LATITUDES

Les bactéries, nos meilleures ennemies

Le corps humain contient 2 kilos de bactéries. Si la plupart ont un effet bénéfique pour la santé, certaines d’entre elles provoquent de graves infections pouvant conduire au sepsis, ou mutent en «superbactéries» résistantes aux antibiotiques. Amies ou ennemies: comment traiter les bactéries?

Les bactéries ont contribué à façonner notre planète telle qu’on la connaît. On les retrouve à peu près partout: sur les poignées de porte, dans les grands fonds marins et naturellement sur notre corps. Presque aussi nombreuses que nos cellules, elles se comptent par milliards dans l’organisme humain, fonctionnant comme un organe à part entière. Si la plupart sont essentielles pour la santé, toutes les bactéries ne sont pas nos alliées. Certaines, dites pathogènes, causent en effet des maladies infectieuses, qui peuvent aller de la simple angine au choc septique mortel.

Pendant longtemps, les antibiotiques ont représenté un moyen efficace de lutte contre les bactéries pathogènes. Leur utilisation abusive a toutefois contribué au développement de «superbactéries» multirésistantes. En début d’année, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a tiré la sonnette d’alarme: ces superbactéries pourraient tuer jusqu’à 10 millions de personnes par an d’ici à 2050, soit autant que le cancer. Face à cette urgence, plusieurs solutions alternatives intéressent les scientifiques, dont la phagothérapie. Découverte il y a un siècle, avant d’être délaissée au profit des antibiotiques, cette méthode semble à nouveau prometteuse.

1. LES BACTÉRIES AMIES OU ENNEMIES?

Dès la naissance, les bactéries colonisent notre corps, constituant ce que l’on appelle le microbiote. «La composition de la flore bactérienne change passablement au cours des trois premières années. Elle se stabilise ensuite jusqu’à ressembler au microbiote que l’on retrouve chez un adulte», commente Vladimir Lazarevic, du Laboratoire de recherche génomique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Plus tard, d’autres changements liés à l’affaiblissement du système immunitaire et aux modifications d’habitudes alimentaires se produisent chez les personnes âgées.

Chaque individu possède son propre microbiote, selon l’environnement dans lequel il vit et son alimentation. Les bactéries corporelles se logent principalement sur la peau ou dans les muqueuses, soit dans l’appareil digestif, respiratoire ou uro-génital. Ces hôtes du corps humain travaillent en symbiose avec l’organisme, dans lequel elles trouvent des nutriments et un environnement favorable à leur croissance et à leur survie. Selon Vladimir Lazarevic, le tissu intestinal et le système immunitaire ne se développent pas normalement en l’absence de cette flore bactérienne.

De nombreuses fonctions

«Les bactéries ont des fonctions métaboliques. Par exemple, elles dégradent par fermentation des résidus alimentaires non digestibles (fibres), de manière à absorber les composants utiles à l’organisme. Elles peuvent également produire des substrats énergétiques comme les acides gras ou les vitamines K et B12», détaille le chercheur. Les bactéries permettent également de stimuler le système immunitaire et d’augmenter les résistances de l’organisme. Un micro-organisme pathogène – champignon ou bactérie – devra lutter contre la flore locale pour coloniser le milieu. Ces bactéries de la flore endogène sont, pour ainsi dire, nos alliées.

Mais il existe aussi des bactéries qualifiées de «pathogènes» pour l’être humain, soit des bactéries qui peuvent potentiellement développer une maladie. «Sur les 13’000 espèces bactériennes scientifiquement reconnues, environ 150 ont été répertoriées comme pathogènes pour l’homme», relève Vladimir Lazarevic. Les plus connues sont les staphylocoques, les streptocoques, Clostridium difficile, ou les entérobactéries comme les salmonelles ou Escherichia coli.

«Si ces bactéries réussissent à s’installer et à envahir le milieu, elles vont causer des désordres au sein de l’organisme, explique Thierry Calandra, chef du Service des maladies infectieuses au CHUV. La maladie infectieuse est la manifestation de cette rencontre entre un agent pathogène et l’organisme de l’hôte.» Toutefois, la présence d’une bactérie pathogène dans le corps n’implique pas forcément une réaction. «On trouve par exemple des staphylocoques dans le nasopharynx de certains hôtes sans qu’ils soient pour autant malades», note Vladimir Lazarevic.

2. LE SEPSIS – UNE AFFECTION GRAVE EN AUGMENTATION

Les maladies infectieuses vont des petites infections bénignes localisées, comme la cystite ou l’angine, à des maux plus graves, voire mortels. Le degré d’infection le plus important est représenté par le sepsis. Il s’agit d’une réponse inflammatoire généralisée du malade à une infection sévère.

