environ 10% de la consommation d’énergie mondiale. Le rapport prédit une croissance annuelle de 7% d’ici à 2030. Environ un tiers de cette consommation revient aux data centers – d’immenses centres de calcul dotés de milliers de serveurs. Avec l’avènement du «cloud computing» – le stockage des données externalisé – et la propagation de pratiques de plus en plus gourmandes en flux de données – comme le visionnage de films en ligne – la capacité de stockage des data centers devrait encore être multipliée par 4 d’ici à 2021, d’après une étude de la société informatique Cisco.

La Suisse est depuis quelques années un haut-lieu pour ce type d’installations. Selon un rapport de l’institut d’études économiques de Bâle, ce sont notamment son infrastructure performante et sa situation économique et politique stable qui jouent en sa faveur. Ainsi, en Europe, seule l’Irlande (qui bénéficie de la présence d’Amazon, de Google ou de Facebook sur son sol) possède un taux de data centers par habitant plus élevé. Récemment, le géant américain de l’informatique Microsoft a annoncé la création de deux nouveaux data centers, à Zurich et à Genève. La consommation d’énergie de ces centres de données a été l’objet d’un rapport du Conseil fédéral en 2015 déjà. Selon cette étude, les data centers sont responsables de presque 3% de toute la consommation d’énergie du pays – ce qui correspond à la consommation annuelle de la ville de Neuchâtel.

«La moitié de la consommation d’énergie dans les data centers est due au refroidissement des serveurs, car ceux-ci chauffent énormément en faisant des calculs, explique Alexandre Patti, data protection officer de la société informatique genevoise Infomaniak. Afin qu’ils puissent fonctionner de manière optimale, il ne faut pas qu’ils dépassent trop souvent 45 degrés en température.» Pour limiter les coûts liés à la climatisation, certaines sociétés décident de construire leurs data centers dans des contrées ou il fait plus froid. Ainsi, Facebook possède des data centers en Suède et au Danemark. L’entreprise Infomaniak, quant à elle, a développé pour son data center à Satigny (GE) une technologie de refroidissement basée sur l’air extérieur, sans système de climatisation. «En Suisse, les températures dépassent rarement les 35 degrés. De plus, nos serveurs peuvent ponctuellement supporter des températures allant jusqu’à 60 degrés s’il le faut.»

Valoriser la chaleur

La société mise également sur le renouvèlement régulier de ces serveurs. «Nous les changeons tous les 4 ans, soit bien avant leur cycle de vie qui est d’environ 10 ans. Ainsi, nous travaillons toujours avec les modèles de serveurs les plus récents, qui sont moins énergivores et qui prennent moins de place, ce qui rend les data centers de données toujours plus efficaces», dit Alexandre Patti. Avec succès: alors qu’Infomaniak a augmenté le nombre de ses serveurs de plus de 20% chaque année depuis 2 ans, la consommation d’énergie a augmenté de 2% seulement dans le même laps de temps.

Une autre stratégie consiste à utiliser la chaleur dégagée par les serveurs pour chauffer des immeubles. Ainsi, la société Safe Host – qui possède trois data centers en Suisse romande – met à disposition la chaleur émise par son data center à Plan-les-Ouates (GE) pour couvrir une part importante des besoins en chauffage des bâtiments de la zone industrielle adjacente.

En France, l’entreprise Qarnot Computing propose même des radiateurs numériques pour les particuliers. Il s’agit de serveurs sur lesquels les entreprises peuvent externaliser leurs calculs. La chaleur créée grâce à ces calculs sert ensuite de chauffage pour les habitants d’un appartement. «De telles solutions sont très prometteuses, analyse François Vuille, directeur du Centre de l’énergie de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. En revanche, un data center produit de la chaleur en permanence, or les immeubles n’en ont besoin qu’en hiver. Si l’on veut valoriser cette chaleur de manière optimale, il faut par exemple installer des pompes à chaleur qui peuvent la stocker dans le sol jusqu’à l’hiver suivant.»

En plus de ces stratégies, les hébergeurs des données en Suisse se basent la plupart du temps sur des sources d’énergie renouvelables – Safe Host, Infomaniak ou IBM, qui possède neuf data centers en Suisse, atteignent par exemple un taux de 100% dans ce domaine. Cependant, même en choisissant ces approches écologiques dans les data centers, la puissance et l’efficacité toujours plus importante des serveurs a comme effet une demande de calculs qui ne cesse de croître, avertit François Vuille. «Avec le développement de l’Internet des objets, le nombre de calculs va croître de manière spectaculaire ces prochaines années et avec eux les besoins en énergie. En contrepartie, cette digitalisation permettra d’optimiser nos système énergétique en créant notamment des villes et des réseaux électrique intelligent, qui aideront à gérer les flux d’énergie de manière efficace.»

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Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans Entreprise Romande.