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Le bec dans l’eau (du lac)?

Le match Moret-Maudet pour la succession de Burkhalter enflamme la Suisse romande. Sauf que la majorité alémanique, pour l’heure, semble nettement préférer une candidature tessinoise.


Moret-Maudet, le match dans le match est donc lancé. On ne dira pas qu’il s’agit d’un duel de titans. Homme contre femme, certes, Genève contre Vaud, une vieille histoire donc, et de préhistoriques querelles à vider. Sauf que pas grand-chose, politiquement, ne sépare les deux candidats romands aspirant à figurer sur un probable ticket radical aux côtés du Tessinois Ignazio Cassis.

«Etre une femme apporte une expérience de vie différente, mais n’est pas un atout politique», affirme d’emblée Isabelle Moret. Ce n’est donc pas comme représentante d’un sexe sous-représenté qu’elle entend légitimer sa candidature. Ce ne peut pas être non plus en tant que Vaudoise, puisque le canton possède déjà avec Parmelin un ressortissant au sein des sept sages. A ce stade, on se gratte la tête. Il faudrait donc comprendre que la candidature d’Isabelle Moret se justifierait d’elle-même, sur sa seule envergure.

Ce serait pourtant, si l’on en croit ses adversaires, bien là son principal défaut. Pas les épaules, disent-ils. Un réseau certes bien implanté à Berne, une capacité démontrée à écouter, collaborer, négocier, sans sectarisme inutile, capable de travailler avec la gauche comme avec l’UDC. Mais pas les épaules. Surtout pour affronter une administration fédérale des plus coriaces.

Evidemment, la mouche est fine, surtout lorsqu’il s’agit de dézinguer le candidat tessinois. Petit a: «Bien sûr que le Tessin doit être représenté équitablement.» Petit b: «Je suis la non-italophone s’étant le plus engagée pour un Conseil fédéral à neuf membres pour y intégrer la minorité italophone.» Petit c: «Depuis l’introduction du droit de vote des femmes en 1971, le Tessin a été surreprésenté proportionnellement à sa population, tandis que le canton de Vaud y a été sous-représenté.» Et tant pis si tout cela n’a rien à voir avec la choucroute, ni même avec le Cassis.

Sur la question tessinoise, Maudet n’est pas tellement plus étincelant, mais à peu près aussi hypocrite. Petit a: «Je ne suis pas un candidat en opposition mais un candidat de propositions.» Petit b: «Le thème de la frontière est d’actualité, et mon expérience genevoise pourrait être précieuse et servir également au Tessin.» Petit c: «Mon canton a attendu 74 ans, après Gustave Ador, pour placer l’un des siens au Conseil fédéral, Ruth Dreifuss.»

Pourtant, dans cette affaire, Maudet la joue à contre-emploi: toute en humilité et modestie. Il concède que ni femme ni parlementaire, il se retrouve deux fois handicapé et donc condamné au rôle infamant de «outsider». Autre point faible supposé, son côté excessivement autoritaire, voire mâle dominant, qu’il balaie d’un revers de phrase: «On élit un membre de l’exécutif, non?»

Certains enfin trouvent le Genevois beaucoup trop à gauche pour un radical. Lui rétorque qu’en matière de sécurité au moins, il appartient à la costaude petite famille des «hard-liners». Mais Maudet a beau sortir sa matraque, il reste peu connu hors de Genève, comme s’en est lourdement gaussé l’UDC argovien Luzi Stamm: «J’ai demandé à ma femme si elle le connaissait. Elle m’a répondu non et cela ne m’a pas surpris.»

Curieusement, les arguments en faveur de l’une et de l’autre semblent s’autodétruire. On commence par souligner que l’Assemblée fédérale a horreur d’élire des candidats qui ne soient pas issus de ses rangs, et que donc Moret, présente à Berne depuis onze ans, tient là sa botte fatale. Sauf qu’aussitôt on constate, revers de la jolie médaille, que la Vaudoise n’a jamais dirigé le moindre exécutif. Tandis que Maudet, lui, a fait toutes ses preuves comme conseiller d’Etat à Genève. Oui, mais il est inconnu à Berne, etc. La boucle est bouclée.

Alors, Moret ou Maudet? Si l’on écoute les rumeurs et les humeurs émanant de la majorité alémanique, ce pourrait bien être ni l’un ni l’autre, puisque nos amis d’outre-Sarine semblent privilégier l’option tessinoise, dont l’heure serait légitimement venue. De l’autre côté de la barrière de röstis, on pourrait logiquement privilégier cette fois le critère régional, donc préférer la polenta au papet ou aux cardons.