Chaque semaine Christophe Gallaz saisit au vol un mot lié à l’actualité, cette semaine: la repentance.
Voici donc à nouveau la France, grâce au général Paul Aussaresses, coordinateur des services de renseignements de l’armée française à Alger en 1957, qui publia la semaine dernière un livre débarrassé de tout remords sur les tortures et les exécutions commises par son commando, en plein désir unanime de «repentance».

La repentance, la repentance, la repentance! Nous n’entendons plus que ces quatre syllabes, décidément, depuis une quinzaine d’années, à propos de tous les grands crimes commis dans l’Histoire depuis une soixantaine d’année. Et cette récurrence est bien instructive.
La repentance, en effet, ce n’est ni le repentir, ni le regret, ni les excuses, ni même le souhait d’être pardonné. Ces choses-là sont de petites bricoles. La repentance, vocable dont tous les dictionnaires signalent d’ailleurs qu’il est «vieilli» ou «littéraire» (merci pour les écrivains), non. C’est monumental. Tout autre chose.
Premièrement, la repentance, c’est un état qui s’inscrit dans la durée, par mécanisme d’imprégnation. C’est un souvenir douloureux, propre à susciter la volonté d’expier, qui vous gagne jusqu’à la moelle et de là gagne la moelle de vos descendants – deux ou trois générations en aval, si possible. Et secondement, c’est un état de nature crypto-religieuse.
Notre vieil ami Jean Calvin le savait bien qui nous invite joyeusement, comme à son habitude, dans le texte d’une prière restée célèbre, à nous condamner nous mêmes, «nous et nos vices, avec une vraie repentance».
Il en résulte un joli portrait de nos sociétés contemporaines. Celles-ci sont, grâce aux moyens techniques dont elles disposent, plus salopardes qu’aucune de celles qui les ont précédées. Elles bombardent à l’envi, gazent par esprit de système, empoisonnent à l’échelle industrielle, incendient massivement et supplicient de façon perfectionnée, battant ainsi tous les records d’efficacité.
Et simultanément, ces mécréantes fétichisent totalement la contrition faux-cul. La musique que ça nous donne, vous l’entendez? Elle bruisse doucement. Crevez, connards de bougnouls, sales juifs et cochons de réfugiés kosovars! Dans vingt ou trente ans, un petit coup de repentance, à force de lamentos dans la presse et de prélats courbés dans leur confessionnal, et ça repartira comme en quatorze!