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Le bureau à pédales pour lutter contre la sédentarité au travail

Face aux ravages de l’inactivité physique, qui concerne particulièrement les employés assis toute la journée devant un ordinateur, les acteurs de la santé se mobilisent. Des solutions innovantes pour bouger tout en travaillant gagnent la Suisse romande. Tour d’horizon.

Il tapote sur son clavier et marche, arpentant le Parc National des Cévennes, où il vit. Le français Benoit Pereira da Silva, programmateur informatique, s’est créé un bureau nomade, équipé de panneaux solaires, en vue de travailler en plein air, tout en se baladant, sac au dos et lunettes de soleil sur le nez. Début 2015, il présentait son engin à Genève, dans le cadre de la Conférence LIFT, réunissant les technophiles européens. Il promeut aussi cette approche pour le moins inédite d’une journée de travail via un site internet. Certes, sa démarche est extrême. Mais Benoit Pereira da Silva n’est de loin pas le seul à se lever pour un avenir professionnel en mouvement. Les milieux scientifiques et de la santé tirent la sonnette d’alarme, poussant les secteurs professionnels à réagir.

En 2010 déjà, une étude de l’American Cancer Society, relayée par le Washington Post, mettait en évidence que le taux de mortalité d’une personne assise plus de six heures par jour est 20 % plus élevé que celui d’une personne plus active. Trois ans plus tard, le slogan «Sitting is the new smoking», lancé par la célèbre consultante, conférencière et auteur américaine Nilofer Merchant, de la Silicon Valley, osait une comparaison percutante qui a marqué les esprits aux Etats-Unis. En parallèle, l’engouement médiatique pour le médecin américain James Levine, spécialiste de l’obésité et inventeur du bureau-tapis roulant, a mis la machine en route, cautionné par des chercheurs du Tech3Lab de Montréal qui ont mesuré les bénéfices cognitifs de la marche sur la lecture.

Tous s’entendent sur le fait que la sédentarité est devenue un problème majeur dans les sociétés occidentales, où une grande part d’individus passe huit heures par jour, cinq jours par semaine, assis face à un écran d’ordinateur. Selon l’OMS, l’inactivité physique représente la quatrième cause de décès dans le monde et tue 3,3 millions de personnes par an. L’Office fédéral de la santé publique a publié en juin une étude qui confirme qu’être assis trop longtemps nuit à la santé et s’engage de promouvoir le mouvement par le biais de campagnes de sensibilisation.

Bouger toutes les 30 minutes

Quelles sont les conséquences concrètes sur la santé? «Après plus d’une demi-heure en position assise, la tension augmente dans les muscles profonds de la colonne vertébrale, explique Olivier Girard, chef du pôle des services et ergonome à l’Institut universitaire romand de santé au travail (IST), à Epalinges. Cela a pour effet de compresser le dos, les disques et les cartilages, pouvant entraîner des lombalgies, des hernies discales, ou des maladies articulaires comme l’arthrose ou les rhumatismes. Le travail assis, qui demande moins d’énergie que celui effectué debout, entraîne aussi des risques d’obésité.» Malgré la pratique régulière d’un sport, passer plusieurs heures non-stop en position assise représente un facteur de risque essentiel pour les douleurs de dos, de la nuque, des épaules et des bras, la dégénérescence musculaire, le développement de maladies chroniques telles que l’hypertension artérielle et le diabète, mais aussi les maladies cardiaques et cardiovasculaires, voire le cancer du côlon.

Selon Olivier Girard, il est important d’introduire le plus de mouvement possible tout au long de la journée, car les 30 minutes de marche quotidienne recommandées par l’Organisation mondiale de la santé ne compensent pas les effets négatifs du travail sédentaire. «Dans l’idéal, il faut aménager son espace de travail pour que les périodes assises et les périodes debout se succèdent toutes les 30 minutes environ. Mais cela ne signifie pas prendre des pauses pour autant: le cerveau peut tout à fait rester concentré sur une tâche alors qu’on change de position ou qu’on se déplace. L’idée est donc de permettre au corps de se libérer des tensions accumulées par la position assise tout en continuant le travail», conseille le spécialiste, joint par téléphone, qui s’est tenu debout durant la demi-heure d’entretien.

