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Stratus, brouillard et inégalité météorologique

Alors qu’une partie de la Suisse est au soleil, une autre se retrouve plongée sous une nappe de stratus. Une injustice qui échappe pour l’heure aux statistiques fédérales, mais qui engendre son lot de réfugiés climatiques.

«Les pauvres, ça fait des jours que ça dure et ils n’en sortent toujours pas!», «Vous avez raison, il faut penser à eux, nous qui sommes si privilégiés», «Ces jours, quand je téléphone à ma soeur, elle commence toujours par m’interdire de faire allusion au temps que nous avons».

Chaque année en automne, le Röstigraben cède sa place au Stratusgraben, une frontière horizontale. La Suisse est alors divisée par la présence d’une nappe de stratus. Il y a ceux qui sont au-dessous et ceux au-dessus. Une situation qui engendre une inégalité, avec ses victimes et ses privilégiés.

Combien sont-ils à vivre au-dessous? Les statistiques fédérales n’ont jamais tenté de recenser cette population privée de soleil (une question à ajouter au prochain recensement?) qui ne dispose pas de «lobbies» et que les partis politiques ignorent.

Depuis quelques semaines déjà, une situation anticyclonique crée une disparité préjudiciable au moral de bon nombre de personnes. «Ciel bleu au-dessus du stratus, grisaille au-dessous, jusqu’à dimanche au moins», les bulletins météo se succèdent, identiques. On imagine sans peine des chanceux qui se dorent sur les terrasses ensoleillées d’altitude alors que des malheureux sont en proie au spleen quelques centaines de mètres plus bas.

Petite parenthèse, stratus et brouillard sont-ils synonymes? Au bout du fil, au service de cheap cialis 60mg à Genève, un spécialiste s’étonne d’une question aussi basique pour lui. «Non, on ne peut parler sans distinction de stratus ou de brouillard. Une définition bien précise permet de savoir si l’on est dans le brouillard. Le brouillard est une suspension dans l’atmosphère de très petites gouttelettes d’eau réduisant la visibilité horizontale à moins de 1 kilomètre. Quant au stratus, c’est un nuage de grande étendue qui présente l’aspect d’un voile gris continu. En ce moment nous avons un stratus nebulosus et du brouillard de rayonnement.»

Stratus et brouillard engendrent des «réfugiés». Le week-end, les victimes de ces particules d’eau sont légion à venir faire le plein de vitamine D sur la chaîne du Jura. Au Weissenstein (SO), en plein pâturages, on verbalise à tours de bras sur les parkings devenus trop petits pour accueillir les véhicules de tant d’émigrés climatologiques. Ici, pas de pitié pour les «teints pâles» venus se réfugier dans ces lieux bénis des dieux! Au-dessous ou au-dessus du stratus, on respecte la loi…

Une étude épidémiologique nous dira peut être un jour les répercussions physiques et psychiques qu’entraînent ces mois d’automne vécus sous le stratus. Davantage de déprime, des poumons malmenés par l’inhalation d’une pollution restée piégée elle aussi sous ce couvercle nuageux? Sans compter les accidents de la route dus à la visibilité réduite dans le brouillard. Aucune lampe de luminothérapie pour lutter contre la déprime saisonnière ne remplacera les rayons du soleil.

Comment se consoler d’un si triste sort? «Sous le stratus d’automne qui nous revient, et donc ses froidures, il convient pour se réchauffer le cœur et le corps, et toutes affaires cessantes, de se procurer un bon bouquin», conseille, le critique littéraire Jean-Louis Kuffer.

Il en est un qui fait merveille. «Le roi d’Olten», d’Alex Capus. L’écrivain alémanique y consacre un chapitre au phénomène naturel pour lequel sa ville est célèbre dans le monde entier: le brouillard. «Aussi épais que la ouate, si dense que les gens ne se voient pas les mains, et que même les pigeons rentrent chez eux à pied (…) Le brouillard s’insinue dans les os, l’âme se couvre de moisissure.» Le décor est planté.

Savourons la suite: «Ah, ah! Tu viens d’Olten», nous dit-on. Terrible purée de pois, chez vous, hein? (…). Je vais l’affirmer clair et net: oui, mesdames et messieurs, à Olten, il y a du brouillard. Mais vous avouez que c’est un sujet de conversation qui manque d’intérêt ! En Egypte il y a les pyramides, et à Zurich tous les hommes portent des tangas noirs — et alors? Fourrer le nez des Oltenois dans son brouillard, c’est comme taper sur l’épaule d’un Napolitain en lui disant «Terrible, la mafia, chez vous, hein?»

Il est autrement plus difficile d’apprécier la beauté d’un épais brouillard qu’un soleil éclatant à Saint-Moritz. Alex Capus en convient et se fait une fierté d’y être parvenu. «Quant à moi, j’aime le brouillard qui flotte, blanc et magnifique, au-dessus des prairies. Il accentue l’odeur des pavés mouillés et atténue le bruit de la circulation, les jours se raccourcissent et quand entre col de manteau remonté et bonnet calé jusqu’aux yeux on reconnaît un visage ami, on fait un signe discret et on dit: «La purée de pois est épaisse, aujourd’hui, n’est-ce pas?» Puis on rentre chez soi où l’on va veiller, lire, écrire de longues lettres. Ferait-on cela si, dehors, le soleil brillait?»

Le talent d’Alex Capus nous donne envie de quitter le Jura ensoleillé pour gagner Olten et son délicieux brouillard…