KAPITAL

Quel MBA pour accélérer sa carrière?

Il constitue le diplôme international de référence en matière de management. Mais obtenir ce précieux sésame demande un engagement conséquent. Il est recommandé d’inscrire cet objectif dans un projet professionnel solide. Conseils et témoignages.

MBA, trois lettres qui valent de l’or. Le Master of Business Administration fait office de diplôme universel, de référence, partout dans le monde, dans toutes les entreprises. «Pour un recrutement de cadre ou de manager, hormis les ‘soft skills’, à deux dossiers équivalents, la maîtrise des langues et le MBA feront la différence», indique Romain Hofer, responsable Marketing et Communication chez Manpower.

Qui a obtenu un MBA peut aussi afficher de nouvelles prétentions en matière de rétribution: le lauréat d’un «Global MBA» à l’IMD à Lausanne, un des instituts les plus réputés en Suisse, voit son salaire augmenter de 83% en moyenne, selon le classement annuel du Financial Times (une référence en la matière).

Mais attention: derrière la façade dorée se cachent des réalités très disparates, tant en termes de qualité de la formation que de retombées professionnelles. Le diplôme n’étant pas protégé, n’importe qui peut en délivrer, y compris des instituts frauduleux (voir ci-dessous). Un point d’autant plus important quand les frais d’écolage varient de 15’000 à 150’000 francs.

Quel retour sur investissement?

A quelles retombées peut-on s’attendre après l’obtention d’un MBA? Et à quelle échéance? Pour Romain Hofer, de Manpower, il faut distinguer le retour sur investissement pour l’entreprise de celui pour le diplômé. «Pour l’employeur, le gain peut être immédiat. Comme la formation MBA ouvre à d’autres visions et techniques, le candidat développe un regard neuf et peut apporter des résultats à l’entreprise déjà durant la formation.» Pour l’employé, l’objectif est de valoriser son diplôme. Il peut s’agir d’un argument de poids pour une négociation salariale ou un poste à responsabilités plus élevées. L’expert remarque cependant qu’il n’y a pas de garantie en termes financiers. «Cela dépend du parcours professionnel. C’est plus facile pour les candidats en début de carrière, qui gagnent par exemple entre 80 et 100’000 francs.»

Pour le directeur général adjoint de Visilab Sébastien Rossini, les retombées de sa formation MBA sur sa carrière ont été immédiates. «C’est dans le cadre de mon travail de mémoire que j’ai lancé un nouveau service de Visilab dédié aux entreprises, raconte-t-il. Et trois mois après l’obtention de mon diplôme, ce projet est devenu réalité. La nouvelle filiale, Visilab atWork, est née de ce projet». A cette occasion, Sébastien Rossini a vu son salaire augmenter de 8% et a été promu dans la foulée à son actuel poste de directeur général adjoint. La décision de suivre une formation MBA avait été prise conjointement avec la direction générale, ce qui a facilité la reconnaissance immédiate de son diplôme. Tous les coûts de formation, soit environ 30’000 francs, ont été pris en charge par l’entreprise.

L’entrepreneur valaisan Pierre-Yves Bonvin a quant à lui pu améliorer de manière significative, dès sa première année de formation MBA, le fonctionnement de la PME dont il a la charge, Steiger Participations. «Les éléments acquis m’ont permis de résoudre des problèmes concrets. Par exemple, j’ai pu instaurer une nouvelle politique de gestion de la propriété intellectuelle, de manière à mieux protéger mon entreprise du plagiat.» La solidité de sa société en a ainsi été nettement renforcée.

Crédibilité et nouveaux horizons 

Pierre-Yves Bonvin s’était lancé dans une formation MBA en Entrepreneurship et Business Development à l’Université de Genève après 10 ans passés à la tête de Steiger. «C’était pour moi une manière de me ressourcer, de trouver de nouveaux outils pour ma société, de me remettre en cause et d’échanger avec des personnes issues d’horizons différents, détaille cet ingénieur de formation. Je recommande le MBA aux patrons de PME. Nous avons souvent la tête dans le guidon et peinons à prendre du recul. Cette formation nous oblige à nous remettre en question et nous donne une palette d’outils à la pointe auxquels nous n’avions pas forcément pensé auparavant.»

