LATITUDES

Gènes de la vie conjugale

Les êtres humains sont inégaux face aux émotions. En étudiant des couples en crise, un psychologue fribourgeois a démasqué des gènes responsables.

Couple légendaire connu autant pour son charisme que pour ses querelles, Elizabeth Taylor et Richard Burton avaient-ils des gènes 5-HTT à longs allèles? Les réactions émotionnelles des partenaires d’un couple dépendent de leur bagage génétique respectif, selon une récente étude menée par le psychologue de l’Université de Fribourg, Dominik Schöbi, avec des collègues de UCLA et de la Ohio State University, parue dans le journal «Emotion» en avril 2012.

Tout serait lié à la sérotonine, une hormone qui influence notablement l’humeur. Ce neurotransmetteur est transporté par une protéine encodée par le gène 5-HTT, qui possède deux variantes génétiques (deux allèles): une longue et une courte. Comme chaque paire de chromosomes vient de la mère et du père, on retrouve trois génotypes possibles: long-long, court-court et long-court.

En comparant la typologie génétique de 76 couples américains avec la description de leurs états émotionnels avant et après des discussions conjugales, les chercheurs ont déterminé une corrélation entre empathie et allèles courts. «Les personnes présentant des variantes courtes du gène 5-HTT se montrent plus facilement à l’écoute des sentiments positifs de leur compagnon, explique Dominik Schöbi. Celles qui possèdent une variante longue manifestent par contre un certain aveuglement face aux sentiments de leur partenaire.» Plus actif, l’allèle long aurait tendance à nous priver d’empathie en excitant davantage les cellules nerveuses productrices de sérotonine, avec pour conséquence une tension accrue.

Gènes et société

Mais les réactions émotionnelles ne dépendent bien entendu pas seulement de la génétique. Des travaux d’Inmaculada Valor Segura de l’Université de Grenade avaient montré en avril 2011 que lors des conflits conjugaux, les femmes ressentent les émotions plus intensément que les hommes, et que ces derniers expriment généralement davantage les émotions puissantes telles que la furie et le mépris. Pour le chercheur espagnol, ces résultats montrent l’importance jouée par les rôles génériques attribués aux hommes et aux femmes par la société. Lors d’une scène de ménage, les hommes se comportent comme on les a programmés – en étant dominants et méprisants – alors que les femmes ont tendance à entrer dans une attitude soumise, comme les y invitent de nombreux préjugés socioculturels.

Le comportement humain est difficilement réductible à un seul facteur. Comme l’expliquait la neurobiologiste américaine Lise Eliot dans son récent livre «Cerveau rose, cerveau bleu. Les neurones ont-ils un sexe?», nos cerveaux possèdent une base biologique malléable qui s’adapte au fil de l’éducation et des modèles présentés.

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Une version de cet article est parue dans le magazine Reflex.