LATITUDES

Apprendre les langues en lisant les sous-titres

Regarder des films sous-titrés à la TV ou au cinéma pour apprendre une langue étrangère est une méthode efficace, à certaines conditions, précise une étude néerlandaise. Les Etats européens s’y intéressent pour favoriser l’intégration des immigrés. La fin du doublage?

Depuis cet été, pour améliorer mes quelques notions d’espagnol, je regarde les films d’un coffret d’Almodovar. Mais qu’est-ce qu’elle parle vite Pénélope Cruz! J’ouvre bien grand mes oreilles, mes yeux balayent l’écran du haut en bas, de l’image aux sous-titres en français.

Convaincue de l’efficacité d’un tel apprentissage, je m’y adonne bien plus volontiers et assidûment qu’à la lecture des méthodes qui promettent «L’espagnol sans peine en trois mois». Ces heures agréables d’immersion dans un univers hispanique ne devraient pas tarder à porter des fruits que je récolterai lors de mon déplacement en Espagne, au printemps prochain. Jusque là, je m’offrirai des films latino-américains. Que de progrès je vais faire avec Gaël Garcia Bernal comme prof! Et puis, je viens de m’abonner à un bouquet de chaînes de TV espagnoles.

Jusqu’ici, à la télévision, les sous-titres s’adressaient avant tout aux malentendants. Or, en Scandinavie, depuis un certain nombre d’années déjà, les spectateurs peuvent regarder les films avec des sous-titres en option. Le but est d’aider les immigrés dans leur apprentissage de la langue du pays d’accueil.

Une initiative allemande («Against Dubbing») réclame d’abandonner le doublage, par ailleurs très coûteux, des films et émissions de TV au profit du sous-titrage, ceci dans l’ensemble des pays de l’Union Européenne. «Un film ne consiste pas seulement en images colorées, mais aussi en une multitude d’expériences auditives. Beaucoup d’associations d’idées culturelles et linguistiques, ne sont pas transposables dans une langue étrangère», estiment les initiateurs.

Dans le monde de la traduction, la formation au sous-titrage figure depuis peu au programme du master en traduction multidisciplinaire. Mais quels sous-titres incruster à l’image pour apprendre une langue étrangère? La traduction dans sa langue maternelle ou la retranscription en version originale?

Naïve, je ne m’étais pas vraiment posé la question, persuadée du bien-fondé de la première option. Une étude donne une autre réponse. Deux chercheurs néerlandais, Holger Mitterer et James McQueen de l’Institut Max Planck de psycholinguistique à Nijmegen, ont projeté, à des «cobayes» non anglophones, des films en anglais avec des sous-titres en anglais ou, lors d’autres séances, dans leur langue maternelle.

Leur verdict: «Les sous-titres en version originale aident à appréhender la langue étrangère alors que les sous-titres dans sa langue maternelle ne bénéficient pas à l’apprentissage d’une langue étrangère.» D’où l’intitulé de leur recherche, «Foreign Subtitles Help but Native-Language Subtitles Harm Foreign Speech Perception». Un constat bien utile pour ne pas poursuivre un apprentissage stérile.

Apprendre grâce aux sous-titres? J’ai posé la question à trois professeurs de langue. Unanimes, ils jugent ce projet pédagogique alléchant, à certaines conditions cependant. Par la télévision, il est possible de s’approprier très vite un vocabulaire pratique que les apprenants peuvent appliquer judicieusement grâce aux situations «apprises à la télé». Mais, sans avoir auparavant assimilé des connaissances linguistiques fondamentales, il est impossible de comprendre la structure de la langue et d’espérer la maîtriser un jour. Les films ne remplaceront pas les manuels, ils demeureront des outils indispensables, estiment-ils.

Et que pensent les cinéphiles de cette probable arrivée massive de sous-titres en bas des grands et des petits écrans? On connaît le point de vue de Jean-Luc Godard. A Cannes, le réalisateur a imposé l’absence de sous-titres à la projection de «Film Socialisme».

Pour celui qui se rend au cinéma, non pour améliorer ses connaissances en langues étrangères, mais pour y découvrir une oeuvre, les sous-titres peuvent être perçus comme parasitaires. Encombrant le bas de l’image, ils jouent un rôle perturbateur pour bien des esthètes.

Récoltées au sortir de la projection d’un film sous-titré, d’autres remarques: «Je tente de détecter les erreurs dans les sous-titres, je joue les correctrices au lieu de me laisser embarquer dans l’histoire», confie une enseignante. «Je lis très vite et suis toujours en avance sur la scène qui se joue», déplore ce jeune homme. «Mon zapping permanent me fatigue et m’énerve car je n’en ai pas besoin puisque je suis bilingue», déplore cette autre personne.

Enfin, sur le Net, les internautes peuvent sous-titrer une vidéo trouvées sur YouTube ou DailyMotion avec l’outil multilingue de sous-titrage qu’est Universal Subtitles. YouTube dispose de plusieurs services analogues. Si la bande son est en anglais, le site propose même une transcription automatique (très approximative).