Selon l’OMS, le sepsis est une cause majeure de morbidité et de mortalité maternelles et néonatales dans les pays à faible revenu. Mais il touche aussi des millions de patients dans les hôpitaux des pays à revenu élevé, où l’on observe un accroissement rapide du nombre de cas, lié au vieillissement de la population et à l’augmentation du nombre de patients immunodéficients.

Les bactéries les plus connues provoquant les sepsis sont les streptocoques, les staphylocoques, les entérobactéries et les Pseudomonas. Un sepsis peut se développer à partir de n’importe quelle infection systémique sévère, et plusieurs schémas sont possibles. Le sepsis peut être dû à une réponse tardive de l’hôte à une infection que le système immunitaire n’a pas reconnu tout de suite. L’infection prend alors de telles proportions que l’organisme n’arrive plus à l’arrêter.

Séquelles multiples

Dans un autre cas de figure, «l’hôte peut produire une réaction si violente en présence d’une infection qu’elle devient délétère pour l’organisme», détaille Thierry Calandra. Ces réactions inflammatoires excessives peuvent entraîner des défaillances d’organes et provoquer de graves séquelles: perte de membres, lésions pulmonaires ou rénales et troubles neurologiques ou de motricité.

Le choc septique constitue la manifestation la plus sévère d’un sepsis. Il est notamment caractérisé par une tension artérielle qui chute de manière importante et un arrêt de l’irrigation des organes par le sang. Selon l’expert, 10% des patients atteints de sepsis en meurent, un taux de décès qui monte à près de 40% en cas de choc septique.

Si les personnes immunodéficientes sont plus à même de développer un sepsis, Thierry Calandra avertit: «Le fait d’être jeune et en bonne santé ne protège pas des failles de notre système immunitaire. Si vous avez la malchance de croiser la bactérie qui est capable de passer au travers de votre bouclier, vous risquez de développer un sepsis.»

Le spécialiste prévient en outre qu’il n’est pas toujours aisé de détecter les premiers symptômes de ce mal, qui peuvent ressembler au début à un état grippal. «Il faut rapidement consulter son médecin ou un service d’urgence lors de la survenue de gros frissons ou d’une fièvre élevée qui s’accompagnent d’un malaise général et d’une altération de l’état de conscience, car ce sont des signes évocateurs d’un sepsis.»

3. LES SUPERBACTÉRIES – UN PHÉNOMÈNE QUI INQUIÈTE LA PLANÈTE

De nos jours, le moyen le plus courant pour traiter les infections bactériennes demeure l’antibiotique. Généralisé après la Deuxième Guerre mondiale, il représente l’un des progrès thérapeutiques majeurs du XXe siècle. «Les antibiotiques possèdent un spectre d’action. Certains ont des “trous” dans leur spectre et ne se révèlent pas efficaces contre toutes les bactéries. Les antibiotiques à large spectre sont, quant à eux, capables de tuer la croissance d’un grand nombre de bactéries appartenant à différentes classes», explique le chef du Service des maladies infectieuses du CHUV.

Les antibiotiques ne font donc pas la différence entre les bactéries bénéfiques et les néfastes. C’est la raison pour laquelle la prise d’antibiotiques peut mener à des effets secondaires. «Ils peuvent, par exemple, déséquilibrer la flore digestive et causer des diarrhées», remarque Thierry Calandra.

Antibiotiques, ne pas en abuser

Les antibiotiques ont permis de faire reculer considérablement la mortalité dans le monde entier. Sans eux, certaines opérations chirurgicales telles que les transplantations cardiaques ne seraient pas possibles. Mais leur succès s’accompagne aussi d’une augmentation des cas de résistance aux antibiotiques, observée depuis plusieurs années.

Selon l’OMS, ce phénomène constitue même aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale. On estime ainsi à 700’000 le nombre de décès causés annuellement par des agents pathogènes résistants. En début d’année, une patiente est décédée aux États-Unis après avoir été infectée par une bactérie multi-résistante, et ce malgré la prise d’une vingtaine d’antibiotiques.

La bactérie peut devenir résistante à un antibiotique par mutation dans son génome ou par acquisition de gènes de résistance provenant d’une autre bactérie. «Certaines mutations augmentent l’expression des pompes à efflux, soit un mécanisme par lequel les cellules rejettent à l’extérieur des composés toxiques comme les antibiotiques, précise Vladimir Lazarevic. D’autres mutations empêchent l’entrée de l’antibiotique dans la cellule ou encore changent la structure de la cible de l’antibiotique.» La pression sélective exercée par l’antibiotique administré conduit à la survie et à la multiplication de la souche résistante.

