LATITUDES

Les seniors ont la bougeotte

Toutes les études le montrent: la pratique sportive augmente chez les personnes âgées. Même les sports extrêmes trouvent des adeptes chez les plus de 60 ans.

En août dernier, Penka Baleva, 80 ans, s’est jetée d’un pont haut de 190 m avec pour seule garantie de survie un élastique attaché aux pieds. Si l’exemple de cette téméraire retraitée bulgare ne signale pas un emballement généralisé des seniors pour le «bungee jumping», il témoigne néanmoins d’une réalité nouvelle: les personnes âgées sont de plus en plus sportives et s’ouvrent à de nouvelles disciplines. A Londres, ce sont par exemple des stages de parkour, art du déplacement acrobatique né en France dans les années 1990, qui sont proposés aux aînés.

En Suisse aussi, la part des sportifs âgés de 65 ans et plus ne cesse de croître: de 34% en 2008 à 42% aujourd’hui, d’après l’étude «Sport Suisse 2014» réalisée par l’Observatoire Sport et activité physique Suisse. De plus, l’activité sportive diminue avec l’âge, mais elle progresse dès la retraite. Les facteurs qui expliquent cette forte augmentation sont multiples: espérance de vie croissante qui va de pair avec une meilleure condition physique, davantage de temps libre mais également une plus grande aisance financière.

Randonnée, ski de fond et aquagym

Les activités préférées des seniors ne surprennent pas: on y retrouve la gymnastique, le golf, l’aqua-fitness (avec une moyenne d’âge de 55 ans) ou encore la randonnée et le nordic walking. La passion des Suisses pour ces disciplines se lit dans l’évolution des effectifs du Club alpin suisse (CAS). Entre 2010 et 2014, le total des adhérents de l’association est passé de 131’000 à 144’000. Une progression quasiment exclusivement imputable à l’augmentation du nombre de membres de plus de 50 ans.

«En plus d’une amélioration de la qualité de vie, la génération des baby-boomers a l’habitude de faire du sport», remarque Flavian Kühne, responsable sport et mouvement de Pro Senectute, la plus grande organisation professionnelle au service des personnes âgées en Suisse. De fait, 138’000 membres de l’organisation pratiquaient une activité physique en 2014, contre 95’000 cinq années plus tôt. Cette génération de personnes âgées affectionne particulièrement le ski de fond, la gymnastique ou encore la randonnée. Toutefois, Flavian Kühne ne décèle pas d’augmentation notable dans les sports «extrêmes» tels que le rafting, le ski ou encore le parachute.

A l’école Anemos Parapente, dans le canton de Fribourg, les clients seniors sont cependant assez fréquents. «Dernièrement, nous avons reçu un couple de personnes âgées: lui avait 86 ans, elle en avait 93», témoigne Pierre-Alain Hayoz. Le fondateur de l’école compare le comportement d’un senior à celui d’un enfant: «La plupart des personnes âgées n’ont pas peur. Elles sont surtout enthousiastes!»
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TEMOIGNAGES

«Je profite de ma pause de midi pour voler»
Paul Fasel / 63 ans / Fribourg

Propriétaire d’un bureau d’architecture situé à Zumholz (Fribourg), Paul Fasel sait profiter de la vie. «L’hiver, je prends souvent sur ma pause de midi pour voler, skis aux pieds, pendant une dizaine de minutes.» A 63 ans, ce diplômé de l’ETH de Zurich comptabilise pas moins de 500 sorties en parapente. Il pratique cette discipline depuis cinq années seulement. Il affectionne particulièrement le sentiment de liberté qu’elle procure: «Si les vents thermiques sont bons, je peux décoller de 2000 mètres puis m’élever jusqu’à 4200 mètres. A partir de là, je peux choisir de traverser la vallée ou de rester près d’une montagne.»

La passion du vol, Paul Fasel l’entretient depuis ses 14 ans. Il l’a toujours gardée dans un coin de sa tête, mais c’est seulement en 1984 qu’il a effectué son premier saut en parachute. Depuis, il s’est élancé plus de 1200 fois dans le vide. Le sexagénaire ne considère pas ces activités comme des sports extrêmes: «Lorsque je saute, cela n’a plus rien d’exceptionnel, c’est comme si j’ouvrais une porte.»
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«Moins de risques de se casser les os»
Peter Schmid / 59 ans / Berne

Le Biennois Peter Schmid est un parachutiste confirmé. A 59 ans, il compte 3000 sauts à son actif. Il préside une association au nom étrange, la Swiss Parachutists over Phorty Society (SPOPS), depuis douze ans. La philosophie de cette société internationale créée en 1966 aux Etats-Unis est résumée par son slogan: «On n’arrête pas le parachutisme car on devient vieux, on devient vieux car on arrête le parachutisme.» Forte de 190 membres en Suisse, en augmentation d’année en année, la SPOPS est réservée aux parachutistes ayant dépassé la barre fatidique des 40 ans.

De fait, la société compte plusieurs branches telles que les Skydivers Over Sixty – réservée aux plus de 60 ans, qui compte une cinquantaine de membres en Suisse – ou les Jumpers Over Seventies. Selon Peter Schmid, les progrès techniques permettent de profiter du parachute jusqu’à un âge avancé: «Avec l’évolution des voiles, il y a moins de risques de se casser les os. Pratiquer le parachutisme, c’est partager une passion en Suisse mais également dans le monde entier.»
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«Mon cœur a 25 ans!»

Daniel Chézière / 66 ans / Tessin

Arrivé en Suisse en 1981, Daniel Chézière est l’un des pionniers du rafting dans le pays et du canyoning dans les gorges de Viamala. Le Français est un passionné de sport, d’aventure et de nature. Il enfourche régulièrement son vélo pour effectuer «des petites virées, soit des balades de 80 km avec un fort dénivelé». A 66 ans, le fondateur de SwissRaft commence peu à peu à ménager ses efforts: «Je vais baisser mon rythme de 10’000 km à vélo par année à 6000.»

Accro au sport, Daniel Chézière est aussi un adepte de la natation et du parapente. Une addiction qui représente un atout de taille pour sa vie professionnelle: «Je reçois environ 150 appels par jour, et c’est grâce au sport que j’ai pu gérer cette vie stressante.» Le kinésithérapeute de formation est également pilote de ballons et de gyrocoptère. Tant d’activités qu’il aimerait poursuivre: «Je me sens bien, j’ai l’impression que mon cœur a 25 ans!»
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Une version de cet article est parue dans le magazine Swissquote (no 5).