LATITUDES

Les coulisses d’une métamorphose

Avec son projet «Métamorphose» et la conquête de l’Ouest autrefois réservé aux industries, Lausanne et son agglomération connaissent une mue inédite. Visite guidée.

C’est l’histoire d’une transformation comme Lausanne en a peu connu durant son histoire. Celle d’une véritable mue qui s’étend du nord au sud et à l’ouest, en passe de modifier durablement le visage de la cité vaudoise et de sa région.

Aux quatre coins de la ville, les grues et les pelleteuses se sont mises au travail ou s’apprêtent à le faire dans les prochaines années. L’objectif est de doter la capitale olympique d’équipements sportifs ultramodernes, de deux écoquartiers où vivront, travailleront et seront scolarisés quelque 15’000 personnes, d’un nouveau centre d’affaires et d’un renforcement de l’offre en matière de transports publics. Cette ambition se résume en un mot digne d’un blockbuster hollywoodien: «Métamorphose».

L’histoire commence en 2006, lorsque Lausanne décide de redistribuer les cartes avec son ambitieux projet de réaménagement du territoire devisé aujourd’hui à près de 600 millions de francs. Exit le vétuste stade de la Pontaise, dont on voit les projecteurs briller les soirs de match du Lausanne-Sport ou lors d’Athletissima. Place à un stade de football au bord du lac! L’ambition est alors d’implanter des installations sportives au sud, près du CIO, et de nouveaux habitats au nord de la ville. Quelques rebondissements plus tard, c’est un mélange des deux qui se prépare, disséminant installations sportives et écoquartiers au nord et au sud. Le fameux stade de football à l’anglaise sort finalement de terre à la Tuilière, au nord, tandis que l’eau et la glace sont représentées à Malley, au sud-ouest de la ville.

Un quartier unique en Suisse

Sur le plateau de la Blécherette, en face de la Pontaise, l’écoquartier des Plaines-du-Loup prépare, quant à lui, sa percée. «C’est un morceau de ville dans la ville», s’enthousiasme Ulrick Liman, chef du bureau de développement et projet «Métamorphose». L’ambition en termes de développement durable s’annonce inédite: pour ce quartier de 10’000 âmes qui accueillera commerces et habitats, les autorités ont fait le pari de la mixité sociale, de la complémentarité des investisseurs, de la diversité architecturale et de l’exemplarité énergétique. Les bâtiments répondront aux standards écologiques les plus élevés, la production d’électricité renouvelable sera maximisée et la géothermie atteindra des profondeurs audacieuses.

Les forages de cette dernière plongent jusqu’à 800 mètres au lieu des 200 à 300 usuels. Lausanne est la seule ville de Suisse à se lancer dans une opération d’une telle envergure, souligne Ulrick Liman. Pas de risque de tremblement de terre: «Les essais se sont révélés concluants, assure-t-il. Avec à la clé, une solution adaptée aux quartiers urbains et un gain d’efficacité d’environ 40% par rapport aux solutions traditionnelles.»

Cap sur le sud. La mue n’est pas encore entamée, mais elle sera tout aussi imposante. Le futur écoquartier des Prés-de- Vidy et la rénovation du Stade Pierre-de-Coubertin appelé à accueillir le meeting d’athlétisme Athletissima promettent de faire vivre cette partie du territoire. À l’ouest, l’imposant Centre sportif de Malley (CSM) a pris forme juste derrière la gare du même nom. Il est l’autre fleuron de la métamorphose sportive puisqu’il dotera enfin la ville d’un bassin olympique couvert. Sa patinoire, elle, sera le théâtre des Jeux olympiques de la Jeunesse (JOJ) et du championnat du monde de hockey en 2020.

À la conquête de l’ouest

Le Centre sportif de Malley n’est que le début de la conquête du triangle Lausanne-Renens- Bussigny, autrefois dévolu aux industries. «L’idée que l’Ouest était à même d’accueillir les usines remonte à la nuit des temps, rappelle l’historien de l’architecture Sylvain Malfroy. Les abattoirs ont par exemple été déplacés de la Borde à Malley dans les années 1920. L’arrivée du chemin de fer et de la gare de triage a favorisé l’implantation du triangle industriel.»

La zone industrielle partage déjà l’espace avec des créatifs et des acteurs culturels: L’ECAL, l’École cantonale d’art de Lausanne, a élu domicile sur le site de l’ancienne usine Iril à Renens transformée en 2007 par l’architecte Bernard Tschumi, tandis que le Théâtre Kléber-Méleau est présent depuis 1979 dans ce qui fut une usine à gaz.

Mais c’est surtout l’habitat qui va croître ces prochaines années, relève Igor Andersen, directeur associé du bureau Urbaplan, spécialisé dans l’aménagement du territoire. «Lausanne et sa région sont à la veille d’une transformation inédite comme ont pu en connaître Zurich ou des villes portuaires telles que Hambourg, en Allemagne. À la différence qu’ici, il n’est pas seulement question de réinvestir des friches industrielles délaissées, mais de construire dans des quartiers existants.»

La conquête de l’Ouest lausannois s’annonce donc en grand format. La région a d’ailleurs décidé de prendre les devants il y a plus d’une dizaine d’années en donnant naissance au PALM, le Projet d’agglomération Lausanne- Morges. Cofinancé par la Confédération, il regroupe 26 communes et s’étend de Lutry, à l’est, à Saint-Prex, à l’ouest. L’un des axes forts prévoit une amélioration qualitative du système des transports. Avec la construction d’une future ligne de métro m3 entre la gare et la Blécherette et d’une ligne de tram reliant le quartier du Flon à Renens prévue pour 2023, Lausanne se dote d’infrastructures performantes pour assurer la mobilité de demain.

Peu à peu, le centre-ville va ainsi glisser vers l’Ouest. Au point qu’un jour, Lausanne et Morges ne feront peut-être plus qu’une… «Mais n’est-ce pas déjà le cas?» interroge Igor Andersen. Car au-delà de la percée vers l’Ouest, «nous sommes en train de jeter les bases d’une agglomération qui s’étendra de Lausanne à Genève», avertit de son côté Sylvain Malfroy. Tout en conservant une spécificité régionale remarquable, ajoute Igor Andersen. C’est là tout le génie helvétique.

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Collaboration: Viviane Menétrey

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Une version de cet article est parue dans The Lausanner (no 2).