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Les maisons de demain

Appartements de poche, logements modulables, chalets écolos, chambres d’hôtel souterraines: l’habitat du XXIe siècle prend des formes toujours plus variées. Tour d’horizon.

Dans quel type de maison ou d’appartement vivrons-nous dans les années à venir? Au-delà des questions énergétiques, l’un des principaux enjeux consistera à créer des logements en adéquation avec l’évolution de nos modes de vie. Le parc immobilier romand, tel qu’il existe aujourd’hui, renvoie encore majoritairement à une structure familiale classique d’un couple avec deux enfants. Or, on trouve dans nos villes de plus en plus de familles recomposées, de célibataires ou de personnes vivant en colocation.

Dans cette optique, les appartements modulables représentent un intérêt évident. Réunis dans des coopératives telles que la Codha, ils s’adressent aux nombreuses personnes qui souhaitent vivre dans un environnement où prévalent des valeurs comme la solidarité ou la convivialité.

Cette recherche va de pair avec le développement de logements toujours plus écologiques. Plusieurs communes romandes, mais aussi des promoteurs privés, développent une offre répondant à une logique durable. Munis d’une toiture photovoltaïque et de sondes géothermiques, ces bâtiments visent notamment une autonomie totale en matière d’énergie. Certains, comme cette série de chalets prévus dans le village de Nax, en Valais, vont même jusqu’à produire davantage d’énergie qu’ils n’en consomment.

D’autres concepts venus de l’étranger apparaissent en Suisse. C’est le cas des logements de taille réduite ou du développement de constructions en sous-sol. Encore marginales, ces tentatives démontrent une même volonté de sortir des sentiers battus et de développer un autre rapport au logement, plus proche des aspirations des uns et des autres. Voici quelques exemples emblématiques.

1. Des maisons de montagne qui génèrent de l’énergie

En juin, la première maison de Suisse romande qui produit davantage d’énergie qu’elle n’en consomme a vu le jour à Nax, en Valais. A la base du projet: les Genevois Thomas Büchi, de l’entreprise Charpente Concept, et l’architecte Hervé Dessimoz. Ensemble ils avaient déjà réalisé le refuge du Goûter dans le massif du Mont-Blanc, un bâtiment de quatre étages énergétiquement autonome situé à 4’000 mètres d’altitude, ou encore le Palais de l’Equilibre d’Expo 02, sphère en bois prônant les valeurs du développement durable, aujourd’hui basée au CERN.

Forts de ces expériences, les deux concepteurs ont voulu aller plus loin. Concrètement, le projet du village de Nax, situé à 1’300 mètres d’altitude en surplomb de la vallée du Rhône, se compose de cinq maisons de montagne. Le chalet témoin de la promotion est d’ores et déjà habitable. Son jumeau a été vendu cet été, pour une fin des travaux prévue en été 2015. Les trois autres sont actuellement en attente d’investisseurs.

Les bâtisses seront entièrement réalisées en bois suisse (label COBS) et ne consommeront aucune énergie fossile. Le projet va au-delà de ce que propose le label Minergie-A, qui vise une consommation d’énergie proche de zéro: ces constructions génèrent plus d’énergie qu’elles n’en consomment. Le surplus permettra, par exemple, de charger une voiture électrique toute l’année.

Pour ce faire, ces bâtiments doivent répondre à plusieurs critères. Par exemple, l’enveloppe (façades, fenêtres et murs) doit compter avec des indices d’isolations extrêmement élevés. «Les façades sont actives, c’est-à-dire qu’elles se composent d’une alliance de bois et de verres permettant de capter au mieux la lumière et de créer, entre la lamelle de bois et le verre, un effet de serre», explique le responsable commercial Alex Büchi.

Cette isolation permet d’économiser 80% de l’énergie de chauffage et de diviser ainsi par trois la puissance des installations techniques nécessaires à l’exploitation du bâtiment. Pour le chauffage, une pompe à chaleur avec sonde géothermique ou éventuellement une chaudière à bois sont nécessaires, deux solutions qui ne consomment que des énergies renouvelables. La production d’énergie passe par l’intégration en façade ou en toiture d’une installation photovoltaïque produisant entre 9’000 et 10’000 KW par an. Pour rappel, une famille de quatre à cinq personnes consomme au maximum 5’000 KW par année.