4.LES PHAGES, DES ALTERNATIVES AUX ANTIBIOTIQUES TESTÉES CLINIQUEMENT

Que faire alors lorsque les antibiotiques ne se révèlent plus suffisants? «Lorsque l’infection est localisée, il est possible de recourir à une opération chirurgicale, remarque Thierry Calandra. Dans le cas d’une tuberculose résistante à tous les antibiotiques, par exemple, il est possible d’ôter la partie du poumon infectée.»

Une autre alternative connue est la phagothérapie, qui consiste en l’utilisation de phages, des virus naturels qui n’infectent que les bactéries. «Le virus se fixe à la surface de la bactérie, y injecte son matériel génétique afin de se reproduire, explique Grégory Resch, directeur de projet au Département de microbiologie fondamentale de l’Université de Lausanne (UNIL). Puis, afin de pouvoir sortir, les nouveaux phages vont faire exploser la bactérie.»

Une technique oubliée

Ce traitement a été découvert il y a exactement un siècle par le Français Félix d’Hérelle et a été largement utilisé dans le monde avant la découverte des antibiotiques. Il est toujours utilisé couramment dans les pays de l’ancienne Union soviétique, comme la Géorgie, la Russie ou la Pologne. Pour chaque espèce de bactérie, il faut préparer un cocktail de phages spécifique.

L’administration thérapeutique des bactériophages se fait le plus souvent localement sur des blessures infectées comme des plaies ou des brûlures. Ils peuvent également être administrés par inhalation, pour les formes pulmonaires, ou par instillation pour les infections des yeux. Ce type de traitement est en vente libre dans les pays susmentionnés. Dans les pays occidentaux, qui ont délaissé cette technique en faveur des antibiotiques, des essais cliniques sont en cours pour étudier leur validité.

_______

Les promesses de la phago­thérapie

Le directeur de projet au Département de microbiologie fondamentale de l’UNIL Grégory Resch a participé au projet PhagoBurn. Ce premier essai clinique sur la phagothérapie, financé par l’Union européenne, visait à évaluer l’efficacité et la tolérance des bactériophages comme traitement des plaies infectées chez les grands brûlés. «Il s’agit d’une première mondiale. Les essais cliniques ont été réalisés en France, en Belgique et en Suisse selon les standards occidentaux de bonnes pratiques», souligne-t-il.

PhagoBurn a pris fin en juin 2017 et ses résultats paraîtront d’ici à la fin de l’année. Grégory Resch espère que le bilan de cette expérience permettra à cette solution prometteuse de se démocratiser d’ici à quelques années. «La phagothérapie peut tout aussi bien être utilisée en complément aux antibiotiques, constate le chercheur. Nous avons observé une synergie entre les deux traitements.» La phagothérapie est en outre connue pour l’absence d’effets secondaires. «Nous sommes constamment en contact avec des bactériophages. Ils sont 10 à 100 fois plus nombreux que les bactéries. On en trouve, par exemple, des milliards dans le lac Léman», assure Grégory Resch.

Le chercheur en microbiologie fondamentale s’apprête à participer à une nouvelle expérience clinique de phagothérapie. Soutenue par le CHUV et l’UNIL, elle se déroulera sur une période de cinq ans. Le traitement sera cette fois appliqué à des patients souffrant de mucoviscidose.

_______

QUELQUES CHIFFRES

1’012 Le nombre de bactéries présentes sur notre peau.

86 En pour-cent, la probabilité de nous identifier grâce à notre microbiote intestinal, selon une étude de l’école de santé publique de Harvard.

60’000 C’est le nombre estimé de bactéries existantes.

_______


«Un effort d’information reste à faire»

Le sepsis, anciennement appelé septicémie, est un dysfonctionnement de l’organisme en réponse à une infection. Thierry Calandra détaille les mesures nécessaires pour limiter les risques posés par cette affection aussi grave que méconnue.

Près de 31 millions de cas de sepsis sont dénombrés chaque année au niveau mondial. En Suisse, le Service d’urgence du CHUV a recensé près de 400 cas de sepsis lors d’un comptage effectué en 2012. Chef du Service des maladies infectieuses au CHUV, Thierry Calandra insiste sur l’importance d’améliorer les connaissances du public sur le sujet.

Le nombre de cas de sepsis augmente. Pourtant cette pathologie reste méconnue du public. Quelle est la situation en Suisse?

