KAPITAL

Le boom romand du Baby Business

Des vêtements aux jouets en passant par l’alimentation, l’univers de bébé est un créneau porteur pour les entreprises locales. Exemples.

Poussette, berceau, bodys et pyjamas, couches et lingettes plus ou moins écologiques, jouets d’éveil: les parents cherchent les meilleurs produits pour accueillir leur bébé et l’accompagner tout au long de sa croissance. Avec une moyenne d’âge proche de la trentaine, les parents d’un premier enfant ont un pouvoir d’achat de plus en plus élevé. Résultat, le marché de la puériculture se porte bien. Les foires spécialisées, à l’image du Baby & Kid Planet qui a lieu en octobre à Lausanne, attirent des milliers de curieux.

«Il y a une recrudescence de salons liés à la petite enfance depuis trois ans, totalisant sept en Suisse. Et plus de 60% des visiteurs achètent quelque chose. Beaucoup de petites entreprises romandes viennent donc présenter leurs produits ou leurs prestations», observe Eva Gallaz, directrice de Baby & Kid Planet. Parmi elles, des mampreneurs de la région qui rivalisent d’ingéniosité pour lancer des produits novateurs, naturels et pratiques en phase avec l’air du temps.

La société «Happy Baby» figure parmi les bons exemples. Avec huit succursales en Suisse romande, et une soixantaine d’employés, elle propose des centaines d’articles pour bébé. Certains ont même été testés par le directeur de cette affaire familiale lancée en 1992. Alors jeune papa, Benoît Clerc rachète la boutique Baby-Rose à Villeneuve et transforme cette dernière en filiale Happy Baby, une franchise européenne qui comprend 500 magasins et une centrale d’achat. En parallèle, il développe sa propre marque d’articles de décoration et mobilier pour enfant, Kidapy. Les idées naissent au sein de l’équipe, puis sont concrétisées en Chine.

Nouvelles habitudes d’achat

«Happy Baby réalise 13,5 millions de francs de chiffre d’affaires annuel sur l’ensemble des magasins suisses. De bons résultats, sachant qu’en Suisse romande, on compte 25’000 naissances par an, ce qui n’est qu’un tiers du total suisse, et qu’il y a deux chaînes concurrentes sur le territoire», note le directeur. Selon lui, le secteur n’est pas près de s’essouffler: «C’est un marché intéressant pour les entreprises locales car les grandes chaînes ne s’intéressent pas à ces produits.» De plus, les habitudes d’achat des parents ont évolué. «a l’époque, ils achetaient l’essentiel, à savoir le mobilier de la chambre et une poussette. Désormais, la décoration, le plaisir et le confort ont tout autant d’importance», poursuit Benoît Clerc.

Pour l’instant, le patron ne prévoit pas d’expansion en Suisse alémanique, mais envisage d’ouvrir une nouvelle succursale sur La Côte en 2015 ainsi que le développement d’une boutique en ligne, et prévoit de rénover les boutiques existantes.

Sur les rayons des magasins Happy Baby, on trouve un étonnant réveil matin, muni d’un écran illuminé qui affiche un petit lapin endormi quand il fait nuit. Puis, à l’heure programmée par les parents, le petit lapin réveillé indique à l’enfant qu’il peut désormais se lever. Ce réveil sympa a été imaginé il y a onze ans par Vincent Claessens, auparavant directeur commercial, qui a tiré profit de son expérience de père de six enfants pour lancer la société Claessens’Kids, basée à Aubonne. La fabrication est assurée en Chine. Les stocks sont ensuite livrés en Suisse puis à travers des distributeurs implantés dans chaque pays.

La société, qui ne compte que deux salariés, a connu une croissance spectaculaire. Sur la base d’un capital personnel de 20’000 francs, puis du soutien de Genilem qui a abouti au prêt bancaire, Vincent Claessens a pu écouler ses premières pièces. «C’est moins impressionnant de dire que l’on a deux employés plutôt que 20, et il faut payer plus cher chaque étape du processus. Seulement, je ne travaille qu’avec des spécialistes qui fonctionnent comme des entrepreneurs et fournissent d’excellentes prestations.» Depuis sa création en 2003, Claessens’Kids a écoulé plusieurs centaines de milliers de pièces en Europe et aux Etats-Unis.

La petite entreprise qui a breveté tous ses systèmes n’est pas pour autant à l’abri d’une concurrence internationale. «J’étais vraiment le premier dans cette niche puisque le concept était inexistant. Aujourd’hui, d’autres s’en sont inspirés et nous devons partager le marché», souligne le directeur.

Tétine haut de gamme

C’est également en devenant parent que Katherine Gubbins, auparavant prof de yoga, a eu l’idée de créer sa propre production de compotes de fruits bio, sans sucre, sans gluten ni agents conservateurs. Fondée à Eysins en 2011, la société Goodness Gracious Foods fait fabriquer ses recettes de purées dans des usines en Ecosse et au Pays de galles. La gamme qui s’est enrichie depuis de purées de légumes, viandes et céréales est écoulée en Suisse, notamment chez Manor et LeShop.ch, ainsi que dans différents magasins diététiques en France, au Royaume-Uni et en Asie.

«Nous venons de clôturer le bilan de la troisième année avec des ventes en hausse de 83%. Tout l’enjeu réside dans le fait de trouver des recettes attractives pour des pays aux goûts très différents», relève Katherine Gubbins, seule au sein de la société, qui mise surtout sur les réseaux sociaux pour faire connaître la marque, faute de budget marketing conséquent.