Maddalena Di Meo, élue femme entrepreneur de l’année 2016, a, pour sa part, vu sa carrière évoluer à pas de géants après sa formation MBA. Elle travaillait en tant qu’infirmière lorsqu’elle a décidé de se lancer dans la même formation que Pierre-Yves Bonvin. «Je me suis rendu compte que les outils économiques peuvent servir à de grandes causes quand ils sont bien utilisés», raconte-t-elle. Une fois son diplôme en poche, elle s’est vue proposer un poste de directrice au sein de l’école Firstmed puis, deux ans plus tard, d’administratrice et d’associée dans la même société. Elle porte aujourd’hui les trois casquettes. «Le diplôme MBA m’a donné une certaine crédibilité. En plus de mon bagage médical, j’avais acquis un bagage économique.»

Obtenir un Master of Business Administration ouvre parfois à de nouveaux horizons. Patricia Torres, directrice académique chez Romandie Formation et consultante au sein du cabinet genevois Impact Partners, en a fait l’expérience. Elle était cadre dans une banque lorsqu’elle s’est lancée dans une formation MBA. «Avec la crise des subprimes de 2008, le milieu de la finance s’est beaucoup déshumanisé. J’ai pu constater les effets dramatiques sur les employés d’un mauvais management. J’avais l’intuition que l’on pouvait faire différemment.» Elle dit avoir voulu «quitter la performance financière pour la performance humaine».

La renommée de l’école: un indicateur de fiabilité

Compte tenu du grand nombre d’institutions qui délivrent des diplômes MBA dans le monde, la renommée de l’école que le candidat choisit peut faire la différence. «Dans le cas d’un MBA, l’habit fait vraiment le moine», souligne Raphaël H Cohen, codirecteur du DAS in Entrepreneurial Leadership à l’Université de Genève. Un titulaire de MBA sera donc souvent amené à devoir préciser dans quel institut il a obtenu son diplôme.

D’autres indicateurs de la qualité des institutions peuvent être pris en considération dans le choix d’un MBA comme les classements ou l’accréditation. Tous deux s’appuient toutefois sur des critères autodéterminés par les institutions qui les délivrent et sont donc subjectifs. De plus, les rankings internationaux ignorent souvent la grande majorité de l’offre locale.

Raphaël H Cohen conseille aux candidats de se renseigner auprès d’alumni ou d’anciens diplômés pour les guider dans leurs choix. Ces derniers peuvent leur fournir des informations utiles concernant la disponibilité des professeurs, l’ambiance en classe ou le profil des intervenants et des participants. «Un programme qui accepte des candidats qui ont peu d’expérience professionnelle n’offrira pas la même richesse au niveau des échanges qu’une école qui exige une expérience préalable de 3 à 10 ans.»

Coûts et financements

Vouloir faire son MBA dans une institution prestigieuse a toutefois un coût conséquent. Si les formations universitaires, comme l’UNIL EMBA, tournent autour des 25’000 francs, le cursus dans une grande école peut très vite grimper: 60’000 à l’IMD et près de 130’000 francs pour le programme «Global EMBA» de l’INSEAD à Fontainebleau. Une somme à laquelle s’ajoute les frais occasionnés par une réduction complète ou partielle du temps de travail et un éventuel déménagement.

Une solution consiste alors à faire financer tout ou une partie du MBA par son employeur. «Nous conseillons l’établissement d’une convention entre l’employé et l’employeur fixant les conditions, responsabilités, règles de participation et de remboursement, explique Romain Hofer, de Manpower. L’investissement de l’employeur peut se faire par un financement cash ou/et des jours de vacances payés supplémentaires. Sans oublier la charge de travail supplémentaire que le collaborateur va consacrer à sa formation au détriment de son employeur.»

Raphael Asseo, directeur du cabinet de recrutement Page Executive à Lausanne, encourage cependant les candidats à s’offrir un MBA dans une institution réputée. «Une institution de renom jouit d’un plus grand rayonnement et donne ainsi accès à un réseau plus dense.»

Réfléchir à la suite

Est-il plus judicieux de faire son MBA en Suisse ou à l’étranger? Une fois de plus, plutôt que la localisation, c’est la renommée de l’école qui prend le dessus, vu la disparité des offres existantes aussi bien entre les pays qu’à l’intérieur des pays. Pour les guider dans leurs décisions, Raphaël Asseo invite les candidats à choisir leur MBA en fonction de leurs aspirations professionnelles et le réseau qu’ils désirent développer en conséquence. «Un candidat suisse travaillant à l’étranger a bien des avantages à faire un MBA en Suisse afin d’actualiser son réseau local. Un candidat qui a travaillé dans une entreprise suisse et rêve d’une suite de carrière au sein d’une enseigne internationale a, quant à lui, plus grand intérêt à faire un MBA à l’étranger ou dans une institution locale de renommée internationale comme l’IMD.»