En ce qui concerne les coûts d’une telle bâtisse, les concepteurs avancent qu’ils n’excèdent pas 10% de plus-value par rapport à un édifice classique. En outre, la forte diminution des charges d’exploitation, voire la vente du courant produit, doit permettre d’amortir les surcoûts en moins de sept ans. Les prix de vente sont compris entre 850’000 et 1,1 million de francs pour des surfaces habitables de 120 m2 à 146 m2.

2. Des appartements modulables au gré des envies

L’habitat flexible se développe en Suisse romande. Le concept? Dans un immeuble de logement, certaines pièces dont les locataires ne se servent pas de manière quotidienne, comme la chambre d’amis ou le bureau, sont partagées entre différents appartements.

«Beaucoup de ces projets émanent de coopératives, toujours plus actives du côté romand dans le sillage de la Suisse alémanique», relève Bruno Marchand, professeur de théorie de l’architecture à l’EPFL. Par exemple, les projets de la coopérative romande Codha comportent tous des espaces mutualisés. «Il s’agit au minimum d’une salle commune et d’autres locaux selon les caractéristiques, la taille et les envies des habitants», note Dario Taschetta, architecte et membre de la direction. En général, cela concerne une ou plusieurs chambres d’amis, des espaces d’accueil pour la grand-mère ou le neveu en visite, mais aussi des ateliers, des celliers ou des caves communes.

A Pra Roman, dans les hauteurs de Lausanne, un projet de l’organisation compte environs 85 appartements. Il prévoit trois salles communes de tailles différentes, trois chambres d’amis, ainsi que des potagers communs. Des «clusters», soit des grandes unités d’habitation pouvant se décliner en plusieurs appartements autour d’un espace commun, sont également prévus.

Toujours à Lausanne, dans le quartier de Chailly, un lot de 13 appartements dispose également d’une salle commune et d’une chambre d’ami. «Tous les appartements sont modulables dans le sens qu’il existe une pièce placée stratégiquement, pouvant être attribuée à l’un ou à l’autre des appartements donnant sur le même palier», résume l’architecte. Ce qui est gagné d’un côté est ainsi perdu de l’autre et vice-versa. A noter qu’un système de «clusters» est prévu dans tous les nouveaux projets de la coopérative regroupant au minimum 25 logements. C’est le cas à Pra Roman, mais aussi à Nyon ou dans le cadre d’un projet d’éco-quartier à la Jonction, à Genève.

De son côté, le bureau zurichois Galli Rudolf a récemment inauguré à Winterthour la Giesserei, un édifice «pluri-générationnel» écologique de 155 appartements entièrement construit en bois, à l’exception des escaliers et des doublures de protection contre les incendies. Haut de six étages, il a été bâti sur un ancien terrain de l’entreprise Sulzer. Le bâtiment compte 43 différents types de logements. Un système modulable permet de varier les tailles en passant d’appartements comptant une chambre à coucher, à des appartements en comptant jusqu’à huit ou dix.

3. Vivre dans une maison de poche

Bien que la surface de logement par habitant augmente régulièrement, notamment en Suisse depuis plus d’un siècle, vivre dans une petite maison séduit de plus en plus à travers le monde. Cette tendance aux habitats de poche est très marquée en Asie, en particulier au Japon, où les parcelles sont limitées et les prix du terrain élevés, ce qui oblige les architectes à réaliser des efforts d’intégration de tous les espaces de vie sur des surfaces réduites.

Il semblerait cependant qu’en Suisse aussi l’on puisse assister prochainement à un retour vers des logements plus petits. Selon Bruno Marchand, après un pic atteint ces dernières années à 50 m2 de surface habitable brute par habitant, on risque d’être contraint de revenir en arrière si l’on souhaite conserver des logements abordables, en raison de la hausse constante du prix des terrains et du manque d’espace à disposition. A Zurich par exemple, la référence est aujourd’hui plus proche de 35 m2 brut. On assiste donc à un regain d’intérêt de concepts renvoyant aux fondements de l’architecture, notamment le module de base ou l’«abri primitif», inspiré du cabanon imaginé par Le Corbusier.

En Suisse, un exemple intéressant situé à proximité de la ville de Fribourg reprend cette forme ancestrale en lui donnant une allure plus contemporaine. Afin de financer l’entretien d’un parc privé de 30 hectares, les architectes du bureau LVPH ont réalisé, en 2012, cinq pavillons dans la végétation en les affectant à de la location. Conçus comme des volumes abstraits en bois, les constructions occupent une surface au sol d’environ 30 m2. Chacune se développe sur quatre niveaux, sur neuf mètres de hauteur, pour un total de 85 m2 de surface habitable. Equipées de manière minimale (douche, cuisine, poêle à bois), elles peuvent servir d’habitation pour des personnes seules ou en couple, mais aussi de bureau ou d’atelier.

