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Lisse comme Broulis

L’optimisation fiscale que pratique pour lui-même le grand argentier vaudois a tout de l’affaire insignifiante. Qui en dit pourtant beaucoup sur le rapport distendu entre politique et citoyenneté.

A l’heure du procès Cahuzac, elle fait évidemment un peu rikiki cette affaire Broulis. Entre un ministre du budget lançant une vaste opération de traques des fraudeurs fiscaux et qui se révélera en être un lui-même, pour des montants importants, et le tour de passe-passe légal d’un conseiller d’Etat vaudois en charge des finances jouant sur ses deux domiciliations, il y a évidemment une colossale différence d’échelle. Sans parler de cet écart de nature qui sépare la fraude de l’optimisation, ce qui est permis de ce qui ne l’est pas.

L’impression ressentie par le citoyen, et particulièrement le citoyen contribuable, risque pourtant d’être un peu la même: que la politique se résume souvent à l’art discret de ne pas faire soi-même ce que l’on exige pompeusement des autres, de distribuer à journée faite des leçons que l’on se garde bien de suivre dans la vraie vie.

Il y a aussi quelque chose de dérisoire dans les arguments invoqués par les soutiens de Broulis. Comme quoi le lien avec sa cité natale de Sainte-Croix, au taux fiscal bien plus favorable qu’à Lausanne, serait d’un ordre affectif particulièrement probant. Pensez donc, le (futur) conseiller d’Etat y a même fondé le carnaval et y fait encore ses courses le vendredi soir.

Au point de justifier que qu’il y paie les deux tiers de ses impôts communaux même s’il n’y réside que le week-end et durant les vacances. «C’est un Sainte-Crix dans l’âme» s’enthousiasme ainsi un député radical. De l’âme au portefeuille le chemin est parfois plus court qu’on imagine.

Il est quand même embêtant, comme le rappelle la coalition «Ensemble à gauche» que la ville de Lausanne, où Broulis travaille, ainsi que son épouse, et où son fils est scolarisé, où il habite toute la semaine, mais n’y paie qu’un tiers de ses impôts, que cette ville, à la poigne fiscale particulièrement lourde, s’emploie justement à débusquer les contribuables qui pratiquent ce genre de petits arrangements: faire de leur résidence principale lausannoise une résidence secondaire.

Dire, comme l’a fait le ministre, qu’il n’y a ni secret ni illégalité dans sa situation, que «l’administration est au courant», risque d’être considéré comme un peu court par un citoyen de plus en plus sourcilleux sur les questions d’exemplarité, surtout dans le climat  catéchiste et de délation qu’ont instauré de fait les réseaux sociaux.

Bien sûr il ne s’agit que d’une peccadille, même pas illégale, surtout si on met en balance le bilan de Broulis, argentier qui peut se flatter d’avoir remis d’aplomb le bateau longtemps ivre des finances vaudoises.

On pourra pourtant se souvenir que c’est une combine tout à fait légale aussi qui a coûté sa carrière et son destin à un François Fillon. Que ce qui s’était alors révélé mortel, c’était le gouffre entre le discours raide et  moralisateur du candidat et ses pratiques tordues. Broulis  a peut-être trop chanté les vertus de l’impôt, évoquant même une sorte de bonheur à s’en acquitter, pour que l’affaire finisse là où elle devrait: dans la poubelle des insignifiances.

Comment en effet désormais ne pas penser qu’on avait sans doute mal compris le sens du malicieux oxymore qu’il avait choisi en 2011 comme titre d’un ouvrage: «L’impôt heureux»? Comment ne pas se dire que Pascal Broulis en réalité parlait de lui, parlait pour lui, et pas du tout des contribuables vaudois?