Prendre en compte le pays dans lequel on compte travailler est important pour d’autres raisons. Les retombées d’un MBA sur la carrière peuvent différer en fonction de la culture locale. Selon Raphaël Asseo, les diplômes MBA sont plus prisés et valorisés aux Etats-Unis qu’en Suisse, par exemple. Il rappelle que ce cursus est né aux Etats-Unis au début du siècle passé et que les Américains ont ainsi une plus longue tradition des diplômes MBA. Ce n’est qu’à partir des années 1950 que cette formation s’est diffusée dans le reste du monde.

Romain Hofer, de Manpower, suggère également de réfléchir à ses ambitions: le candidat compte-t-il garder son poste ou changer d’emploi? «Poursuivre dans la même fonction après avoir terminé un MBA peut parfois s’avérer difficile. Un employé fraîchement diplômé est porteur de nouvelles idées qui ne sont pas forcément acceptées ou bienvenues. Cela peut générer des frustrations de son côté. Quant à l’employeur, il n’est pas toujours prêt à se remettre en question», avertit Romain Hofer. S’il est convaincu qu’un MBA a un impact positif sur l’employabilité, il rappelle que l’embauche dépend des attentes de l’employeur.

Le type d’institution dans lequel le candidat souhaite travailler par la suite est également à prendre en considération. D’après Raphael Asseo, les PME de grande taille ou à renommée internationale sont plus à même d’engager un titulaire de MBA que les PME de petite taille. Un constat que confirme Paul de La Rochefoucauld, responsable du recrutement chez Swisscom Digital Technology, PME récemment acquise par le géant suisse: «Je préfère engager des étudiants sortant d’une formation dans des haute écoles prestigieuses comme l’EPFL ou l’ETH et éventuellement de la HEC de Saint-Gall. Je recherche des compétences et une expérience bien spécifique que je ne vais pas trouver chez un titulaire d’un MBA. Engager un titulaire de MBA représente en outre un coût non négligeable pour une entreprise comme la nôtre.»

Quand se lancer?

Un MBA demande non seulement des sacrifices financiers conséquents mais également un investissement personnel important. Il est essentiel de disposer d’une expérience professionnelle suffisante avant d’entamer un MBA, pour pouvoir mettre en relation la matière enseignée avec des cas pratiques, estime Anna, spécialiste en finances au sein d’une organisation internationale basée à Genève et titulaire d’un MBA de la Neeley School of Business. «Il s’agit d’une formation axée sur la pratique, avec de nombreux projets d’équipe et autre études de cas, remarque la jeune femme. Pour une personne plus jeune, il peut par ailleurs être assez intimidant d’avoir pour camarades de classe des adultes qui ont déjà une famille et une carrière bien établie.»

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Entre savoir et savoir-être

Micro ou executive, à temps plein ou temps partiel: pas facile de se repérer dans la jungle de l’offre en MBA. Panorama.

Le MBA s’inscrit dans les Masters of Advanced Studies (MAS). Il s’agit d’une formation continue qui s’adresse à des personnes déjà titulaires d’un Bachelor ou un Master. Formation généraliste, les différents programmes abordent sur une période de quelques jours à plusieurs années des domaines tels que le marketing, le management, les finances, les ressources humaines, et l’innovation. Un doux mélange entre savoir, savoir-faire et savoir-être. Triade idéale recherchée par les employeurs.

Le MBA

Ce cursus s’effectue en général à plein temps. Aux États-Unis, le programme est dispensé sur deux ans, contre une année en Europe. L’IMD à Lausanne par exemple le propose sur onze mois, à temps plein. Les participants doivent y consacrer en tout quelque 2000 heures. Soit plus de 45 heures par semaines. Impossible à concilier avec un emploi à temps plein. Ce qui constitue parfois un élément de motivation supplémentaire pour les participants, remarque Paola Eicher, responsable des admissions au MBA de l’IMD.