Le sous-sol comprend les installations sanitaires, le chauffage et les rangements. Au niveau du parc, l’entrée s’ouvre sur la cuisine. Les deux étages supérieurs – d’une seule pièce – permettent à l’occupant d’emménager l’espace disponible selon ses envies. Les fenêtres coulissent à l’intérieur, créant un rapport immédiat et «intense» avec la végétation environnante. Les concepteurs souhaitaient créer des «séquences spatiales fortes» avec un minimum de moyens. Le projet privilégie la sensation architecturale et pose, notamment, la question du confort et de la norme dans l’habitat contemporain.

Le responsable Paul Humbert précise cependant que ce type de biens reste, pour l’heure, peu fréquent. «Il s’agit d’un marché de niche, principalement parce qu’il n’y a pas d’endroit approprié pour construire ce genre d’objet en Suisse: les terrains à bâtir sont grands et coûteux, avec souvent des règlementations contraignantes.» Reste que ce projet ouvre des pistes de réflexion intéressantes, notamment parce qu’il occupe de lieux proches de la nature qui restaient jusqu’alors inoccupés.

A noter que le logement minimal a fait l’objet de nombreuses expérimentations dans les années 1920 et 1930 en Europe, du fait de la recherche d’habitats économiques et sociaux, parallèlement à l’industrialisation dans le domaine de la construction. «Le Corbusier et Charlotte Perriand ont beaucoup exploré le thème de la rationalisation des cuisines, en cherchant à les rendre plus ergonomiques, plus compactes et donc plus petites», relève Olivier Cochard, architecte basé à Genève. Beaucoup d’autres ont travaillé sur le logement minimal dès cette époque, comme l’architecte hollandais Jacobus Johannes Pieter Oud par exemple.

4. Construire en sous-sol pour densifier la ville

Construit dans une gigantesque fosse par le groupe Shimao Property, un hôtel de luxe de 380 chambres ouvrira prochainement à Shanghai. Sa particularité: plusieurs de ses étages, ainsi qu’un restaurant, se trouveront en sous-sol. A Mexico, le projet Earthscraper envisage 65 étages sous terre. A New York, un parc souterrain en plein centre-ville devrait être finalisé en 2018: un système utilisant la fibre optique y apportera une lumière «naturelle» permettant la photosynthèse. Au-delà du marketing et de l’appel à des «expériences uniques» en vogue dans l’hôtellerie de luxe, peut-on imaginer qu’après la course à la tour la plus haute, le prochain défi des promoteurs sera celui des «groundscrapers»?

A l’EPFL, le projet Deep City développe un outil d’aide à la décision territoriale permettant à une ville ou à une agglomération de prendre en compte l’utilisation de ses ressources souterraines (eau, géothermie, géo-matériaux et espace) lors de l’élaboration des plans ou des projets d’aménagement de son territoire. «En d’autres termes, il s’agit d’aider à identifier les secteurs de la ville les plus propices au développement souterrain du point de vue technique, économique et socio-spatial», relèvent les responsables Philippe Thalmann et Michael Doyle.

Il est cependant peu réaliste de chercher à enterrer des surfaces d’habitation: en Suisse, un tel logement souterrain serait même illégal. «Le type d’affectation que nous souhaitons enfouir en priorité dans le sous-sol urbain sont des activités commerciales ou culturelles, telles que les centres-commerciaux et les cinémas multiplexes, pour lesquelles on construit encore beaucoup trop souvent d’immenses cubes borgnes en périphérie.» Les parkings urbains sont évidemment aussi des candidats de premier plan pour l’enfouissement.

L’hypothèse de Deep City est la suivante: la densification et la consolidation du tissu urbain par un développement ne se limitant pas à une construction en hauteur permettront à des villes, qu’elles soient en forte ou faible croissance démographique, de devenir des villes compactes à l’échelle du piéton. Le projet ne cherche pas à promouvoir en sous-sol les erreurs commises par le passé en hauteur, c’est-à-dire des zones monofonctionnelles ne supportant pas la variété d’activités qui font l’urbanité d’une ville.

Dans ce contexte, la course aujourd’hui dans ce domaine ne devrait pas être à celui qui construira le plus profondément, «mais à celui qui réussira le mieux à maîtriser les ambiances physiques en sous-sol et à créer une expérience architecturale ou urbaine qui surprendra par son originalité et sa qualité», concluent les deux chercheurs.
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo.