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Cœur de mère

Nos autorités judiciaires et politiques sont prises d’un gros doute: le code pénal est-il suffisant pour sanctionner les actes de terrorisme? Question probablement légitime dans un pays où même les vaches deviennent inutilement agressives.

On n’est jamais assez prudent. On aura beau sortir armé et rembourré comme des Robocops. Ne jamais relâcher sa vigilance. Déjouer à force de ruse et d’yeux grands ouverts des attaques de djihadistes mal lunés, de hordes de loups déchaînés, voire d’ours coléreux. Même si, s’agissant de l’ours, il n’y en a qu’un seul répertorié pour l’instant sur le territoire suisse. Mais qui sait, il est peut-être pour vous.

Oui, on aura beau passer à travers les gouttes, toutes les gouttes, mêmes les plus mouillées, l’imprévisible sera toujours là, à guetter, tapi dans l’ombre, prêt à frapper.
Tel randonneur vient de l’apprendre à ses dépens, qui se baladait tranquillement sur un sentier pédestre des Grisons avant de se faire brutalement attaquer par une vache mère en furie. Pour une fois, les autorités ont réagi avec promptitude et diligence: l’animal a été aussitôt abattu. Il s’en est même suivi une forme de punition collective, puisque 16 vaches du même troupeau, jugées également trop agressives, connaîtront une désalpe anticipée.

Bien sûr, il y aura toujours des âmes sensibles pour trouver la sanction trop sévère, injuste même, contraire aux droits fondamentaux des bovins. Une lectrice de 24 Heures, ainsi, à défaut d’herbe fraîche, ne mâche pas ses mots: «Cessez donc de randonner à tout prix à proximité du bétail. N’y a-t-il pas assez de chemins ailleurs? Quels salopards que d’abattre cette pauvre vache qui n’a fait qu’écouter son cœur de mère.»

Punir en effet n’est jamais facile, même si les cœurs de mères sont loin d’être majoritaires dans la statistique des délits. Un méchant doute à cet égard semble tarauder nos autorités politiques et judiciaires: comment punir les actes de terrorisme? Le code pénal qui sanctionne l’assassinat, le meurtre, la prise d’otages, la séquestration et l’enlèvement, est-il suffisant?

Un groupe de travail mandaté par la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police trouve que non. Une norme pénale antiterroriste spécifique devrait venir compléter l’article 260 du CPS et permettrait par exemple de faire passer de cinq à dix ans de prison la peine pour soutien à des groupements terroristes. Tarif pouvant même aller jusqu’à 20 ans pour des personnes jouant un rôle influent au sein des dits groupes.

La nouvelle norme supprimerait également les sanctions jugées dérisoires dès qu’il s’agit de terrorisme, comme les amendes ou les travaux d’intérêt général. Encore que la perspective de vider les urinoirs dans les hôpitaux pourrait receler un potentiel dissuasif non négligeable.

Les experts discutent encore pour savoir s’il faut ou non dresser dans la loi une liste des organisations visées. Et surtout comment punir l’apologie du terrorisme. Le groupe radical aux Chambres avait bien, en 2015, déposé une initiative parlementaire pour suggérer que trois ans de prison serait un juste tarif.

La proposition avait été retoquée par la Commission de politique de sécurité du Conseil des Etats, qui lui préférait la future loi sur le renseignement et ses logiciels espions. L’inusable, l’indécrottable «prévenir plutôt que guérir».

La loi sur le renseignement est pourtant combattue par les champions toute catégorie de la prévention, à gauche, au motif cette fois d’atteinte à la vie privée. C’est vrai: on n’est jamais trop prudent, surtout avec les terroristes. Des fois qu’ils auraient un cœur de mère.