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La Suisse a besoin d’un «Science advisor»

Les titulaires des deux postes les plus importants pour la formation et la recherche sont actuellement tenus par des juristes. Il faudrait pourtant au moins un scientifique en chef.

La récente lecture du portail des emplois de l’administration fédérale nous apprenait que le poste de secrétaire d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI) était mis au concours. Apparemment, la Confédération n’a pas daigné annoncer officiellement le départ du titulaire actuel, le tessinois Mauro Dell’Ambrogio. Nous devons être le seul pays développé où le départ du plus haut responsable de la science et de la technologie se fait en catimini alors que c’est un poste crucial pour l’avenir du pays!

Le titulaire actuel n’a pourtant pas démérité. Il a été un ardent défenseur de l’autonomie des Hautes Ecoles et a géré avec doigté la difficile relation avec l’Union Européenne. Le président du Conseil des écoles polytechniques fédérales devrait également quitter prochainement son poste pour raison d’âge. Les titulaires des deux postes les plus importants pour la formation et la recherche sont donc à repourvoir. A l’heure actuelle, ils sont tenus par des juristes sans aucune formation scientifique. Compte tenu des enjeux du monde de la formation supérieure, de la recherche et de l’innovation pour notre pays, il est impératif qu’au moins l’un de ces postes revienne à une personnalité au bénéfice d’une formation scientifique de haut niveau.

L’intelligence artificielle, le «big data», la cybersécurité, la robotique et les techniques de production avancée, l’édition génétique, la médecine de précision, les véhicules autonomes ou les changements climatiques représentent autant de défis technologiques qui vont profondément affecter nos sociétés. Il est vital d’anticiper l’impact que ces développements vont avoir sur nos vies et sur notre économie, et de préparer un cadre légal approprié avant que des problèmes insurmontables ne surgissent.

Plusieurs pays dont les Etats-Unis, la Grande Bretagne ou la France ont un «science advisor». Ces personnes ont un accès direct à leurs dirigeants et peuvent ainsi les informer et les conseiller sur les défis générés par la rapide évolution technologique. L’Angleterre a même une «Chief Medical Officer» dont la tâche est de conseiller la première ministre britannique sur les défis liés à la santé telle que la résistance aux antibiotiques.

Le président du domaine des écoles polytechniques fédérales pourrait idéalement remplir ce rôle de «science advisor» du Conseil fédéral pour autant qu’il soit au bénéfice d’une formation scientifique de premier plan. Il pourrait s’appuyer sur la vaste expertise présente au sein du domaine des écoles polytechniques fédérales qui, rappelons-le, appartient à la Confédération.

Le secrétaire d’Etat du SEFRI est le relais entre le parlement et les institutions scientifiques suisses. Il est en première ligne dans les négociations internationales, en particulier celles touchant aux grandes infrastructures de recherche telles que le CERN ou ITER. C’est également la personne en charge de nos relations avec l’Union européenne, une tâche clé pour l’appartenance de la Suisse à l’espace européen de la formation et de la recherche.

La procédure et le libellé de mise au concours du poste de secrétaire d’Etat fait cependant craindre que les critères de sélection pour ces deux postes importants reposent plus sur de capacité de gestion, de suivi des processus administratifs et de minimisation des risques que sur ceux liés à la capacité de conseiller le Conseil fédéral sur l’avenir de la science et de la technologie et de permettre à la Suisse de maintenir son excellence sur la scène mondiale. J’espère me tromper!

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Patrick Aebischer, chercheur en neurosciences, a dirigé l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) de 2000 à 2016.

Ce texte a été publié initialement dans la NZZ am Sonntag. Patrick Aebischer s’y prononce régulièrement sur des questions en lien avec la digitalisation et l’innovation.