Nous avons du retard par rapport à d’autres pays comme l’Allemagne, qui a mené de nombreuses campagnes d’information. Il est urgent de disséminer les notions de ce qu’est un sepsis pour identifier les symptômes plus précocement. Une étude concernant la connaissance du sepsis a été menée auprès de la population de différents pays il y a quelques années. L’Allemagne arrive en tête avec 50% de personnes ayant entendu parler des sepsis. En Angleterre, ce taux s’élève à 40%, 20% en Suède et 7% au Brésil. En Suisse, la situation doit ressembler à celle en Suède. Un effort d’information doit être fait.

Qu’est-il envisagé pour améliorer cette situation?

Il faudrait mettre sur pied des structures adéquates comme des associations ou groupes, incluant des personnes ayant souffert de sepsis, pour mener des campagnes d’information et de sensibilisation. La problématique des sepsis est devenue une priorité pour l’Organisation mondiale de la santé, qui a adopté une résolution pour favoriser sa reconnaissance.

Quelles mesures peuvent être prises au niveau hospitalier?

Il est essentiel d’éduquer les paramédicaux comme les ambulanciers ou autres services d’intervention afin qu’ils soient capables de reconnaître rapidement un état septique. Au CHUV, il existe des formations générales au niveau des différentes unités, mais ce point devrait être abordé de manière plus spécifique. Afin de réduire le risque de mortalité et de séquelles graves, il faudrait également mettre en place des centres ou des unités spécialisées pour la prise en charge rapide des patients. Le temps d’intervention à l’hôpital se compte en heures. La Surviving Sepsis Campaign a par ailleurs élaboré des recommandations de mesures à prendre dans les trois heures qui permettent de réduire le risque de mortalité.

_______

Un grand nombre d’enfants contractent des sepsis à l’hôpital

Plusieurs millions d’enfants dans le monde entier meurent chaque année de sepsis. En Suisse, un enfant par jour en moyenne contracte une infection potentiellement mortelle. C’est ce que révèle une étude nationale menée pendant quatre ans par les dix plus grands hôpitaux pédiatriques de Suisse, dont le CHUV. Les résultats ont été publiés le 20 juillet 2017 dans la revue spécialisée «The Lancet Child & Adolescent Health». Une grande partie de ces infections sont contractées à l’hôpital: «Suite à l’étude menée par le Swiss Pediatric Sepsis group, nous avons constaté que sur 1’181 cas d’infections du sang relevées, 32% ont affecté des enfants précédemment sains, 34% des nouveau-nés et 34% des enfants avec comorbidités sous-jacentes», commente Sandra Asner, responsable de l’Unité d’infectiologie et de vaccinologie pédiatrique au CHUV.

La spécialiste a participé à l’enquête, pour la partie traitant des pneumocoques. «Le tiers des infections acquises à l’hôpital concernent principalement les enfants sous chimiothérapie dont le système immunitaire est atteint, ceux qui se trouvent aux soins intensifs ou encore les prématurés. Ces trois groupes sont particulièrement à risque d’un sepsis de par leurs séjours fréquents à l’hôpital et de par l’utilisation de cathéters, qui sont des facteurs de risque pour contracter une infection.»

_______

TÉMOIGNAGE

«Chaque minute compte»

Dominique Loosli est rescapée d’un sepsis contracté il y a sept ans. Aujourd’hui, elle accompagne des malades dans leur processus de guérison.

«En juillet 2010, je passais un week-end dans les Grisons avec mon mari. Le samedi soir, nous sommes allés manger dans un très bon restaurant. Je me suis réveillée à 5h du matin avec de la fièvre et des vomissements violents. Le médecin du village m’a donné de quoi me soulager pour rentrer à la maison. Lundi, la fièvre n’avait pas diminué. Mon mari a insisté pour qu’on se rende aux urgences, lui qui n’y avait jamais mis les pieds de sa vie! Là, on m’a fait une prise de sang. Le diagnostic est tombé: sepsis. On m’a placée en coma artificiel, j’y suis restée cinq semaines. On me donnait alors 20% de chances de survie.

Je me suis réveillée aux soins intensifs avec une paralysie totale. Je ne reconnaissais pas mes enfants, l’anesthésie avait impacté ma mémoire. C’était une période très dure. Pendant un mois, je me suis déplacée en fauteuil électrique. Je ne supportais pas les antibiotiques qu’on me donnait, j’ai fait une neutropénie (un trouble du système sanguin, ndlr). Je me trouvais toujours en danger de mort. C’est là que mon corps a commencé à reprendre le dessus: j’ai pu bouger un orteil, puis manger un peu. Il a fallu réapprendre chaque geste. Aujourd’hui encore, je n’ai pas complètement récupéré la motricité fine de la main droite. Le pire, c’est de lacer des chaussures! Au total, il m’a fallu trois mois pour retrouver mes fonctions majeures, cinq mois pour sortir de l’hôpital, deux ans pour me sentir bien.

