LATITUDES

Razzia sur le snus

La consommation du tabac à chiquer suédois explose en Suisse, où il a été question d’en légaliser la vente. Présentation d’un produit nocif mais qui peut se consommer légalement, y compris dans les lieux publics.

Le snus s’achète emballé dans un minisachet de thé. Ou en vrac dans sa petite boîte ronde. Le consommateur le place derrière la lèvre supérieure et le garde pendant quelques minutes, ou des heures. Ce tabac humide au goût amer et salé infuse dans la bouche et transmet rapidement la nicotine dans le sang. Pas de fumée, donc pas de désagrément pour l’entourage.

La consommation de snus a été dopée par la vague internationale d’interdiction de fumer dans les lieux publics. Il est pourtant interdit à la vente — mais pas à la consommation — en Suisse et dans l’Union européenne. Parce que le snus fait partie de sa culture, la Suède a obtenu une dérogation.

Ce tabac sans fumée séduit notamment dans les milieux sportifs. Ainsi, T., hockeyeur professionnel dans une grande équipe romande, consomme des sachets de snus depuis quatre ans, un produit qu’il commande légalement sur un site internet suédois.

«Je ne sens pas d’effet particulier. Mais les jours de match, j’en consomme davantage parce que je suis excité: j’en ai besoin», explique le sportif, qui précise qu’il n’a jamais été fumeur. Dans son équipe, la moitié des joueurs, initiés par des collègues scandinaves, en consomment.

Ces dernières années, les douanes suisses ont observé une hausse régulière des volumes importés, passant d’une tonne en 2006 à plus de 12 tonnes en 2010. Aux Etats-Unis, le snus est commercialisé par des grandes marques, telles que Camel et, depuis quelques mois, Marlboro.

Les sachets de snus ont fait parler d’eux à Berne. En septembre 2009, le conseiller national Christian Wasserfallen (PLR/ BE) souhaitait ouvrir le débat sur l’autorisation à la vente. L’exécutif a préféré l’interdire. Un sachet contient jusqu’à deux fois plus de nicotine qu’une cigarette, donc davantage de risque de dépendance.

Depuis, le député radical a retourné sa veste. «Je pensais que le snus pouvait devenir un produit de substitution à la cigarette, explique Christian Wasserfallen. Mais étant donné la légère et continue diminution de fumeurs en Suisse, je me dis que notre population n’en a pas besoin.»

«Cela reste un produit cancérigène», rappelle Jean-Charles Rielle du Cipret, le Centre de prévention contre le tabagisme. Le médecin craint aussi que le tabac nordique séduise les jeunes. «Ce produit est à la mode dans cette tranche d’âge en Suède et en Amérique du Nord. C’est un risque que nous ne voulons pas prendre en Suisse.»