Le portrait type qu’elle dresse des participants est celui d’un employé, âgé en moyenne de 31 ans et affichant 7 ans d’expérience professionnelle. Au menu: du «general management», du «leadership», mais pas seulement. «Lors du MBA, les participants passent une vingtaine d’heures avec un psychologue», pour favoriser leur développement personnel. Un programme résidentiel à plein temps, à Lausanne. L’année est ponctuée de voyages de classes et de travaux de consulting pour des sociétés. C’est là le point commun de toute formation continue: de la pratique. «Ce que cherchent les étudiants c’est un nouveau défi. Après leur MBA, ils aspirent à changer une ou plusieurs des dimensions dans lesquelles ils évoluent. Ces changements se font au niveau de leur fonction, du secteur d’activité ou de leur localisation géographique.»

C’est à la recherche de nouveauté que Jean-Philippe Ceppi, journaliste et producteur de Temps Présent (RTS) débute un MBA, en 1998. De retour d’Afrique, il souhaite changer de cap. «Je m’intéressais à l’entreprise des médias et aux lancements de projets.» Il s’inscrit à l’International University in Geneva. Les cours ont lieu le soir et le samedi. L’institut privé se trouve à côté de la rédaction, un avantage non négligeable. Durant les quinze mois du programme, il conserve son emploi à plein temps. «Une formation intense et dure, mais qui ouvre des perspectives intéressantes.»

Grâce à son MBA, il a obtenu une lecture du management plus complète. «Cela permet de s’intéresser aux enjeux économiques des entreprises, en termes simples et concrets». Dans les productions audiovisuelles, il utilise les compétences acquises principalement pour anticiper: autant pour les questions financières qu’humaines.

L’Executive MBA

Un Executive MBA s’adresse à des personnes plus âgées, et surtout plus expérimentées. Les participants «ont 40 ans en moyenne, et une quinzaine d’années d’expérience professionnelle», indique Dariu Dumitru, responsable des admissions à l’EMBA de l’IMD. Le programme est relativement similaire au MBA, même s’il va moins en profondeur, en raison de l’expérience accrue des participants. «Les participants restent dans leur entreprise et continuent leur carrière durant le programme.»

La formation se veut flexible. Elle peut être accomplie sur une durée allant de 15 à 48 mois. À l’IMD, seulement neuf semaines de cours: trois à Lausanne, et 6 autres en Suisse, en Chine, en Inde et dans la Silicon Valley. Autre flexibilité, il offre quatre rentrées par année, là où le MBA en propose seulement deux. Pour les EMBA, l’entreprise doit sponsoriser ses employés. Pas uniquement financièrement, mais aussi en leur laissant du temps et en leur ouvrant les portes de l’entreprise.

Les Hautes écoles spécialisées offrent elles aussi des EMBA. Celui proposé à la Haute école de gestion de Genève, l’Executive Master of Business Administration HES-SO, s’acquiert en 600 heures d’enseignement. Il faut y ajouter le double de temps en travail personnel. Les cours ont lieu deux fois par mois, le vendredi après-midi et le samedi matin. L’ensemble du cursus se déroule sur deux ans, la première année au sein d’un tronc commun, tandis que la deuxième se concentre sur diverses spécialisations.

Yves Rey, vice-recteur de l’enseignement au sein de la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO) souligne que le choix de la formation continue est beaucoup plus ciblé qu’une formation initiale. Les participants ont déjà une vision précise de ce qu’ils veulent faire: «Ils sont vraiment dans une logique de carrière.»

Le micro MBA

Dernier né sur la scène de la formation continue, le micro MBA est proposé par Romandie Formation, pôle éducatif du Centre Patronal, à Paudex. L’idée n’est pas nouvelle, puisque de tels programmes existent déjà chez Nestlé, au CHUV ou encore à la BCV, qui parraine le programme, souligne Raphaël H Cohen, créateur et directeur académique de ces micro MBA et de celui de Romandie Formation. Concentré sur 17 jours, la formation est répartie sur six mois, auxquels s’ajoutent huit mois pour développer un projet novateur. La première volée a achevé son cursus au début de l’été.

Ce programme présente deux particularités. La première veut qu’au lieu d’examens académiques, les participants doivent trouver un vrai projet d’innovation qui doit être mis en œuvre. «C’est une évaluation basée sur la vraie vie», souligne le directeur du programme. Pour réussir son micro MBA, il faut que le projet soit suffisamment avancé.