Centraliser imprimantes et corbeilles à papier

L’expert envisage trois pistes pour encourager le mouvement. La première consiste à repenser les espaces de travail. En centralisant les imprimantes ou les corbeilles à papier des employés pour les inciter à se lever, en créant des cellules individuelles où les employés peuvent se tenir pour des tâches qui demandent une certaine concentration, des salles de réunions avec table haute, ou en optant pour ces fameux bureaux réglables en hauteur, désormais en vente à des prix raisonnables dans les grandes enseignes de mobilier en Suisse. «Ce meuble modulaire fait encore figure d’ovni dans les open space, mais je pense qu’il sera parfaitement intégré dans dix ans», parie Céline Dubey Guillaume, ergonome à Fribourg, qui a déjà formé les employés de plusieurs entreprises ayant opté pour ce matériel. Le développement de nouvelles infrastructures contribuera sans doute à faire évoluer la configuration des postes de travail dans le tertiaire, avec, par exemple, les vélos elliptiques à mettre sous le bureau, tel que le modèle Cubii lancé en janvier 2015 par Fitness Cubed, une start-up américaine.

La seconde piste concerne l’organisation du travail, mais est plus complexe à appliquer dans l’administratif. Elle consiste à varier les tâches au fil de la journée. Ainsi un employé en charge d’effectuer des tâches immobiles alternerait avec un autre employé, plus actif, ce qui permettrait d’assurer une dynamique de mouvement. La troisième piste est d’ordre comportemental. Elle vise à sensibiliser les équipes et à leur enseigner les bons réflexes. «On peut tout à fait téléphoner ou boire un café debout, se déplacer pour parler à un collègue plutôt que de lui envoyer un email, privilégier les escaliers et faire des exercices tout au long de la journée», assure Olivier Girard, régulièrement mandaté par des PME pour mettre en place des programmes personnalisés en fonction des métiers et des conséquences sur le corps. A l’instar d’Ethicon, marque de Johnson & Johnson basée à Neuchâtel, qui a fait appel à lui pour mettre en place deux séries d’exercices quotidiens faits en groupe, pour contrer les effets liés à la position assise et la succession de geste répétitifs. Certaines entreprises privilégient les rabais sur des abonnements fitness ou piscine, comme l’usine de traitement des métaux Novelis à Sierre.

Nordic walking à la pause de midi

Autres acteurs, les organes de promotion de la santé proposent des solutions pour lutter contre la sédentarité et accompagnent les employeurs. Promotion Santé Suisse met gratuitement à disposition des PME une boîte à outils par le biais de son portail PME-vital pour mesurer la gestion de la santé en entreprise, ses points forts et les domaines pouvant être améliorés. En collaboration avec les Ligues de la santé et Promotion Santé Valais, l’entreprise valaisanne de transports RegionAlps vient par exemple d’organiser un cours d’une journée pour enseigner aux chauffeurs de train des exercices d’étirement et de gainage. Ailleurs, c’est la pause de midi qui devient prétexte à bouger. «Nous avons acheté des bâtons de marche pour le nordic walking ainsi que deux vélos mis à disposition du personnel. En parallèle, des groupes de joggers sont encadrés par l’un de nos médecins du sport», explique Eloïse Marchesi, gestionnaire en ressources humaines de l’Hôpital de la Tour, à Meyrin. Pour faire prendre conscience du manque d’activité physique, le centre de soin participe également à Objectif 10’000, une opération soutenue par les Ligues de la santé pour encourager la marche à pied sur leur lieu de travail, durant les trajets ou pendant les loisirs afin d’atteindre 10’000 pas par jour, mesurés par un podomètre.
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.