TECHNOPHILE

L’employé, un joueur comme les autres

Toujours plus d’organisations font le pari du divertissement pour former, intéresser ou encore faire réfléchir leurs collaborateurs.

S’amuser et travailler: voilà deux antonymes que les «serious games» tentent de dépasser, en combinant un but sérieux (de recrutement, formation, communication, etc.) et des ressorts ludiques. ll est naturel que ces univers se rejoignent aujourd’hui, selon Hélène Michel, professeure en innovation et «gamification» à Grenoble École de management, en France. «D’un côté, il y a le monde du jeu qui a une cote incroyable. Ses puissants mécanismes de motivation sont désormais académiquement reconnus et il a envahi la société avec le jeu vidéo. De l’autre, il y a le monde de l’entreprise, de la performance, qui cherche toujours des solutions pour que les collaborateurs s’engagent davantage.»

De l’approche «top-down»…

Les «serious games» ont été théorisés et intégrés dans les entreprises depuis le milieu des années 2000. Le groupe de cosmétiques français L’Oréal avec son jeu «e-Strat Challenge» en 2000 a été précurseur. «Les ‘serious games’ se sont d’abord développés dans une logique descendante, rappelle Hélène Michel. Un directeur RH ou de la communication souhaitait, en commandant un jeu sérieux, soit l’acquisition d’une connaissance ou compétence par les collaborateurs, soit faire passer un message-clé au grand public.»

Le studio medicaments cialis 5mg créé à Mons en Belgique en 2009 s’est inscrit dans cette tendance. «Nous avons créé des jeux sur mobile, PC et consoles, pour le compte de clients très différents, afin de les aider à faire passer certains messages ou à former des équipes», explique Laurent Grumiaux, directeur commercial. En Europe, la société a ainsi travaillé pour l’entreprise française Dassault Aviation, le fabricant de médicaments GSK ou la Commission européenne.

…au jeu collaboratif

Aujourd’hui, la tendance est ascendante. «Le jeu dans les organisations se fait à la fois plus subtil et plus présent, avance Hélène Michel. On ne cherche pas à délivrer une vérité, mais à faire émerger des comportements et à capter de l’information chez les participants.» Toujours plus de commanditaires de «serious games» sont ainsi issus des départements innovation et transformation.

Les «serious games» prennent différentes formes: jeux numériques, de société ou de rôle. Ole Broberg, responsable des masters design et innovation à l’Université technique du Danemark, imagine des «design games» dans le but d’encourager des acteurs à concevoir une technologie ou une organisation de travail. Il s’est par exemple intéressé, entre 2010 et 2012, à la rénovation d’une clinique ambulatoire du Grand Copenhague. «Nous avons mené trois sessions avec une dizaine de personnes issue de l’équipe de soins (médecins, secrétaires, infirmiers). Le but était de simuler la future clinique avec des jeux, comprenant un plateau et des figurines Lego. Chacun jouait son propre rôle et les scénarios variaient afin de voir l’impact de telle ou telle réorganisation sur le parcours de soins du patient.» Malgré un léger scepticisme à la base, l’équipe s’est finalement beaucoup engagée: «Contrairement à un brainstorming classique, on peut plus facilement s’identifier, comprendre et venir avec ses expériences et idées.»

Démocratisation des plateformes

Au début, le développement de jeux vidéo sérieux s’avérait coûteux. Désormais, il existe un grand nombre de logiciels-auteurs comme ITycom ou Unity. «Cela permet de développer des jeux à moindres frais», relève Raphael Granier De Cassagnac, physicien au Laboratoire Leprince-Ringuet de l’École polytechnique (L’X). «On trouve dans Unity par exemple, des librairies d’animations, de textures, de modèles 3D, développées par une communauté vivace.»

L’arrivée de nouveaux types de médias pourrait encore accroître l’immersion permise par les «serious games». «La réalité augmentée et la réalité virtuelle devraient permettre de mieux comprendre des environnements scientifiques non visibles, par exemple en plongeant les joueurs au cœur de collisions de particules élémentaires», indique le Parisien qui développe actuellement un jeu sérieux de vulgarisation sur la physique des particules.

L’ère de la «gamification»

Alors que les revenus du marché du jeu sérieux devraient quadrupler pour atteindre 17 milliards de dollars en 2023, la porosité entre le monde du travail et celui du jeu s’accélère. Preuve en est la conférence organisée conjointement par le studio Ubisoft et Microsoft sur le thème «Future of learning» le 18 septembre dernier à Paris. «Les collaborateurs voient leurs espaces de travail physiques et virtuels se ‘gamifier’», explique Hélène Michel, qui prend l’exemple d’Outlook. «Chaque jour, un employé ouvre sa messagerie pour voir son calendrier des tâches. Or, on pourrait transformer cette ‘To do List’ en une grande quête et y distiller par petites touches des mécanismes du jeu. L’employé ferait quotidiennement 10 à 15 minutes d’activités ludiques et, après un mois, il se serait formé.»

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Dans la peau d’un trader

Depuis novembre 2010, la «cialis dosage sizes» de l’Université technique de Munich permet aux étudiants de se confronter à la réalité du marché. «Cette salle permet de pratiquer des exercices informatiques accompagnant les cours théoriques, ainsi que d’accéder aux données réelles des marchés financiers pour tester des modèles statiques», explique le professeur de la chaire de mathématiques financières, Rudi Zagst.

Mais surtout, le projet participe à la formation de futurs opérateurs financiers. Les étudiants sont mis dans les conditions d’une véritable salle de marché, avec des appels, un portfolio à gérer, un logiciel de trading, etc. «Ils doivent gérer les risques et leurs propres portefeuilles de négociation. Cette mise sous stress est très formatrice et permet d’identifier les ‘parieurs’ qui ne sont pas faits pour ce métier.» Ce grand jeu de simulation a déjà permis la formation d’environ 200 étudiants qui ont passé leur certification de trader Eurex (pour European Exchange).

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Une version de cet article est parue dans le magazine en ligne Technologist, qui traite l’actualité de la recherche et de l’innovation en Europe.