L’enseignement à distance et le temps partiel

Pour aménager au mieux son temps, certains se tournent vers l’apprentissage en ligne. Ici aussi, à chaque programme sa spécificité. Dariu Dumitru précise qu’il ne faut pas confondre «en ligne» et à distance. Pour le premier, «les étudiants doivent être connectés simultanément pour suivre, par exemple, un enseignement en direct». Dans l’enseignement à distance, le travail peut être fait hors ligne, mais est ensuite soumis en ligne. Certaines écoles utilisent un mélange des deux auxquels s’ajoute du présentiel, le blended learning.

Au sein des HES-SO, beaucoup de matière est mise à disposition des participants. «Un certain nombre de lectures et de travaux sont à faire en amont et en aval», indique Yves Rey. Néanmoins le présentiel reste crucial. Le partage entre les différents participants et les intervenants est important.» Car le réseau constitue un élément-clé de ces formations continues. Tant entre participants, qu’avec les intervenants. Ceux-là viennent souvent d’entreprises.

Dans les réseaux des hautes écoles, c’est l’École hôtelière de Lausanne qui va le plus loin. Dès septembre, l’enseignement du MBA in hospitality se fera à 80 % en ligne, le reste du cursus étant dispensé sur le site de l’institution. L’obligation de se déplacer est un élément qu’il ne faut pas négliger si on envisage une formation à temps partiel. À l’échelle régionale, cela pose rarement des problèmes. Au niveau international, difficile, voire impossible, de suivre le programme d’un institut à l’étranger si l’on reste en Suisse.

A Genève, l’EU Business School fait un pas de plus. Elle propose à la fois des MBA traditionnels, sur place, et des MBA complètement en ligne. Le réseautage se déroule via des «chats», mais aussi sur le campus à la fin de chaque trimestre. Le directeur de l’école, Luc Craen, souligne la flexibilité de son offre: «Certaines personnes font un programme mixte. Un trimestre en présentiel, puis le reste en ligne.» Le directeur de l’EU Business School souligne que l’apprentissage en ligne est destiné à des profils organisés. Sans un enseignant ou des horaires stricts, il peut être difficile de se motiver. Les parties du cursus qui se déroulent en direct sont enregistrées. Pour permettre aux participants ayant des obligations de pouvoir les rattraper. «Le programme s’adapte à la vitesse de l’étudiant. Il peut revenir en arrière et reprendre jusqu’à ce qu’il ait compris.»

L’interactivité se retrouve dans les deux versions du programme. Sur le campus, les cours ont lieu par petites classes, en donnant beaucoup d’attentions aux élèves. En ligne, il voit une interactivité tout aussi importante, voire supérieure. «En classe, certaines personnes redoutent de poser des questions, par retenue ou par peur qu’elles soit mauvaises. Internet résout ce problème.»

Les MOOC

Et si à l’avenir, l’éducation ne se déroulait plus qu’en ligne? Depuis quelques années, les «Massive open online courses» (MOOC) sont en plein essor. Une formation à distance où l’on se retrouve en ligne. Ils sont généralement composés de vidéos, d’exercices et d’outils d’interactions entre participants, et avec les enseignants.

«Les MOOC offrent beaucoup d’opportunité», estime Luc Craen. L’expert remarque que les MOOC peuvent permettre de rattraper un échec ou prérequis rapidement. «L’introduction au marketing est la même dans tous les pays. La théorie peut être transmise de cette manière. L’enseignant joue alors un rôle de coach et ne vient plus uniquement donner du savoir.» Mais la présence physique lui tient à cœur, «il faut aussi pouvoir communiquer en face-à-face».

Pour Raphaël H Cohen, codirecteur du DAS in Entrepreneurial Leadership à l’Université de Genève, les MOOC permettent d’acquérir des connaissances de bases. «Mais apprendre à exploiter des opportunités par un MOOC, c’est une autre affaire.» Il soulève la complexité du concept de l’innovation. Tout ne peut pas être transmis par ce format. «On ne peut apprendre à conduire qu’avec un MOOC.»

Yves Rey, vice-recteur de l’enseignement au sein de la HES-SO, estime que le 100% en ligne n’est pas enrichissant. «Il faut coupler le MOOC avec une vraie approche pédagogique.» Pour lui, la richesse des formations de type MBA, c’est le partage et l’immersion entre participants et intervenants. «Le MOOC ne permet pas cette dynamique.» Il estime toutefois que ces cours en ligne ouverts et massifs peuvent être intéressants pour des éléments courts.

