Une éducatrice neuchâteloise propose des consultations pour soigner les comportements déviants des animaux domestiques. Portrait.
Pepsi, le jeune border collie de la famille Chapatte, à Genève, refusait qu’on touche son pelage autrement qu’à mains nues. «Quand je voulais le sécher avec un torchon, il se mettait à grogner, puis à m’attaquer, en me mordant», raconte Valérie Chapatte. Un comportement agressif qui désemparait cette mère de famille de 40 ans. Pour retrouver un équilibre avec son chien, elle a fait appel à Isabelle Charlet, une éducatrice spécialisée en comportement canin à Neuchâtel.
Celle-ci lui a demandé de remplir un questionnaire détaillé sur ses rapports avec l’animal puis a observé l’attitude de Pepsi. «Comme il lui semblait intelligent, mais craintif, elle a proposé la méthode du clicker», témoigne la Genevoise. La technique consiste à produire un son en appuyant sur un boîtier et à récompenser l’animal d’une friandise à chaque fois qu’il adopte le comportement souhaité. Au fil de ces exercices d’association entre comportements vertueux et petites gratifications, Valérie Chapatte est parvenue à rapprocher le tissu tant honni de son chien, puis, après un mois, à le sécher sans crainte de morsure. «Je l’ai fait progresser plus rapidement en ajoutant une dose de jeu à l’exercice et en transformant ce moment de séchage en un véritable rituel.»
Problèmes de socialisation, syndromes d’abandon, manque de propreté, phobies: Isabelle Charlet est sollicitée dans des cas très divers. Elle reçoit parfois des propriétaires à bout de nerfs. «Certains sont obligés d’organiser entièrement leur vie en fonction de l’animal et de ses problèmes», note-t-elle. Ainsi, des maîtres annulent leurs vacances car leur chien regimbe à monter en voiture, ou s’arrangent pour rester constamment à ses côtés de crainte que, laissé seul à la maison, le gentil toutou réduise l’appartement en confettis ou hurle à la mort d’anxiété. Le meilleur ami de l’homme peut alors se transformer en véritable poison.
Il n’est cependant pas toujours responsable de ces méfaits, car si l’éventail des problèmes canins apparaît aussi large que celui de nos névroses, c’est qu’ils en sont parfois le miroir. «En cas de difficulté à gérer la solitude, je remarque souvent des problèmes d’hyper-attachement avec le maître. Certaines personnes développent des relations fusionnelles avec leur animal; elles le prennent sur leurs genoux pour regarder la télévision, dorment avec lui, l’emmènent partout… J’essaie alors de rendre l’animal plus autonome, de remettre de la distance, d’établir un lien basé sur la qualité plutôt que sur la quantité», explique l’éducatrice canine.
La première étape consiste à tracer le profil du duo. Cette enquête préliminaire permet par exemple à l’éducatrice de découvrir qu’un chien se soulage à l’intérieur parce qu’il ne sort pas suffisamment, ou qu’il saccage l’appartement parce qu’il ne bénéficie pas des cinq heures d’activités quotidiennes nécessaires à son hygiène de vie. Pour traiter les phobies, elle cherche à associer les causes des peurs à des éléments positifs. Selon le degré d’angoisse, la résolution du problème peut exiger plusieurs séances avec l’éducatrice et beaucoup de patience à domicile. «Les gens se découragent parfois très vite. Un chien qui craint les voitures peut déjà camper sur ses pattes arrière à dix mètres du véhicule. Grimper directement dans la voiture, c’est parfois un peu hâtif. Il faut y aller par paliers, faire de la voiture un espace de jeu, ou donner un os au chien pour la route.»
Isabelle Charlet est l’une des rares éducatrices comportementalistes de la région car cette profession est récente. Elle a d’ailleurs dû s’exiler sur le continent nord-américain pour apprendre son métier. «J’ai passé six ans aux Etats-Unis et au Canada, où j’ai suivi trois formations, l’une en zoothérapie tout d’abord, qui consiste à soigner les humains grâce à la présence d’animaux, avant d’en venir aux comportements canins puis aux comportements animaliers en général», explique-t-elle.
La jeune femme propose ainsi des consultations pour toute espèce animale. «Les demandes concernent essentiellement les chiens, mais il m’arrive, par exemple, d’être sollicitée pour un chat d’appartement qui manque de propreté.»
Une séance de base coûte 80 francs. Selon la nature des problèmes, leur résolution peut engendrer des frais de l’ordre de plusieurs centaines de francs. Pas psychiatre, et donc pas habilitée à prescrire des médicaments, l’éducatrice travaille quelquefois en duo avec un vétérinaire pour les cas les plus graves. Car, oui, nos animaux peuvent aussi souffrir de psychoses.
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo.