C’est un renversement dans la transmission des connaissances: des adolescents assurent l’éducation informatique des personnes âgées. Exemples à Genève.
Réserver un billet sur le site d’une compagnie aérienne, remplir un formulaire administratif ou accéder à ses comptes bancaires sans faire la file devant des guichets au nombre de plus en plus réduit: tels sont quelques-uns des avantages qu’offre désormais internet.
Mais cet outil incontournable est encore très méconnu des seniors qui ont vécu les trois quarts de leur existence sans se frotter à l’informatique. «Cette dématérialisation croissante des documents et opérations de la vie quotidienne pose beaucoup de problème aux aînés, d’où la nécessité d’avoir des dispositifs d’appuis», observe Yann Boggio, secrétaire général de la fondation genevoise pour l’animation socioculturelle, qui a mis en place des cours d’informatique pour les personnes âgées ces dernières années.
A Genève, plusieurs associations proposent des cours. Le point commun entre ces nombreux enseignements? Leur dimension intergénérationnelle, sachant que la plupart des spécialistes de l’informatique sont bien plus jeunes que les élèves. Cette transmission des connaissances aux plus âgés marque un tournant dans l’histoire.
«Utiliser des compétences présentes dans les populations jeunes pour aider au développement de compétences de populations du troisième âge est propre à l’usage de l’outil informatique, analyse Yann Boggio. Depuis le début de l’humanité, on a vécu l’inverse: les populations âgées transmettaient leur expérience de vie aux nouvelles générations.»
Pionnière à Genève, l’association Pré-en-Bulle attachée aux quartiers des Grottes, Cropettes et Montbrillant, a monté un projet pilote pour favoriser ce genre d’échanges transgénérationnels et mettre en avant le savoir-faire d’adolescents en rupture de formation. Deux garçons de 17 et 18 ans ont initié des femmes, âgées de 65 à 82 ans, aux bases de l’informatique pendant huit ateliers hebdomadaires.
«Apprivoiser la souris, comprendre comment déplacer le curseur, savoir ouvrir des icônes en double cliquant…Toutes ces opérations que nous faisons intuitivement ont été patiemment expliquées aux seniors souvent découragés par leur complexité», raconte, Sébastien Heiniger, animateur.
D’autres ateliers sont animés par des adultes, plus ou moins jeunes. L’Espace Zell et Cité Senior, par exemple, mettent gratuitement des ordinateurs à disposition des aînés souhaitant apprendre à naviguer sur internet. Ces derniers sont accompagnés dans leurs premiers clics par des bénévoles.
La structure «Web Senior», créée par les Unions Chrétiennes de Genève, accueille quant à elle chaque semaine plusieurs novices de la grande toile, âgés entre 55 et 80 ans. Durant quatre sessions de deux heures, ils effectuent leurs premiers pas dans un cadre convivial et à un rythme pédagogique adapté à leurs besoins.
«Les participants sont souvent paniqués et intimidés par les machines, explique Reza Arbabi, responsable administratif. On commence avec le clavier et la souris, puis on avance par étapes vers internet, le traitement de texte ou l’organisation et le traitement des photos numériques.»
La majorité souhaite parvenir à naviguer de manière autonome sur internet; les élèves tiennent bon et vont même jusqu’à s’acheter un ordinateur pour la maison. Certains souhaitent communiquer avec leur famille à l’étranger, via email ou Skype. D’autres veulent apprendre à réserver un billet de train ou d’avion, se documenter sur des sujets qui les intéressent, payer leur facture, voire trouver l’âme sœur sur des sites de rencontre…
«Les participants sont motivés par leurs proches ou leurs petits-enfants, constate Reza Arbabi. Ceux-ci se moquent souvent gentiment de leur incapacité à comprendre et se familiariser avec un outil devenu essentiel dans la société contemporaine.»