J’ai recommencé à travailler en janvier 2011. L’entreprise dans laquelle j’étais employée avait été totalement réorganisée. Je ne connaissais presque plus personne, il y avait peu d’égards pour moi. Et puis, après avoir vécu une pareille expérience, notre échelle de valeurs change, les plaintes des autres nous paraissent futiles. Les démarches administratives étaient lourdes. J’avais tout le temps à rendre des comptes, à l’assurance maladie, à mon employeur ou à l’Assurance Invalidité. Le sepsis reste très peu connu. Je travaille depuis cinq ans maintenant au Centre de paraplégie, en tant que pharmacienne hospitalière. J’accompagne de plus des patients qui sortent d’un sepsis. Je collabore également avec un centre en Allemagne destiné aux survivants de la maladie, qui m’avait aidée à l’époque.

Personne ne peut expliquer pourquoi certains s’en sortent et d’autres non. Le choc septique, stade ultime de la maladie, provoque une accélération du rythme cardiaque importante. Mon cœur a tenu à 260 battements par minute. J’ai également eu de la chance que le diagnostic ait été posé rapidement. Avec cette maladie, chaque minute compte.»

_______

TÉMOIGNAGE

«La phagothérapie peut être une solution quand on se trouve dans une impasse thérapeutique»

Christophe Novou a été sauvé de l’amputation grâce à une phagothérapie. Il raconte.

«À l’âge de 10 ans, j’ai été renversé par une voiture. Cet accident a provoqué une fracture du fémur ainsi qu’un traumatisme crânien. Je vivais alors en Côte d’Ivoire. J’ai été opéré sur place, dans des conditions assez rudimentaires. Quand je suis rentré en France, on m’a détecté une infection due à un staphylocoque doré, ainsi que ce que l’on appelait la «maladie du verre»: les os décalcifiés, fragilisés. J’ai connu plusieurs curetages, j’étais sans cesse sous antibiotiques, avec des succès épisodiques. En 1998, après un dernier curetage, ma jambe s’est révélée assez solide. J’ai commencé à mener une vie normale, pratiquant la moto et des sports de combat.

En 2011, les douleurs sont réapparues. Un staphylocoque a été à nouveau dépisté. Je suis tombé d’une échelle en aidant une amie à monter des étagères. Nouvelle fracture, qui s’infecte. J’ai alors subi sept opérations chirurgicales en deux ans et demi. En juin 2013, on m’annonce que la seule solution consiste en une amputation depuis la hanche. Je n’ai pas voulu m’y résigner. Ma belle-sœur me signale alors un reportage télévisé qui évoque un traitement basé sur la phagothérapie s’étant montré efficace sur un malade dans une situation similaire à la mienne, Serge Fortuna. Cofondateur de l’association Les phages du futur, ce dernier organise alors un voyage en Géorgie pour faire soigner d’autres malades. Le départ est fixé un mois plus tard. En organisant un appel aux dons, je réunis 5’000 euros, sur les 8’000 nécessaires pour partir à Tbilissi. Là-bas, on me détecte cinq bactéries multirésistantes, et non pas deux comme en France. J’entame mon traitement de phages. Après quinze jours, le médecin me dit que je peux rentrer en France. J’ai pensé: ça ne sert à rien que je reste là plus longtemps. Mais non, j’étais tout simplement guéri!

La phagothérapie n’est pas un remède miracle, elle ne marche pas à chaque fois. Mais elle constitue une solution quand on se trouve dans une impasse thérapeutique, et elle ne présente pas d’effets secondaires. Avec mon association (www.phages-sans-frontieres.com, ndlr), nous avons déjà aidé et sauvé près de dix personnes. Je me bats et milite pour que la phagothérapie soit introduite en France. Personne n’y connaît ce terme, alors que la méthode a été inventée il y a un siècle. Ce n’est pas normal que l’on doive aller se faire soigner à l’étranger.»

_______

Collaboration: Stéphanie de Roguin

Une version de ce dossier est parue dans In Vivo Magazine (n°13).

Pour vous abonner à In Vivo au prix de seulement CHF 20.- (dès 20 euros) pour 6 numéros, rendez-vous sur invivomagazine.com.