KAPITAL

L’Occident relocalise

A l’image d’Apple, certaines firmes américaines et européennes rapatrient leur production dans leur pays d’origine ou des Etats voisins. Une tendance qui concerne d’abord les segments high-tech.

De nombreuses compagnies occidentales opèrent un rapatriement de leur production. En la matière, l’exemple d’Apple est l’un des plus emblématiques. En novembre dernier, la firme de Cupertino, qui assemble actuellement ses produits en Chine, a annoncé qu’elle allait ouvrir une nouvelle usine à l’est de Phoenix, dans l’Arizona, pour fabriquer les écrans des iPhone. Quelque 700 emplois seront créés.

A l’image d’Apple, plusieurs sociétés nord-américaines ont décidé de replier une partie de leur production vers les Etats-Unis, voire vers le Mexique. C’est le cas de Ford, DuPont ou encore Intel. Elles ont été louées pour cela par Barack Obama, qui a lancé un appel
à la relocalisation et au «Made in USA», à travers le mot d’ordre «bring our jobs home».

De leur côté, certaines entreprises du Vieux Continent ont décidé de revenir vers l’Europe de l’Est, ou dans leur propre pays. Au Royaume-Uni, par exemple, des fabricants de vêtements comme Topshop ou Marks & Spencer ont relocalisé au pays une partie de leur production. Le producteur de skis français Rossignol a quant à lui transféré son usine de Taïwan vers l’Hexagone.

Cette tendance a été baptisée «nearshoring», par opposition à l’«offshoring» longtemps considéré comme la panacée par les multinationales. Selon une étude du consultant AlixPartners, l’objectif prioritaire des entreprises qui initient un processus de «nearshoring» consiste à réduire les frais logistiques et le coût du fret, tout en accélérant l’acheminement des produits vers les consommateurs occidentaux.

La pression publique ou les taxes carbone incitent aussi les marques à être plus attentives à l’impact environnemental qu’impliquent des transports de production effectués depuis l’autre bout de la planète. De plus, les entreprises peuvent ainsi faire valoir leur «patriotisme» économique en relocalisant leur production et des emplois en période de ralentissement de la croissance.

Mais ce revirement stratégique a aussi des raisons sécuritaires: «Ces sociétés se rendent surtout compte de la grande fragilité d’une chaîne logistique très fragmentée et globale: des problèmes rencontrés par un seul sous-traitant peuvent interrompre toute la production», explique Carlos Cordon de l’IMD. Certaines usines automobiles européennes ont ainsi dû s’arrêter suite au tsunami au Japon. Ce fut notamment le cas de General Motors à Saragosse (Espagne), qui ne disposait tout simplement plus de pièces détachées.

Le fait que les coûts du travail sur la planète tendent à s’uniformiser constitue un ultime argument de poids en faveur du nearshoring, comme l’expliquait récemment l’expert en logistique Shanton Wilcox au magazine «Fleet Owner»: «Le Mexique est aujourd’hui
le deuxième plus gros exportateur de voitures du monde, car le coût du travail s’égalise entre l’Asie, le Mexique ou l’Amérique du Sud.» Wilcox pronostique une accélération du phénomène du «nearshoring» dans les cinq prochaines années.

Le consultant Richard Armstrong, directeur du cabinet Armstrong & Associates, relativise toutefois l’impact du phénomène sur le marché du transport de marchandises: «Cette situation concerne surtout les produits high-tech et les lignes de production fortement robotisées. Les biens dont la confection requiert une main-d’œuvre abondante, soit l’immense majorité des produits en termes de volumes transportés, resteront fabriqués en Asie.»

Selon lui, le nearshoring va affecter en premier lieu le fret aérien, car il s’agit du moyen de transport le plus utilisé pour les acheminements de matériaux et composants qualitatifs. Et risque donc de fragiliser la relance d’une industrie qui tente de se remettre de la crise économique mondiale. En 2013, la croissance du secteur du fret aérien n’a été que de 1,4%.
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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine (no 3 / 2014).