wholesale cialis pills

Trop d’évidence tue l’évidence

Les constructions illégales à Verbier et les plaidoyers contre les centrales nucléaires n’ont rien de commun. Sauf peut-être de suggérer que l’enfonçage de portes ouvertes et la fermeture des yeux restent des disciplines très populaires.

«La solution est évidente». C’est Pro Solar qui nous le dit, l’association de promotion de l’énergie solaire, et on est bien prié de la croire, puisqu’il s’agit d’une évidence. Oui, pour sortir de la crise et de la mouise où il patauge un secteur de l’électricité franchement aux abois, il existerait une solution foudroyante, éblouissante, -bref évidente. Qu’on vous résume en deux lignes tant elle est simple: «Une désaffectation rapide de tous les réacteurs» qui éviterait «d’agrandir le trou financier, réduirait la surenchère de courant sale et écarterait le risque d’accident nucléaire». Rien que ça. C’est beau, une évidence.

Ne reste plus qu’à convaincre les trois grands groupes électriques Axpo, Alpiq et BKW «d’adopter cette démarche si logique» et consistant donc grosso modo à fermer subito, en commençant par Mühleberg et Beznau, nos cacochymes centrales nucléaires. Pour y parvenir, Pro Solar lance donc une pétition. Car c’est un peu souvent l’ennui avec les solutions évidentes et les démarches logiques: leur évidence et leur logique n’apparaissent pas toujours du premier coup aux yeux des principaux intéressés et acteurs.

Lesquels pourraient être de surcroît un brin agacés par toute la morgue qu’il y a à présenter comme évidente la résolution d’une équation complexe et qui sous-entend que vous, malgré l’évidence, vous n’avez rien vu, entrevu ni compris. Bref que vous êtes un âne doublé d’un incompétent.

De la même façon, on pourrait trouver évident de parler de «véritable système» et de «volonté délibérée», comme l’a fait un groupe d’experts à propos d’une commune valaisanne ayant autorisé pendant quatre ans la réalisation de quinze projets immobiliers, dont tout le monde pourtant connaissait l’illégalité, totalisant une cinquantaine d’infractions. «Tous les acteurs de la promotion immobilière et de la commune se sont unis pour conforter l’application illicite du règlement communal des constructions», constatent les experts.

L’affaire est tellement évidente que le président de la commune en question, Bagnes comme chacun sait, a même consenti à expliquer pourquoi ce choix de l’illégalité a été fait: «Pour des raisons économiques». Voilà qui a le mérite de la clarté, de la franchise et de l’évidence. Bien des crimes et forfaits, bien des manquements à la loi, des plus bénins aux plus graves, peuvent d’ailleurs être compris, depuis l’aube des temps, par cette simple et évidente explication: des raisons économiques.

Malgré tout, le même président ne voit aucune évidence dans les conclusions du rapport des experts. Il y distingue même le contraire, déplorant l’emploi de termes «exagérés, voire inappropriés». Et même «certains jugements de valeur» reposant «sur des éléments subjectifs plutôt que sur des faits».

Outre que la subjectivité est précisément la vocation et la définition d’un jugement de valeur, c’est un autre inconvénient des évidences trop évidentes qui apparaît ici et que l’on pourrait résumer ainsi: chacun la sienne. Celle du président de la commune de Bagnes, il la formule tranquillement lui-même: «Les irrégularités constatées, et les autres qui seront découvertes, seront régularisées. Et la plupart seront oubliées». Bref pas de quoi en faire un fromage, même d’alpage. Ce qui achève de montrer la faiblesse de cette notion d’évidence, brandie à tout propos, mais qui peut être si facilement escamotée. Il suffit de fermer les yeux.