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Temenos, le cœur informatique des banques

En moins de vingt-cinq ans, le genevois Temenos s’est imposé comme l’un des leaders mondiaux dans le secteur des logiciels bancaires.

Un nouveau client tous les trois jours… En 2014, 135 nouvelles banques ont rejoint le portefeuille de la société genevoise Temenos. Logiciels de services bancaires et de gestion d’actifs, maintenance, conseil, logiciels de front office et de back office… L’entreprise, fondée en 1993, fournit aujourd’hui ses solutions à 38 des 50 premières banques du monde et compte plus de 2’000 institutions financières parmi sa clientèle. Le tout pour le plus grand bonheur de ses actionnaires: après avoir vu son bénéfice net bondir de plus d’un tiers en 2014, Temenos leur versera cette année un dividende de 0,4 franc par action, en hausse de 14% par rapport à l’exercice précédent.

Un succès qui ne doit rien au hasard mais beaucoup à son fondateur, le très emblématique George Koukis. Si cet entrepreneur d’origine grecque occupe désormais une fonction de directeur non-executif, après avoir assumé la présidence du conseil d’administration jusqu’en 2011, Temenos continue d’appliquer sa stratégie basée sur une expertise technique à toute épreuve et un effort d’innovation soutenu, essentielle en matière informatique: depuis sa fondation, l’entreprise a toujours consacré 20% de son chiffre d’affaires à la R&D, y compris en période de vaches maigres. Une culture de l’innovation qui se révèle payante: valorisée 1,4 milliard de francs au SIX en 2001, Temenos pèse aujourd’hui 2,3 milliards et domine le marché des logiciels bancaires devant l’américain Oracle, l’indien Infosys et l’allemand SAP.

Repenser les systèmes

Avec moins d’un quart de siècle d’existence, Temenos est une société jeune mais ces deux décennies relèvent de l’histoire longue dans un secteur d’activité marqué par une mutation des habitudes de la clientèle privée et professionnelle. «Le temps des clients fidèles à la même banque toute leur vie est terminé, dit Jean-Michel Hilsenkopf, directeur de Temenos pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient. Ils n’hésitent plus à changer d’établissement et arbitrent en fonction des services toujours plus nombreux qui leur sont proposés, que ce soit en matière de paiements, de crédits, d’accès aux marchés financiers.»

Ces changements de comportements ne sont pas le seul moteur d’un marché des logiciels bancaires en pleine évolution. Après avoir longtemps souffert de la crise financière de 2008, particulièrement en Europe, le secteur redémarre, poussé par différents facteurs. La plupart des 20’000 banques du monde sont contraintes de s’adapter aux ruptures technologiques, là où beaucoup utilisent encore des logiciels développés en interne à la fin des années 1960. A l’heure où de nouveaux concurrents comme les banques en ligne occupent le marché des canaux digitaux, la compétition joue en faveur de Temenos. Les banquiers traditionnels sont contraints de rénover leur architecture informatique au lendemain de la crise de 2008 et de l’apparition du cloud banking, estime le directeur: «Non seulement la création d’un réseau d’agences physique nécessitait une puissance de frappe considérable, mais les Etats refusaient d’accorder de nouveaux agréments. Au lendemain de la crise, ils ont joué sur ce levier afin de créer une nouvelle concurrence. Cette dernière contraint les banques à adapter leurs pratiques pour ne pas se faire distancer en termes de qualité de services. Donc à repenser leurs systèmes…»

D’autant que l’opération peut permettre de sérieuses économies: alors que les établissements bancaires consacrent en moyenne 14% de leurs frais généraux à l’informatique, Temenos se fait fort de réduire cette part à 5% une fois ses services mis en place. Et le temps des solutions internes semble révolu: «Les banques qui souhaitent conserver leurs propres systèmes vont au-devant de bien des difficultés», estime Jean-Michel Hilsenkopf. Mettre à jour sa solution maison coûterait plus cher que d’en changer, alors que les banques doivent offrir les meilleures applications à leurs clients dans un contexte marqué par l’arrivée de nouveaux entrants.

Pourtant, certains décideurs hésitent parfois à s’orienter vers un changement global d’architecture informatique: question de coût, mais aussi de visibilité. «En Suisse comme dans le reste du monde, le secteur bancaire traverse encore une phrase de consolidation économique et réglementaire, au lendemain d’une crise financière qui a durablement réduit ses marges de manœuvre, explique Eleanor Taylor-Jolidon, analyste de l’UBP. L’ensemble conduit les grandes banques à une certaine prudence sur le plan des investissements informatiques.»

