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Le rapport avec la choucroute

La RFFA (réforme fiscale et financement de l’AVS) soumise au peuple le 19 mai prochain laisse par sa complexité plus d’un citoyen désemparé. Même Christoph Blocher ne sait plus sur quel pied danser.

Citoyens, à vos boîtes d’aspirine. L’objet qui se profile à l’horizon et qu’on soumet à votre sagacité paraît valoir son pesant de migraines. Imaginez deux votations populaires perdues: la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) et la Prévoyance vieillesse 2020. Puis cette idée hautement baroque venue au Conseil fédéral: lier ces deux échecs en un seul beau paquet, au nom à ne faire fuir pas que les petits enfants: RFFA. Avec sans doute un optimisme du genre mathématique, une foi du charbonnier en le fameux «moins par moins égal plus». Sans trop se soucier du rapport avec la choucroute.

Au départ, l’idée peut sembler maligne, pour ne pas dire retorse. La réforme fiscale des entreprises générera des pertes: certes les statuts fiscaux privilégiés accordés par les cantons à 24’000 multinationales seront abolis – histoire d’atténuer notre persistante réputation de paradis fiscal – et chacun tondu au même tarif. Mais pour ne pas faire fuir ce vaillant petit monde sous des cieux moins abrupts, le taux valant pour tous devra être abaissé. Résultat: deux milliards envolés.

C’est là qu’intervient la diabolique pirouette de la compensation. Pour ne pas échauder le citoyen devant cet assèchement de ressources publiques, un montant correspondant à chaque franc perdu sera reversé dans l’AVS. Ce qui peut sembler à première vue proprement ubuesque: financer l’AVS par des pertes. Sauf que toute une série de mécanismes et de vases communicants ont été prévus, offrant déjà à la RFFA le qualificatif peut-être pas tout à fait immérité d’usine à gaz.

Hausse des cotisations de 0,3% réparties entre les entreprises et les salariés, contribution de la Confédération de 800 millions, versement aux cantons de 900 millions via l’impôt fédéral direct, imposition des dividendes touchés par les actionnaires de 70% au niveau fédéral et de 50% au niveau cantonal, voilà, en gros, le menu.

Désemparé, le citoyen ne sera pas beaucoup aidé en vérifiant qui est pour – l’USAM, le PS (moins sa section genevoise), le PDC, le PLR, Travail.Suisse – et qui est contre – les Verts, les Verts libéraux, les jeunes socialistes, le syndicat du service public. Ni non plus en écoutant l’argumentaire du Conseil fédéral qu’Ueli Maurer résume dans toute sa dramatique simplicité: «Si le non l’emporte, tout ce qui viendrait après sera pire.»

N’empêche il existe deux arguments forts contre la RFFA, que l’ancien conseiller national Jacques Neirynck résume dans Le Temps. D’abord elle ne s’attaque pas au mal endémique de l’AVS – l’allongement de la durée de vie et le déséquilibre de la pyramide des âges – ne faisant que retarder des vraies solutions, à choix, mais toutes politiquement plus ou moins suicidaires: «Allonger la durée de la vie active; relever les cotisations; diminuer les rentes; introduire des travailleurs étrangers.»

Autre vilain péché dont est accusé la RFFA: elle ne respecterait pas l’unité de matière qui veut que dans une votation on puisse, lorsqu’il s’agit de deux objets distincts, accepter l’un et refuser l’autre. Ce qui n’est pas le cas ici, puisque le citoyen ne pourra qu’accepter la réforme de la fiscalité des entreprises et en même temps le financement de l’AVS, ou refuser les deux.

Même ceux qui d’ordinaire déploient une capacité hors du commun à tout voir en noir ou blanc confessent leur désarroi. Tel Christoph Blocher parvenant à convaincre son parti de laisser la liberté de vote. La liberté de vote, Christoph Blocher! C’est dire si cette RFFA a le pouvoir d’anesthésier les plus vieux serpents. L’argument invoqué par l’inoxydable tribun populiste montre en tout cas que notre démocratie a beau s’autoproclamer directe, elle n’a pourtant pas toujours l’élégance de la limpidité: «Quoi que nous votions ce sera faux.»