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Calmy-Rey, une présidente al dente

Pas assez patriote, la Genevoise? En phase, en tout cas, avec la Suisse profonde telle qu’elle apparaît dans les indiscrétions de WikiLeaks.

Ce qui s’appelle tomber sur le Kuprecht… C’est un peu son jour de gloire, à cet homme-là, après tant d’années d’anonymat ou plutôt d’une notoriété confinée entre Uri et Unterwald. Ne l’oublions donc plus: il s’appelle Alex Kuprecht, est UDC et schwytzois — un genre de double peine — ainsi que Conseiller aux Etats et membre de la commission de gestion du dit Conseil (CdG).

C’est à ce titre qu’il s’indigne et trépigne, le bon Kuprecht. Car l’heure est grave. Un chapitre confidentiel du rapport sur l’affaire Kadhafi a été transmis à la presse dominicale. Kuprecht trouve qu’il faudrait porter plainte. Surtout que, selon lui, la forfaiture est signée. Des indices montreraient que «les informations proviennent directement de l’exemplaire dont disposait Micheline Calmy-Rey».

«Reproche monstrueux, inacceptable et dépourvu de tout fondement», réplique-t-on au DFAE. Mais Kuprecht n’est pas du genre à lâcher son os. Il s’est opposé à ce que dame Micheline accède à la présidence de la Confédération en 2011. Pour lui, Calmy-Rey rime quasiment avec Mata-Hari: «Une personne qui est prête à transmettre aux médias des secrets et des informations menaçant la sécurité de l’Etat juste pour sauver sa peau et discréditer d’autres individus ne devrait pas être élue à une si haute fonction».

La future présidente, évidemment, ne s’est pas laissé démonter. «J’ai fait mon travail, dit-elle, les deux otages sont de retour sains et saufs.» Et peu importe comment.

D’autant que la grande chance de Micheline Calmy-Rey, ce sont peut-être ses ennemis. Quel meilleur diplôme de vertu patriotique en effet que d’être accusée par tous les Kuprecht du monde de nuire au pays? Par des rustres agrariens qui n’en finissent pas, votation après votation, de violenter l’image de la Suisse à l’étranger, de faire passer la Confédération quasi pour un syndicat du crime raciste et islamophobe?

Et puis, Micheline Calmy-Rey, sur un point au moins, sera parfaitement en phase avec le pays profond. Un pays qui est aussi le plus anti-américain d’Europe de l’Ouest — c’est WikiLeaks et ses receleurs qui nous l’apprennent, via les télégrammes de l’ancien ambassadeur US en Suisse, Peter Coneway.

L’antiaméricanisme très primaire, pour ne pas dire primitif, des Helvètes, s’expliquerait, selon ce diplomate, par une spécificité aussi bête que simple: la neutralité.

N’ayant plus pris parti, n’ayant plus combattu, ni connu l’épreuve du feu depuis au moins Marignan, les Suisse n’ont jamais eu à être sauvés in-extremis par la cavalerie américaine. Chez eux, donc, pas de «réserve de bonne volonté historique» envers l’Oncle Sam. Des Suisses persuadés qu’ils ne doivent leur sécurité et leur prospérité qu’à eux-mêmes, sans être redevables de rien à quiconque et surtout pas aux vilains, aux méchants cow-boys.

Cela tombe bien. Un pays aussi borné, aussi absurdement hostile à la première démocratie du monde, aussi obscurantiste lorsqu’il s’agit des Etats-Unis, qui mieux en effet que Micheline Calmy-Rey pour l’incarner? Elle qui sut si bien faire risette devant Ahmanidejad, ce grand ami de l’Amérique, et donner systématiquement tort dans le conflit proche-oriental au seul allié qu’y possède Washington.

Enfin, il n’y a pas si longtemps, Hans-Rudolf Merz a bien été président de la Confédération, laquelle n’en est pas morte. Alors pourquoi pas Calmy-Hari ou même Mata-Rey?