Sélectionnée par Genilem au mois de juin, la start-up vaudoise Swisslol s’apprête, quant à elle, à commercialiser des sucettes pour bébé totalement novatrices: grâce à un design unique, elles éviteraient la déformation des arcades dentaires. «a l’heure actuelle, au moins 50% des besoins d’orthodontie sont causés par les tétines», constate Michel Lacroix, médecin dentiste spécialisé en orthodontie pédiatrique à Renens, à l’origine du projet. Pour comprendre, il faut savoir que les lolettes classiques ont un élément central à sucer qui perturbe le contact entre les lèvres, celui des gencives et des dents entre elles ainsi que celui de la langue contre le palais.

La téterelle brevetée par le spécialiste comprend deux éléments fins à chaque extrémité. Ce faisant, elle respecte le développement buccal de l’enfant et la mise en place correcte des repères sensoriels fondamentaux qui assurent le bon placement des dents à venir. «Notre produit va créer une rupture de marché de cet article d’usage quotidien, sachant que le concept actuel date de près de cent ans», détaille le médecin. Le projet, initié en 2011 par l’association entre Raphaël Ayer et la société Orthoglobal de Michel Lacroix, sera concrétisé ces prochains mois.

Recherche de financement

Le duo est actuellement à la recherche de près de 400’000 francs pour lancer la fabrication des premiers prototypes en Suisse. Ces derniers seront envoyés aux professionnels pour une phase test. «Notre stratégie est de lancer la commercialisation en 2015 dans les trois zones linguistiques suisses, via les grossistes de pharmacie puis un shop online. Sur les 82’000 naissances par an, la moitié des bébés reçoivent deux sucettes, le marché est donc important. Puis nous viserons la France, l’Allemagne et l’Italie, notamment en vendant des licences aux grands groupes», révèle le cofondateur de la start-up qui emploie pour l’instant quatre personnes.

Au prix d’environ 30 francs, la Swisslol vise le haut de gamme. Le design est pensé en fonction. La start-up mise sur son réseau pour accompagner le lancement de ses lolettes, notamment la société de distribution du beau-frère de Raphaël Ayer, Kairos Opti Sport à Sierre.

Des textiles nobles

Le secteur du luxe fait aussi sa place dans le baby business en Suisse romande. En vente chez Bongénie ou encore Ausoni, la gamme de cadeaux de naissance Milo & Lilirose attendrit les adeptes de textiles nobles. Le concept: une peluche atypique, mi-chien mi-lapin, avec une truffe en forme de coeur, des bras, oreilles et jambes interminables que peuvent attraper les bébés. Ce doudou tout doux est habillé de pull en coton, laine naturelle ou cashmere… Un mélange de belles matières chères à l’initiatrice de la marque genevoise. Ancienne Brand Manager, Patricia Botteron l’a créée en 2010, juste après la naissance de son premier enfant, par le biais de la société Bg Design à Genthod en engageant uniquement ses propres fonds.

«Je n’ai pas eu besoin de faire beaucoup d’études de marché pour comprendre que l’univers de la maternité et de la petite enfance était en plein boom. D’emblée, j’ai souhaité répondre à une forte demande des consommateurs avec un cadeau de naissance de très bonne qualité, que l’on garde et que l’on transmet, composé de lainages dont la coloration est naturelle», explique la créatrice qui sous-traite l’ensemble de la confection dans des ateliers en Italie. La gamme, qui comprend aussi des plaids et quelques vêtements tricotés, est distribuée dans plusieurs enseignes en Suisse, et surtout aux Etats-Unis et en Europe, avec environ 4000 pièces vendues par an sur l’ensemble des marchés.

«L’image suisse et les matériaux italiens sont très bien perçus, ce qui nous permet de nous distinguer sur le marché de niche des cadeaux de naissance de luxe à l’étranger», conclut la directrice qui a fait appel à l’OSEC, le centre de compétence de la promotion du commerce extérieur suisse, pour l’expansion commerciale. Actuellement, elle travaille avec un agent ou un distributeur par pays et compte un salarié dans sa société. Prochain défi: l’Asie. Dans le même style, la société L’asticot propose depuis 2009 des vêtements inspirés de la mode nordique aux imprimés colorés. Imaginées par la Valaisanne Christie Mutuel, ces collections pour «bébés bobos» sont confectionnées avec des textiles certifiés GOTS (Global Organic Textile Standard), un label issu d’un regroupement international d’organismes de certification biologique.

Tous les tissus et les imprimés dessinés par la créatrice sont tissés au Portugal, chez un producteur qui assure également la confection des vêtements. Après la Suisse avec une vingtaine de points de vente et un shop en ligne, les quelque 13’000 pièces par collection sont écoulées dans le reste de l’Europe, le Japon, la Corée du Sud, la Turquie.

Nouveaux marchés

«Depuis deux ans, on a doublé notre chiffre d’affaires et atteint une taille critique avec 80 points de vente dans le monde. Pour développer la société qui compte actuellement 4 personnes, on a besoin d’engager du personnel capable de développer la vente en Suisse et prospecter de nouveaux marchés», complète Inga Aellen, co-associée depuis janvier 2012, qui gère en parallèle la boutique en ligne pour enfants Boutikids.ch. La première boutique en nom propre de la marque vient par ailleurs d’ouvrir à Genève.
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.