KAPITAL

Les fortunes diverses des bains thermaux romands

De plus en plus d’acteurs profitent de la croissance du secteur du bien-être en se lançant dans la création de centres aquatiques. Ça ne marche pas toujours.

Ces dernières années, les bains thermaux et autres centres aquatiques fleurissent dans les stations de ski: après les Portes du Soleil, la station valaisanne d’Anzère a ouvert le sien et Crans-Montana devrait prochainement étoffer la liste. L’objectif? Proposer une offre complémentaire au ski en hiver, et une activité alternative le reste de l’année, notamment les jours de mauvais temps. Un choix qui implique des investissements constants dans une conjoncture pas toujours idéale.

Ouvert en 2012, Anzère Spa & Wellness a récemment annoncé le remplacement d’une partie de son conseil d’administration, ainsi que de son directeur. Ce changement coïncide avec un repositionnement du centre. «Nous regroupons nos forces afin de mieux cibler et informer notre clientèle, que nous souhaitons familiale, explique la responsable Aurelly Boyer. Souvent, les stations visent une clientèle de luxe. Notre offre se veut différente et ouverte à tous. En d’autres termes, intimiste sans être élitiste.» Lors de la première année d’exploitation, le chiffre d’affaires a dépassé le million de francs avec 42’000 entrées au total. En 2013, le nombre d’entrées à légèrement reculé à 40’000. La structure compte une quinzaine d’employés en basse saison et une trentaine en hiver, dont une partie à temps partiel.

Du côté de Crans-Montana, le projet Aquamust a obtenu un permis de construire sur un site de la commune de Randogne (VS) et se trouve actuellement à la recherche de financement. Pour sa part, la station de Grimentz (VS), dans le val d’Anniviers, compte depuis la fin des années 1990 un projet incluant des bains, un hôtel, quelques chalets et une galerie marchande. Cependant, faute d’investisseurs et suite à de nombreuses oppositions, celui-ci n’a pu se réaliser à ce jour.

«Il est certain que ces bains seraient un atout fantastique pour notre station, surtout l’hiver», note pourtant Chantal Epiney, chez Anniviers Tourisme. Situé à Val-d’Illiez, au coeur du domaine skiable des Portes du Soleil, Thermes Parc a lancé ses activités actuelles en octobre 2010. Ce centre comprend différents services de bien-être mais aussi quatre résidences avec une centaine d’appartements destinés à la vente et à la location. «Le monde du bien-être est en pleine croissance, se réjouit la directrice générale Véronique Biguet. Ce qui n’était au départ qu’un phénomène de mode est devenu au fil des ans une nécessité. La consommation du ski a changé. Auparavant, les clients skiaient toute la journée et tous les jours. C’était la raison et le but de ce choix de vacances. Aujourd’hui, le ski reste l’activité principale, mais la clientèle recherche des stations ou des hébergements avec plus de prestations annexes, en particulier le spa.»

La responsable observe que, dans son établissement, la part de marché des soins et massages augmente de manière significative: les bains thermaux ne suffisent plus, les clients ayant toujours plus besoin de lâcher prise. Le centre, qui emploie jusqu’à 35 personnes en haute saison, a vu son nombre d’entrées passer de 130’000 il y a deux ans à plus de 150’000 l’année dernière (et 170’000 prévues cette année). Le tout pour un chiffre d’affaires passé de 2,7 millions de francs en 2012 à 3 millions en 2013 (3,3 millions prévus cette année).

En plaine aussi

Situés à quelques minutes de la sortie d’autoroute, au milieu des vignes, les bains de Saillon ont enregistré ces dernières années une moyenne de 470’000 entrées par année, avec une légère progression de 5% en 2014. L’hôtel, qui compte 70 chambres, affiche pour sa part un taux d’occupation de 65%. «Notre offre s’adresse à tous», relève le directeur Jean-Michel Rupp. De fait, le public visé est aussi bien constitué de familles pendant les week-ends ou les vacances, que d’hommes d’affaires en séminaire le soir (le centre propose une offre «after work») ou de retraités en automne. Un positionnement qui permet à l’établissement, dont le nombre de collaborateurs devrait passer de 160 à 220 d’ici à 18 mois, de construire actuellement un nouvel hôtel avec six restaurants à thème.

Les bains thermaux ne se développent pas que dans les stations de ski. Le centre thermal d’Yverdon-les-Bains, qui emploie 150 personnes pour un équivalent de 82 plein-temps, se positionne pour sa part comme un spa urbain. Situés en centreville, nous fonctionnons en priorité avec la clientèle locale: celle des cantons voisins de Neuchâtel, Fribourg et Genève, ainsi que celle du Juras français», souligne la responsable d’exploitation Mary-Claude Gasser.

Plus que de la concurrence avec les autres établissements romands, le centre, construit en 1977, souffre de la vétusté de ses infrastructures. Les dernières transformations datent de plus d’une dizaine d’années. La direction confirme enregistrer une baisse substantielle du nombre d’entrées depuis sept ans, en partie compensée par la fréquentation d’un nouvel espace détente, ouvert en 2002. L’année dernière, le centre a comptabilisé environ 242’000 entrées (hors abonnement et séances de physiothérapie). Détenu à majorité par la commune vaudoise, il recherche actuellement un repreneur.

Exploités par le canton de Vaud depuis les années 1970 et repris en 1999 par le groupe français Eurothermes, les bains de Lavey ont vu, pour leur part, leur nombre d’entrées passer de 80’000 il y a une quinzaine d’années à près de 500’000 aujourd’hui. La directrice générale Silvana Tomasino explique cette forte hausse en raison notamment des sommes investies, soit près de 30 millions de francs durant cette période. Alors que de nombreux petits centres de montagne disposent d’une clientèle plus réduite et ponctuelle, les bains de Lavey peuvent capter aussi bien des clients citadins (le centre est à cheval sur les cantons de Vaud et du Valais) que des personnes rentrant en ville après le ski. En termes de positionnement, le centre, qui emploie 200 personnes pour 155 postes fixes, vise plus particulièrement une clientèle adulte, avec une capacité d’accueil de près de 3500 entrées par jour.

Trouver sa place

Pour Suisse Tourisme, il est indéniable que l’ouverture d’un centre de bien-être aquatique — tous n’étant pas alimentés par une source thermale — est aujourd’hui un avantage de taille pour les destinations de montagne. Encore faut-il que celles-ci aient suffisamment de potentiel, grâce au volume de leur clientèle et à celui des destinations voisines, pour développer cette activité.

Comme le démontrent les exemples cités, chaque situation est particulière. «Les bains thermaux comme Lavey ou Saillon ont une longue histoire dans le domaine des soins médicaux aquatiques, rappelle la porte-parole de Suisse Tourisme Véronique Kanel. Une partie de leur clientèle vient uniquement pour recevoir ce type de soins. Au fil du temps, ils ont élargi leur champ d’action aux prestations de bien-être non médical, profitant d’une demande en hausse.»

Géré par un réseau de centres thermaux français facilitant son rayonnement international et le transfert d’expertise au sein du réseau, Lavey semble bien armé pour le futur. «De la même manière, ajoute Véronique Kanel, chaque nouveau venu dans le domaine des centres thermaux, offrant ou non des prestations médicales, devra trouver le temps de se constituer une clientèle en créant notamment des collaborations avec d’autres prestataires touristiques, par exemple des hôtels ou des remontées mécaniques, pour se faire connaître et fidéliser ses visiteurs.»
_______

Une version de cet article est parue dans PME Magazine.