LATITUDES

Quand l’entrée en institution améliore la qualité de fin de vie

La vie en établissement médico-social procure davantage de sérénité aux personnes âgées. C’est ce qu’indique une étude récente.

Au départ, l’entrée en établissement médico-social (EMS) ne ressemble pas à un moment de décompression. Ce serait même plutôt le contraire! «Cette arrivée correspond à une rupture dans l’existence de la personne âgée et entraîne donc un stress important», explique Stefano Cavalli, docteur en sociologie et maître assistant au Centre interfacultaire de gérontologie de l’Université de Genève. La vie communautaire, les horaires fixes chamboulent les habitudes.

Les travaux de Stefano Cavalli — qui vont prochainement être publiés sous le titre «Trajectoires de vie dans la grande vieillesse: rester chez soi ou s’installer en institution?» — montrent que ce changement entraîne une amélioration du bien-être de la personne âgée, grâce au sentiment de sécurité procuré par l’encadrement professionnel. Interrogés une année plus tard, presque la moitié des résidents évalue leur déménagement de manière positive. Ce qui laisse penser que les personnes âgées possèdent des facultés d’adaptation supérieures à celles qu’on aurait tendance à leur prêter. «On constate souvent qu’elles retrouvent le goût de soigner leur apparence, par exemple», déclare Florient Boisset, directeur du Foyer Louise Bron à Fully, en Valais.

Cela dit, l’état de santé général des résidents des EMS est en baisse depuis quelques décennies, en raison des soins à domicile qui permettent de retarder les admissions. «Le placement se fait lorsqu’il n’est plus possible de rester à la maison. Les institutions doivent donc gérer des cas de plus en plus lourds», confirme Jean-Daniel Zufferey, secrétaire général de l’association valaisanne des établissements médico-sociaux. L’espérance de vie à l’entrée est de trois à quatre ans seulement et il devient de plus en plus difficile de lutter contre l’image du «mouroir».

Significativement, plus personne ne parle de «maison de retraite». Les résidents ne sont d’ailleurs pas dupes: à leur arrivée, ils «savent très bien qu’ils entament la dernière ligne droite», dit Stefano Cavalli. «Dans certains cantons, l’admission n’est même pas possible en deçà d’un certain niveau de dépendance, du fait des listes d’attente et des conditions de subventionnement des institutions», relève Jacqueline Cramer, directrice de Pro Senectute Genève. La question de la vocation des EMS est d’autant plus cruciale, ajoute Stefano Cavalli, que les prévisions de l’Office fédéral de la statistique font état de 500’000 octogénaires en 2025, contre quelque 328’000 actuellement. Mais toutes ces personnes ne finiront pas leurs jours en institution: cela ne concerne que 12% de la population.

Par ailleurs, les recherches montrent que le vieillissement ne frappe pas tout le monde de la même façon et surtout à la même vitesse. «J’ai connu une femme d’une grande beauté qui est restée physiquement étincelante jusqu’à sa mort, malgré la maladie d’Alzheimer. A l’inverse, je me souviens d’une personne dont la santé s’est dégradée extrêmement vite», s’étonne Florient Boisset. Les scientifiques sont impuissants à expliquer ce phénomène, connu sous le nom de «vieillissement différentiel». A l’Hôpital Dahler, à Fribourg, le docteur Grégoire Schrago affirme avoir vu des septuagénaires obtenir sur tapis roulant un meilleur résultat sportif que des recrues âgées d’une vingtaine d’années. Et, en avril dernier, une femme de 92 ans a bluffé le monde entier en terminant le marathon d’Honolulu en moins de dix heures…

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Des facteurs sociaux influencent le vieillissement prématuré
Le chômage de très longue durée entraîne une perte de trois années de vie. Entre les ouvriers non qualifiés et les cadres supérieurs, l’écart est de trois ans et demi, en la défaveur des premiers. Selon le bureau d’études français Credes, le vieillissement prématuré est en partie lié à certains facteurs sociaux et peut être chiffré en années.