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Le retour des brutes et des croyants

Un long débat sur le nucléaire s’annonce, probablement aussi argumenté que sur le sexe des anges. Pendant ce temps les pestiférés de l’UDC deviennent contagieux.

Il flotte ces jours un drôle de parfum suranné sur nos plaines et nos alpages. L’heure étant venue de renouveler, ou non, nos vieilles centrales, on s’apprête à s’écharper à nouveau, et pour de longues années, sur la question du nucléaire, comme au joli temps de Kaiseraugst et des manifestations tendance hippie des années 70.

Un débat qui s’annonce d’autant plus violent qu’il sera incapable par définition de dépasser le stade de la foi pure et simple ou de la mécréance abrupte. Le nombre de ceux qui comprennent à peu près de quoi il retourne est si petit — les ingénieurs nucléaires en gros, la plupart vendus à l’industrie — que le simple citoyen ne peut que choisir de croire ou ne pas croire. De jouer à pile ou face, ou sortir son détecteur de mensonges quand on lui affirme que les réacteurs de dernière génération ont atteint un degré de sécurité absolue et que le problème des déchets est techniquement maîtrisé.

Difficile donc de penser que le vœu pieu du quotidien «Le Temps», et de tous les esprits qui ne s’éclairent pas à la bougie, va se réaliser. A savoir que ce débat, «l’un des plus fondamentaux que la Suisse doit mener ces prochaines années, il convient de s’y engager avec pragmatisme et sans œillères idéologiques».

La machine à marcher à reculons s’emballe encore davantage si l’on a toujours la force de s’intéresser aux frasques des membres de l’UDC. La pratique des menaces de mort, qui nous ramène vers les riantes années 30, semble refleurir avec enthousiasme. Comme celle qu’a reçue par courrier l’ancien juge fédéral Giusep Nay pour opposition notoire à l’initiative sur le renvoi automatique des criminels étrangers et qui ne paraît pas un cas isolé.

Il est probable pourtant que l’UDC ne soit pas la cause, mais la conséquence de ces dérives. D’où sortent-ils, en effet, ces grossiers personnages, ces brutes du genre d’ Yves Nidegger insultant comme un potache morveux, mal dégrossi, une nouvelle conseillère fédérale polie et qui ne lui avait rien fait? S’il en existe de plus en plus, de ces malotrus en apparence bien élevés, propres sur eux et au verbe gentiment fleuri mais qui finissent toujours par tomber le masque de leur épaisseur, ce n’est sans doute pas la faute de l’UDC.

C’est au contraire la prolifération de ce genre de petits esprits nerveux, vindicatifs, incapables de se contrôler qui fait l’UDC, la gonfle comme une tumeur malsaine. Sans eux, sans tous ces gens devenus comme fous, l’UDC serait restée ce qu’elle avait commencé d’être: un quarteron de yodleurs zurichois richissimes et mal embouchés. Même la plus vénéneuse des plantes a besoin d’un terreau favorable pour éclore. Hitler aussi sans les foules en délire serait resté un inoffensif braillard de brasserie.

Cette bêtise à front de taureau semble malheureusement contagieuse, et capable de rabaisser les camps d’en face à son niveau, celui du réflexe animal. C’est un rectorat pétochard, reculant devant quelques étudiants décervelés, pour interdire la venue de l’UDC. Ce sont les plaintes pénales contre l’obtus et paranoïaque montagnard Logean pour homophobie. Dans les deux cas, les raisonnables, les démocrates, les modérés et les éclairés perdent tout sens de la mesure et de la démocratie, piétinant allégrement des principes aussi élémentaires et indiscutables que la liberté de réunion et d’opinion.

C’est aussi Micheline Calmy-Rey brandissant un argument usé jusqu’à la corde contre l’initiative sur les criminels étrangers, un argument qui a toujours fait gagner l’UDC, sent la mauvaise foi, le manque d’imagination et la pauvreté de raisonnement, un argument largement hors de propos et parfaitement défaitiste. A savoir que l’initiative serait inapplicable pour cause d’accords bilatéraux sur la libre circulation. Mais si c’était vraiment là son seul défaut, il faudrait la plébisciter sans hésiter. C’est oublier en outre un principe élémentaire:il suffit de dire aux citoyens que leur vote ne servirait de toute façon à rien pour qu’ils soient fortement tentés de prouver le contraire.