KAPITAL

Mammut, roi suisse de la montagne

La société argovienne, qui fêtera bientôt ses 150 ans, s’est imposée dans le secteur très concurrentiel de l’équipement et des habits «outdoor». Elle réalise 70% de son chiffre à l’étranger en jouant la carte de ses origines suisses. Portrait.

Elle n’est pas encore aussi ancienne que l’animal qu’elle s’est choisi comme logo, mais tout de même. Mammut, société spécialisée dans le très helvétique domaine du sport de montagne, fêtera prochainement ses 150 ans. Un triple jubilaire en pleine forme: son chiffre d’affaires est passé, en une quinzaine d’années, de 26 à 230 millions de francs, pour un effectif avoisinant les 400 employés, dont plus de la moitié basés en son siège de Seon, en Argovie.

Un succès que l’entreprise attribue en grande partie au changement des mentalités des consommateurs, toujours plus friands d’activités locales en plein air. «Dans les années 90, la randonnée était considérée comme démodée, voire ennuyeuse, relève Rolf Schmid, directeur général de l’entreprise. Aujourd’hui les individus apprécient de passer plus de temps dehors. Même 2009 a été une bonne année pour nous: en période de crise, les gens préfèrent rester dans leur pays d’origine et découvrir la beauté des paysages qui les entourent plutôt que de dépenser de l’argent dans des voyages coûteux à l’étranger.»

Une autre explication de ce succès provient selon lui du fait que les habits «outdoor» sont devenus tendance, y compris en ville, et que beaucoup exhibent volontiers au quotidien un look de sportif authentique, made in Switzerland. C’est par exemple le cas de Sandro Bacco, graphiste genevois de 35 ans, qui porte une veste de la marque aussi bien à la ville qu’à la montagne et qui apprécie «la sobriété et la coupe» du vêtement. En termes de positionnement, la marque propose des articles pour hommes et pour femmes se situant dans le milieu de gamme (les vestes sont vendues entre 200 et 800 francs).

Mammut ne veut donc pas écraser les prix, mais souhaite cependant «rendre l’expérience alpine accessible à tous». Pour ce faire, la société mise sur sa propre école — la Mammut Alpine School, fondée en 2008 — et sur ses quatre boutiques basées à Bâle, Berne, Lucerne et Zurich proposant l’assortiment complet nécessaire à la pratique des activités de montagne: vestes, sacs à dos, chaussures de marche, cordes d’escalade, harnais, équipements de sauvetage en cas d’avalanche, lampes frontales, etc.

Vêtements et matériel contribuent ainsi chacun pour moitié aux ventes de la société, qui progressent également à l’étranger, notamment en Allemagne et en Autriche, mais aussi en Corée, au Japon et aux Etats-Unis, où la marque est représentée au travers d’enseignes spécialisées ou sur la base de franchises. A tel point qu’aujourd’hui Mammut réalise 70% de son chiffre d’affaires hors de Suisse.

Que de chemin parcouru depuis que Kaspar Tanner posa, en 1862, la première pierre de l’entreprise, en créant une corderie artisanale à Dintikon, près de Lenzbourg (toujours dans le canton d’Argovie). Des cordes que l’entreprise — aujourd’hui organisée sous la forme d’une SA faisant partie de la holding Conzzeta — fabrique encore entièrement en Suisse. Une spécificité helvétique que revendique Rolf Schmid: «Etant basés à proximité immédiate d’un grand nombre de montagnes, beaucoup de nos employés sont des alpinistes ou des amateurs d’activités en plein air. Chacun apporte ses connaissances propres dans le développement de nos produits.»

La société travaille également en étroite collaboration avec les athlètes qu’elle sponsorise et des guides de montagne professionnels. «Nous revendiquons cette «Swissness», très importante pour nous, insiste Rolf Schmid. C’est pourquoi l’intégralité de la conception et du développement de nos produits est réalisée en Suisse.» Et d’où vient ce nom… inattendu? «En 1955, Mammut était le nom d’une corde extrêmement résistante et très demandée. Au fil des ans, l’animal préhistorique a trouvé son chemin, du produit jusqu’au nom officiel de la société.»
_______

Une version de cet article est parue dans l’Hebdo.