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Congé paternité: les entreprises s’y mettent

Financer des jours d’absence pour les pères à la naissance de leur enfant? L’idée avance dans l’arène législative. Certaines sociétés ont déjà franchi le pas.

Deux semaines de congé payé pour les jeunes pères, contre un jour à l’heure actuelle. Au mois d’avril, une commission du Conseil national a donné suite à cette proposition du PDC grison Martin Candinas. Ce vote positif redonne de l’espoir aux partisans du congé paternité ou parental: entre 1998 et 2014, le sujet a fait l’objet de 33 interventions qui n’ont pas abouti. «L’initiative, qui prévoit un congé de courte durée pour un coût estimé à 200 millions par an, pourrait obtenir une majorité devant les Chambres fédérales», analyse Isabel Valarino, sociologue à l’Université de Lausanne.

Certains employeurs n’ont pas attendu l’évolution politique du dossier pour mettre en place un congé paternité de leur propre initiative. La tendance concerne surtout les administrations publiques et les grandes entreprises. La Ville de Lausanne, par exemple, offre 20 jours. Chez Migros et Ikea, les employés reçoivent 10 jours. Mais il existe aussi des exemples parmi les PME locales. Le Groupe MK, entreprise immobilière de 150 employés basée à Lausanne, donne cinq jours. La direction propose également aux pères de réduire leur temps de travail à 80% durant les mois suivant l’arrivée de l’enfant, et même à plus long terme s’ils le souhaitent. «Nous avons mis cela en place il y a cinq ans, indique Anthony Collé, le directeur. A l’époque, une proposition au niveau politique n’avait pas abouti et nous avons décidé d’agir de notre propre initiative. Les femmes ont la possibilité de rester trois mois auprès de leur bébé, les hommes un seul jour. Ce n’est pas une situation juste.» Père de trois enfants, Anthony Collé se souvient être retourné au travail le jour même de la venue au monde de son dernier né. «J’aurais apprécié de pouvoir rester avec ma famille.»

La société fribourgeoise Ascenseurs Menétrey, 120 employés dont 92% d’hommes, a instauré un congé paternité (et d’adoption) de 11 jours début 2015. Quant à l’entreprise de développement web Liip, également basée à Fribourg et dont 70% des employés sont des hommes, elle offre une absence payée à 100% de 20 jours depuis ses débuts en 2007. «C’est une évidence, une démarche qui se trouve au cœur de nos valeurs, note le cofondateur Gerhard Andrey, lui-même père de deux enfants. La présence du père durant cette période est primordiale. Je ne peux simplement pas concevoir un congé qui se limite à un jour.» Liip encourage aussi le temps partiel et permet à ses 110 employés de choisir librement à quel pourcentage ils souhaitent travailler entre 70% et 100%. Plus de la moitié des salariés masculins de l’entreprise ont saisi cette opportunité. «On dit souvent que les hommes ne souhaitent pas prendre congé pour s’occuper de leur bébé ou travailler à temps partiel. Mais nous constatons que les réticences tombent si cette décision ne comporte pas de risque pour leur carrière.»

Atout de recrutement

L’instauration d’un congé paternité est souvent motivée par les valeurs de l’entreprise. Mais les trois directeurs interrogés constatent aussi des retombées positives pour leur PME, à l’interne comme vis-à-vis de l’extérieur.

«Il ne faut pas voir cela comme une charge mais comme un investissement, estime Anthony Collé du Groupe MK. De nombreuses PME redoutent d’altérer leur productivité. Mais un employé plus heureux de ses conditions de travail, qui dispose d’espace pour recharger ses batteries, est plus motivé et plus performant.» Le directeur des ressources humaines d’Ascenseurs Menétrey, Martial Gay, constate qu’un environnement qui permet un meilleur équilibre entre vie privée et professionnelle a un effet direct sur l’absentéisme. «En diminuant les accidents et les maladies, nous sortons gagnants.» Les trois PME indiquent par ailleurs que le congé paternité ne représente pas un défi particulier en matière d’organisation dans la mesure où ces absences sont prévisibles longtemps à l’avance.