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Une formation pertinente pour le secteur public

«Contrairement aux idées reçues, les MBA ne sont pas uniquement adressés à des jeunes cadres en quête d’ascension sociale, assure Raphael Asseo, du cabinet Page Executive. Ils peuvent être de grande utilité dans le monde académique ou de la santé où les dirigeants n’ont pas forcément été formés à la gestion et la gouvernance d’une institution.»

Le CHUV en est un exemple parmi d’autres. Pour aider ses employés à développer leurs compétences, l’institution vaudoise a mis en place un Micro MBA obligatoire pour tous les cadres supérieurs, sous l’impulsion du directeur des ressources humaines Antonio Racciatti. «Il s’agit d’une formation raccourcie qui a les mêmes ambitions qu’un MBA classique, explique ce dernier. Nos cadres dirigeants sont principalement des experts qui ont un regard très sectorisé. Notre objectif est donc de leur apporter une vision plus transversale et plus globale de l’institution et de les amener à travailler ensemble sur des projets innovants.»

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Le business des faux diplômes

Des universités fictives proposent des diplômes aux tarifs élevés. La Suisse est particulièrement touchée par ce fléau.

Les universités britanniques ont une bonne réputation. L’an dernier, les responsables du Service d’application des peines et mesures à l’Etat de Genève ont dû être rassurés à la lecture du CV d’un candidat titulaire d’un MBA de la Chelsea University. Pourtant, après une année de service et de contre-performances professionnelles, les fonctionnaires remarquent que le diplôme de leur collaborateur n’a aucune valeur. Il a été établi par une université fictive.

Les établissements délivrant de tels titres, aussi appelés «moulins à diplômes», ne disposent d’aucune accréditation auprès des autorités. Ils proposent des formations à distance dans des domaines divers, allant du bachelor au doctorat, moyennant plus de 10’000 francs. Le tout presque sans exigences – il suffit d’avoir accumulé de l’expérience professionnelle – et sans programme d’études reconnu.

Swissuniversities, l’association des hautes écoles et des universités de Suisse, indique que «ces diplômes n’apportent aucune valeur ajoutée à une entreprise». Pourtant, ces pratiques connaissent un certain succès. Selon différentes estimations, il y aurait 2’000 à 3’000 «moulins à diplômes» dans le monde, dont une trentaine en Suisse. Le marché représenterait plusieurs millions de dollars, d’après le FBI.

Selon Swissuniversities, leur présence en Suisse s’explique par le fait que les titres académiques peuvent être délivrés par n’importe quelle entité. La plupart de ces fausses organisations seraient situées dans des cantons sans université, estime Swissuniversities. Exemple: la «Freie und Private Akademie Herisau» dans le canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures.

Ces pratiques frôlent l’illégalité. La «Università Privata a Distanza» s’est vue contrainte de déménager dans le canton de Zoug après que la Direction de l’instruction publique tessinoise ait lancé une enquête juridique à son encontre. Plusieurs médias ont également mis en lumière le phénomène. L’an dernier, Le Temps a pris l’exemple de l’université suisse privée St. Clements à Lausanne. Celle-ci est en fait gérée par un réseau œuvrant de la Malaisie au Nigeria. Le site web de l’institution existe toujours, mais les liens ne fonctionnent plus.

La loi fédérale sur l’encouragement et la coordination des hautes écoles, entrée en vigueur en 2015, a pour but de lever le flou autour des dénominations. D’ici à 2022, les institutions portant actuellement le titre d’«université» – ou d’un de ses dérivés – et qui souhaitent le garder devront se faire accréditer afin d’obtenir le droit à l’appellation.

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Le MBA en chiffres

32
Le nombre d’instituts qui proposent des cursus MBA en présentiel en Suisse romande.

21
Le rang de l’IMD Lausanne au «Global MBA Ranking 2017» du Financial Times.

52%
L’augmentation salariale enregistrée par un diplômé EMBA de l’INSEAD, selon l’enquête du Financial Times EMBA Ranking 2016.

145’048
En dollars, les frais d’écolage pour un MBA effectué à la Columbia Business School, un record.

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Collaboration: Erik Freudenreich et Robert Gloy

Une version de cet article est parue dans PME Magazine.