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Hans Stöckli, ou l’olympisme de gauche

L’ancien charismatique maire socialiste de Bienne, aujourd’hui conseiller aux Etats, est vice-président du comité de candidature Sion 2026. Une manifestation qui n’a pas vraiment la cote dans son parti. Pas grave: l’homme maîtrise parfaitement le saut de carpe.

C’est une alliance un peu honteuse mais récurrente, à défaut d’être concertée. L’UDC et le PS se retrouvent souvent dans le même camp lors des votes aux Chambres. Malgré leur position à chacun des bouts du spectre politique. On peut avancer plusieurs raisons à ces figures désordonnées de la carpe et du lapin.

Par exemple que les deux formations, bien qu’elles participent au Conseil fédéral, qu’elles y seraient même majoritaires à elles deux, n’arrivent pas à se défaire d’un sentiment profond: celui d’être dans l’opposition.

Opposition à quoi? Davantage qu’à la politique de droite bourgeoise prédominante, peut-être à quelque chose qui est vaguement perçu comme le système. Un système que l’on considère, du tréfonds du PS, comme vendu aux banques et aux multinationales, et des bas-fonds de l’UDC, comme agenouillé devant l’Union européenne et le mondialisme immigrationaniste.

L’alliance UDC-PS se glisse même dans des sujets à priori moins clivants. Par exemple la candidature Sion 2026 aux Jeux Olympiques. C’est une majorité PS et UDC qui a validé au National une motion socialiste réclamant un vote national sur l’opportunité de ces joutes. Une manifestation, les Jeux, qui ne peut apparaître que fort futile à des PS et des UDC qui semblent avoir en commun un esprit de sérieux et un rigorisme rarement démentis. Le sport de compétition? Vaine gloriole et gaspillage.

C’est pourtant un UDC et un PS que l’on a entendu défendre Sion 2026 ce jour-là. Parmelin d’abord, sous la Coupole, dans son rôle de ministre des sports et de membre du gouvernement. Et le conseiller aux États Hans Stöckli, réagissant durement au vote comme vice-président du comité de candidature. A l’heure où la gauche valaisanne balance entre le refus net et un petit oui assorti d’un grand mais, le cas de Stöckli est intéressant.

Issu d’un milieu modeste, élevé avec ses deux sœurs par une mère vendeuse, il devient, après des études de droit et de journalisme, avocat puis juge. Mais surtout maire de Bienne pendant 20 ans, puis conseiller national, puis aux Etats. Longtemps il a incarné Bienne à lui tout seul, de tout le poids de ses 101 kilos, qu’il finira par perdre, mais continuant de traîner une lourde réputation d’impulsivité et d’autoritarisme.

On lui reprochera une proximité, un peu voyante pour un socialiste, avec les grands patrons de l’horlogerie – Swatch. Rolex- qu’on soupçonne même en 2003 de financer sa campagne au Conseil national. Lui jure que ce soutien n’est que moral. Il faut dire que dans cette campagne il embrigade un peu tout le monde, y compris son institutrice, venue témoigner des précoces capacités de médiateur du petit Stöckli. Ce qui lui permet d’affirmer tranquillement, socialiste ou pas: «dans les rapports des forces sociaux, je ne suis ni avec les uns ni avec les autres».

D’Expo.02, dont il aime proclamer que sa ville fut la tête de pont, il dira qu’elle aura été «un rêve d’enfant qui s’est réalisé». Il semble donc qu’Hans Stöckli goûte les grandes manifestations nationales, qu’il est sensible à la magie des événements clinquants. Ce qui le préserve peut-être du rejet de principe dont font preuve face à l’olympisme les réticents socialistes, écologistes ou UDC, tous des pisse-froids bien sûr qui ne comprennent rien à la féerie des Jeux, ni au prix de l’émotion.

Sans compter qu’avec sa femme et ses enfants, Hans Stöckli a toujours eu une destination de vacances à laquelle il est resté fidèle chaque année: Saas-Fee. Il s’est pourtant contenté d’un simple argument technique pour s’opposer à l’idée de faire voter le peuple suisse sur les JO: «Trop tard».

Pour lui en effet, cela équivaudrait simplement à renoncer aux Jeux. Et il le prouve, expliquant que le délai pour le dépôt de la candidature échoit le 11 janvier 2019 et qu’une votation fédérale ne pourrait intervenir avant juillet 2019. La-la-lère…

Le plus beau de l’histoire, c’est que le président du comité d’organisation, après la démission de Jean-Philippe Rochat, est un UDC: le Zurichois Jürg Stahl, président de Swiss Olympic, et conseiller national. Ce qui fait ricaner, dans l’Argauer Zeitung, l’éditorialiste, lui-même Biennois, Peter Rothenbuler: «Stöckli et Stahl, on dirait le Muppet Show». C’était donc ça: c’était pour rire.