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La démocratie directe, un gadget dévoyé

Voter «à la suisse», c’est désormais voter sur pas grand-chose. La preuve par les armes à la maison, le taux de conversion, les nouveaux avions de combat ou l’élection du Conseil fédéral.

Une jeune fille abattue par son copain au fusil d’assaut, dans un paisible hameau valaisan connu jusqu’ici surtout pour abriter le carnotzet de l’ancien directeur de la Poste et ancien conseiller national Jean-Noël Rey. Il n’y aura pas pour autant de remise en question du principe de l’arme militaire à la maison puisque le peuple s’est prononcé, dit-on, il y a moins d’une année et à une majorité nette. On ne transige pas avec la force du principe démocratique, n’est-ce pas, fut-il mortifère: c’est là toute la grandeur de la démocratie directe, basta, rompez.

Crise et croissance anémique obligent, couplées à une espérance de vie qui elle ne cesse au contraire de grandir, ça y est, les retraites sont à nouveau dans le viseur sourcilleux de la Berne fédérale. Laquelle, via l’Office des assurances sociales (OFAS), fait planer, par presse dominicale et zurichoise interposée, la menace d’un abaissement — présenté comme nécessaire, inéluctable, et quasi mathématique — du taux de conversion servant à calculer les rentes du 2ème pilier. Et là, tout à coup, le fait que le peuple ait refusé en mars 2010, et à plus de 72% des voix quand même, un tel abaissement, semble soudain ne plus compter que pour beurre.

Dans le même temps, on le sait, le département militaire fédéral piaffe de jouer avec ses nouveaux avions, 22 appareils flambant neufs, présentés comme tout à fait indispensables à la sécurité du pays. Sans qu’un début de commencement de preuve soit d’ailleurs réellement apporté, hormis ce caprice nerveux répété en boucle par les huiles et les casques à nouilles: il nous les faut, on les veut, vorwärts marsch!

De quoi énerver l’insubmersible doyen des chambres, le Tournesol de la coupole, Jacques Neirynck, qui ne se contient plus dans L’Hebdo: «Par une entourloupette procédurale, cet achat somptuaire sera prudemment effectué via le budget du DFAE sur lequel le peuple n’a rien à dire: l’interroger sur la construction de minarets d’accord, sur une dépense de plusieurs milliards pas d’accord.»

Tout est dit: ces trois exemples pointent cruellement le talon d’Achille de la démocratie directe, ce fleuron que le monde entier serait censé nous envier. Une démocratie de plus en plus dévoyée, vidée de sa substance, ramenée à un simple gadget, à un gargarisme pour soirs de cantine électorale.

Une démocratie mérite-t-elle d’ailleurs encore son nom, qui ne permet plus de se prononcer que sur des sujets futiles ou fantasmés, qui ne sert plus guère que de caisse de résonance à un parti ne cessant de la vanter que pour mieux la mettre au service de ses desseins populistes. Comme un mac en somme vanterait la pure innocence de ses filles. Et quand, comme par mégarde, l’opportunité se présente de voter sur un sujet d’importance, touchant à l’intérêt général, comme le calcul des retraites, là l’autorité s’assied tranquillement sur le verdict.

Autorité elle-même soigneusement préservée de toute consultation, de toute humeur populaire. On sait bien qu’une écrasante majorité du peuple suisse souhaite par exemple le maintien d’Eveline Widmer-Schlumpf au Conseil fédéral. L’avenir de la grisonne sera pourtant confié aux sordides petits calculs des appareils partisans.

De même, dans la succession Calmy-Rey, un véritable choix est offert. Maillard ou Berset, voilà une vraie, une belle question à résoudre, tant du point de vue des personnalités et du vécu, que du style ou de la méthode. Mais là encore, c’est dans le petit tas de secrets des pas perdus que le dilemme sera tranché.

A cet égard, on pourra rêver longtemps que les partis montrent l’exemple, fassent assaut de cette démocratie directe qu’ils disent tant aimer. Et s’agacer tout aussi longtemps de laisser à un pays soi disant aussi peu directement démocratique que la France, le monopole d’une primaire socialiste.