GLOCAL

Journée portes ouvertes

Les politiciens ne sont pas les seuls à abuser de la langue de bois et des truismes les plus crasses. Mais ils montrent l’exemple. A commencer par le président de la Confédération.

C’est la journée des portes ouvertes. Enfoncées allègrement. C’est le président de notre chère Confédération qui commence ainsi par avouer tout haut ce que chacun disait depuis longtemps et tout aussi haut: que prendre le nom de sa femme avait été «un acte de marketing».

Bien sûr, un Schneider-Ammann sera toujours deux fois plus fort et plus remarquable qu’un Schneider isolé, voir un Ammann perdu. Bien sûr aussi, autant avouer la manip, même connue de tous. Des fois que quelques naïfs, voire même quelques naïves, allez savoir, aient pu penser un court instant qu’il s’agissait là d’un courageux acte de militantisme féministe.

Quant à la conseillère nationale radicale Isabelle Moret, elle a profité du même Infrarouge pour faire un peu sa blonde en soutenant mordicus «qu’employer d’abord des Suisses» était «une responsabilité morale des employeurs». Des fois que ces tordus de patrons aient l’idée saugrenue de préférer un Syrien ultra diplômé et performant à un Helvète analphabète et incompétent.

Derrière ce truisme se cache quand même une réelle nouveauté: un membre du parti radical introduisant une dose de morale dans une pure question économique. Alors qu’on pensait jusqu’ici cette prérogative réservée à des socialistes hors d’âge. Et le patriotisme économique obtus, une chasse gardée de l’UDC. Miracles, donc, de La Palice.

Mais voici déjà la socialiste vaudoise Cesla Amarelle, qui revient sur les agressions de Cologne et qui nous en apprend une bien bonne: «La présence de femmes non accompagnées d’hommes, vêtues comme bon leur semble à toute heure du jour ou de la nuit, est en Europe considérée comme un acquis.»

Les lecteurs de l’Hebdo en sont certainement tombés de leur siège, ou de leur tabouret de bar, suffoqués par l’ampleur de la révélation. A moins que Cesla Amarelle se soit simplement trompée de publication et de lecteurs, ou ait imaginé que l’hebdomadaire romand était très lu en Afrique du Nord.

«C’est une excellente décision, probablement le meilleur choix» commente de son côté Denis Froidevaux, président de la société suisse des officiers, à propos du conseiller que s’est choisi le caporal Parmelin à la tête du département militaire. Rien moins que le numéro deux de l’armée, le commandant de corps Dominique Andrey.  Sans vouloir couper les nouilles en quatre, on ne pourra s’empêcher de soupçonner qu’il existait quand même, tant qu’à faire, un meilleur choix: le numéro un. Mais sans doute qu’il n’était pas libre.

Dans la série de ces évidences fulgurantes qui ne font pas avancer le schmilblick d’un pouce — trop de luminosité tuant sans doute la luminosité — les politiques et les militaires ne sont pas les seuls à s’enflammer un peu vite. Que nous dit en effet Nadia Bizzini anthropologue interviewée par 24 heures pour son travail de recherches sur les Roms, et notamment les stéréotypes dont ils sont victimes, par exemple un prétendu sens assez particulier de l’hygiène? «Leur caravane, qui est leur maison, et l’espace immédiatement autour, sont d’une propreté impeccable.» Le plus romophobe des gadjé n’a jamais prétendu le contraire. Juste laisser entendre que le problème pourrait être ailleurs. Et même juste un peu plus loin.

Quitte à seriner des évidences, allons y gaiement: les femmes de ministres, les minorités montrées du doigt, les employeurs mal famés, les migrants sauvages et les militaires méritants, comme les autres catégories de la population, méritent sans doute mieux qu’un discours public qui se mord la queue.