Le congé paternité donne une image favorable de l’entreprise et représente un atout pour le recrutement, surtout si elle est couplée à d’autres dispositions comme une approche flexible concernant le temps partiel ou des vacances supplémentaires. Avec la multiplication des classements de meilleurs employeurs dans la presse et sur des sites tels que Kununu, ces avantages sont toujours plus visibles. «Un candidat potentiel ne considère plus uniquement la rémunération. Il regarde tous les aspects, et le congé paternité constitue un volet important de ce que nous pouvons offrir pour attirer un profil intéressant, relève Martial Gay. Cela joue aussi un rôle pour retenir les employés.» Gerhard Andrey, de Liip, confirme que la culture particulière de l’entreprise lui permet d’attirer des talents «sans forcément proposer les meilleurs salaires» du secteur. A noter que le congé paternité ne séduit pas que les hommes: les femmes approuvent également que le rôle des pères soit reconnu.

«Pas un luxe»

A combien se monte cet investissement? Au Groupe MK, le congé paternité (une semaine payée à 100%) concerne en moyenne cinq personnes par année, ce qui coûte environ 20’000 francs à l’entreprise, soit 0,1% d’un chiffre d’affaires de plus de 20 millions de francs. «Au regard des revenus globaux de l’entreprise, c’est très marginal, commente Anthony Collé. Offrir une semaine de vacances supplémentaire serait, par exemple, bien plus onéreux.» Ascenseurs Menétrey table sur cinq absences (de onze jours, payés à 100%) par an, ce qui équivaut à un coût d’environ 40’000 francs.

Quant à Liip, dont le chiffre d’affaires se monte à environ 12 millions de francs, elle estime avoir octroyé une trentaine de congés paternité depuis 2007 et indique ne pas faire de calcul. «Les salaires constituent 80% de nos dépenses, explique Gerhard Andrey. Il y a d’autres absences comme le service civil, les cours de répétition et les formations. Les congés paternité ne font pas une grande différence. Même lors d’années difficiles, nous sommes toujours parvenus à payer ces quatre semaines. Et il ne s’agit pas d’un luxe spécifique à notre branche, comme je l’entends souvent. C’est un cliché. Nous devons aussi nous battre pour chaque franc dans un marché très concurrentiel.»

Si ces directeurs affichent leur enthousiasme, le congé paternité continue de susciter la réticence des milieux économiques. L’Union patronale suisse estime que la question ne relève pas du domaine de l’Etat et qu’il «appartient aux branches et aux entreprises de prendre ce genre de décision». Les opposants au congé paternité redoutent aussi son coût et la capacité de l’Etat à le financer. Plus minoritaire, la défense d’une vision traditionnelle de la famille apparaît aussi parmi les arguments. Malgré un changement d’attitude au sein de la société et des débuts prometteurs, la proposition du conseiller national Martin Candinas a encore du chemin à parcourir pour convaincre l’ensemble des acteurs concernés.
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ENCADRE

La Suisse peu généreuse

Selon le code des obligations, la naissance d’un enfant donne droit à un «jour de congé usuel», soit un congé auquel les employés peuvent avoir recours pour régler des affaires personnelles pendant leur temps de travail. Avec cette position, la Confédération se distingue de ses voisins européens et de la grande majorité des pays développés. «Aux côtés des Etats-Unis, de la Turquie et du Mexique, la Suisse fait partie des seuls pays de l’OCDE qui n’offrent ni congé paternité, ni congé parental», remarque Isabel Valarino, sociologue à l’Université de Lausanne. L’Union européenne a mis place un congé parental de quatre mois par parent, sans compensation financière mais qui garantit à l’employé de retrouver son poste à son retour. A l’intérieur de l’UE, les pays ont adopté des dispositions spécifiques. Les pères bénéficient, par exemple, de trois semaines de congé payé en Espagne et de deux semaines en France et en Grande-Bretagne. La Suède, la Norvège et le Danemark offrent, quant à eux, entre 59 et 68 semaines de congé payé à partager entre le père et la mère.
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.