Une dimension prise en compte de longue date par Temenos, à en croire Jean-Michel Hilsenkopf: «Après la croissance exponentielle des premières années, notre entrée en Bourse était précisément une manière de répondre à ces attentes en développant des solutions plus souples et plus adaptables que nos premiers produits.» Après avoir longtemps commercialisé un logiciel unique qui imposait un changement radical des processus, l’entreprise genevoise a changé son fusil d’épaule et propose depuis plusieurs années déjà des produits évolutifs et adaptables, capables d’être déployés en s’intégrant de façon plus progressive à l’existant.

Croissance externe

Outre cet effort sur les produits, Temenos a mis sa solidité financière au service d’une politique de croissance externe impressionnante: le groupe genevois a racheté 14 sociétés concurrentes au cours des dernières années, dont deux coup sur coup depuis le début de l’année, l’américain Akcelerant pour 50 millions de dollars et le luxembourgeois Multifonds pour 235 millions d’euros. Deux rachats soigneusement étudiés qui répondent à la double ambition de l’entreprise de se développer sur de nouveaux marchés et de nouveaux segments de produits tout en renforçant ses positions. «Le rachat d’Akcelerant est intéressant parce qu’il permet à Temenos d’entrer sur un marché américain via le secteur particulier des organismes de crédit», décrypte l’analyste Eleanor Taylor-Jolidon, qui précise que les Etats-Unis ont toujours été un marché difficile d’accès pour les acteurs européens. L’acquisition de Multifonds permet de son côté à Temenos d’élargir son éventail de services, tout en renforçant sa présence européenne.

Temenos compte surtout sur le développement d’un marché bancaire qui en a encore sous le pied, ne serait-ce qu’en raison de l’actuel durcissement des normes qui encadrent les activités bancaires. «Le renforcement des régulations renchérit le coût des systèmes existants et conduit là encore les banques à moderniser leurs plateformes», explique le directeur régional de Temenos Jean-Michel Hilsenkopf.

Au-delà, l’entreprise fait valoir qu’un adulte sur deux dans le monde n’a aujourd’hui accès à aucun service financier, en particulier en Amérique latine et en Afrique subsaharienne. Un problème structurel que l’essor du mobile banking pourrait bien résoudre en facilitant l’accès aux produits bancaires et au crédit, d’autant que les coûts d’entretien élevés des réseaux d’agences physiques devraient diminuer à l’ère du cloud. Temenos estime que d’ici à dix ans, 95% des services bancaires se feront sur le net, notamment via des smartphones dont l’usage se généralise, y compris dans les pays émergents. Les banques n’ont pas fini d’avoir besoin de Temenos – un nom qui sonne comme un symbole: en grec ancien, le terme désigne l’espace sacré d’un sanctuaire.
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ENCADRE

Les étapes clés

Novembre 1993: George Koukis rachète à un entrepreneur de Zurich la division «logiciels» d’une entreprise mal en point. Un investissement de 948’000 dollars qui s’accompagne d’une implantation à Genève, du recrutement d’une demi-douzaine de salariés et d’un changement de nom. Temenos est née et voit son activité croître de façon exponentielle sur le marché très disputé des logiciels bancaires, en lançant son produit historique et emblématique, le T24.

En 2001, l’entreprise entre à la Bourse de Zurich dans une double perspective: financer son développement sur de nouveaux marchés et se donner les moyens de répondre aux attentes toujours plus exigeantes de ses clients les plus importants. L’entreprise, devenue l’un des principaux leaders mondiaux du secteur, connaît depuis 2008 une croissance régulière, basée sur la diversification d’une offre initialement construite autour d’un seul produit. En jeu, sa capacité à répondre aux évolutions des besoins d’institutions financières elles-mêmes soumises aux évolutions réglementaires et aux nouveaux usages de l’ère numérique.
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EN CHIFFRES

4’000
Le nombre de personnes qu’emploie Temenos dans 40 pays.

2’000
Le nombre d’institutions financières qui ont recours aux services du leader genevois, dans 150 pays.

91,6
En millions de dollars: le bénéfice net en 2014 soit 34% de mieux qu’en 2013.

70
Le nombre de filiales de Temenos dans le monde.

26,3%
La hausse du cours de l’action Temenos sur un an.
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Une version de cet article est parue dans le magazine Swissquote (no3/2015).