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La canicule et les deux commandants

Chefs des polices jurassienne et valaisanne, Olivier Guéniat et Christian Varone n’ont pas leur pareil lorsqu’il s’agit de faire parler d’eux. Mais quand les flics font l’actu, le coup de chaud est assuré.

Si la police n’existait pas, il faudrait sans doute l’inventer. Ses commandants tout au moins. Voyez Olivier Guéniat dans le Jura, voyez Christian Varone en Valais. Ces types n’ont pas leur pareil pour faire parler d’eux, et apparaître en pleine lumière. Surtout quand tout le monde ne songe qu’à une chose: trouver de l’ombre.

Des cantons dit périphériques, le Jura et le Valais, mais avec des commandants de police donc qui occupent le milieu la scène. Surtout lorsque la scène est vide.

L’un, Guéniat, en pleine canicule, donne dans la presse dominicale l’interview que l’on sait, assortie d’une proposition relativement banale — le contrôle ADN pour les requérants. Proposition relatée le jour même par les radios et télévisions, et le lendemain par les autres journaux, la plupart en une, et qualifiant la suggestion du commandant jurassien de «bombe», ou de «choc». Alors qu’elle trahit bien plus sûrement ce qu’on savait déjà: que les médias le dimanche travaillent en effectifs plutôt réduits. Avec le risque de vite voir des tabous tomber à tous les coins de rue et le psittacisme tenir lieu d’enquête.

L’autre, Varone, au fait de sa popularité il y a encore peu, en chevalier blanc de la route et en Saint-Georges supposé l’an prochain terrasser le dragon Freysinger aux portes du Conseil d’état valaisan, n’arrive plus à se dépêtrer de son déjà légendaire cailloux turc. Qui ressemble de moins en en moins, les jours passant et le thermomètre grimpant, à un caillou et de plus en plus à une authentique pièce archéologique.

Personne heureusement n’a eu le mauvais goût de poser la question suivante: les autorités turques ont elle appliqué au commandant Varone — délinquant étranger sur sol turc — le traitement que propose le commandement Guéniat pour les délinquants maghrébins sur sol suisse: le prélèvement ADN?

Revenons à la bombe Guéniat. La preuve qu’elle n’en n’était pas vraiment une, c’est que les représentants de la gauche, censés pousser les cris d’orfraie habituels dès qu’il s’agit des requérants et face à toute proposition visant à sortir de l’intenable chaos actuel, se sont montrés plutôt modérés dans leur accueil. Christian Levrat, le président du PS, affirme qu’on «ne peut pas tolérer la dégradation actuelle». Qu’il faut «prendre des mesures réfléchies et proportionnelles». Qu’il a «beaucoup d’estime pour Olivier Guéniat» et aimerait «comprendre la logique de sa proposition avant de la soutenir ou de la condamner».

Le rejet, curieusement, est plutôt venu des fonctionnaires fédéraux. L’adjoint au préposé fédéral à la protection des données, Jean-Philippe Walter, ne voit par exemple que des inconvénients à ces prélèvements ADN. Qui seraient «totalement disproportionnés», «discriminatoires» — puisque «c’est toute une population qui est stigmatisée» — et engendreraient enfin des «coûts importants». Des inconvénients auxquels il semble que le commandant Guéniat, réputé pourtant pour son pragmatisme, n’ait pas songé. La canicule sans doute.

Une canicule qui n’épargne pas non plus le Valais, avec en sus cette affaire Varone qui ne cesse de faire monter la température sous les crânes. Certes le malicieux Peter Bodenmann a bien fait remarquer, pour rafraîchir l’atmosphère, que disposer, comme le Valais dès lors, d’un commandant de police ayant eu une expérience même brève mais très concrète de la prison, cela n’avait pas de prix. Rien n’y fait. La seule question qui vaille est de savoir si le 6 septembre, date où les radicaux désigneront leur champion pour le Conseil d’Etat, le caillou turc fera trébucher ou non le favori Varone.

On conclura avec une saillie visant le commandant Guéniat et ses velléités de fichage ADN, mais par laquelle le commandant Varone et ses ambitions politiques pourraient aussi se sentir visés, et due au théologien Nicolas Friedli, cité par le Temps: «Quand on sait qu’Olivier Guéniat n’est pas spécialement un facho… Il faut vraiment éviter les flics au pouvoir.» D’une pierre, en somme, deux coups.