Dessinées par de célèbres designers, dont Philippe Stark, les éoliennes pourront s’imposer, y compris en ville, comme des objets décoratifs pour les particuliers. Mais sont-elles vraiment efficaces? Le point de vue des spécialistes.
Les montagnards connaissent bien ces hélices qui servent à l’alimentation électrique des cabanes du club alpin. En Suisse, c’était l’image que l’on se faisait autrefois des éoliennes, avant qu’elles ne s’imposent à plus grande échelle, sous forme d’hélices gigantesques, en Valais ou sur les hauts de Saint-Imier.
Les modèles de petites tailles préparent cependant leur grand retour. Les fournisseurs proposent des nouveaux modèles d’éoliennes de un à dix mètres de haut, à axe de rotation vertical pour capter les vents près du sol. Comme la vitesse de rotation est lente, les nuisances sonores sont considérablement réduites. Du coup, ces machines qui peuvent être installée dans un contexte urbain, sur un toit d’immeuble ou dans le jardin d’une villa, se destinent à une utilisation domestique.
Pour mieux les intégrer dans les villes, les fabricants européens tentent de leur donner une forme insolite, souvent hélicoïdale, comme s’il fallait qu’elles se confondent avec des sculptures contemporaines. C’est d’ailleurs ce qu’a voulu faire le designer français Philippe Stark. En 2008, il a créé la surprise dans le milieu du design en présentant des prototypes argentés ou transparents, aux lignes pures et élégantes. En vente à des prix oscillant entre 1500 et 15’000 francs, ces objets de décorations écologiques permettent de produire de 5 à 60% des besoins électriques individuels, selon leur taille, et contribuent donc à la démocratisation du développement durable.
En Suisse romande, la société Soprogaz, qui commercialise depuis peu les éoliennes signées Stark, a d’ores et déjà installé une dizaine de mini-éoliennes de sa propre fabrication chez des communes et des privés. «Les gens sont assez fascinés par la beauté de ces sculptures élégantes, explique Daniel Zürcher, responsable des ventes pour le compte de l’entreprise basée à Morges. Ils s’intéressent beaucoup de manière générale aux énergies renouvelables, surtout depuis la hausse du prix du pétrole en août 2008.»
La ville d’Yverdon a montré l’exemple en installant début 2010 une éolienne à axe vertical d’un diamètre de 1,6 mètres, un poids de 45 kilos et une puissance maximale restituée de 1,5 kW sur le toit de la bibliothèque municipale qui dispose du label Minergie. Mais l’opération ne s’est pas révélée positive parce que cette installation modeste, estimée à 26’000 francs, ne peut produire qu’une faible quantité de courant, de 1000 à 1500 kWh par an, soit la moitié de la consommation d’un ménage. «C’est là tout le problème de ces mini machines, elles ne sont généralement pas rentables, parce qu’en milieu urbain le potentiel énergétique du vent est trop faible, analyse Martin Pfisterer, président de Juvent SA (éoliennes). Je ne pense donc pas qu’elles vont pouvoir se démocratiser en Suisse.»
Selon le spécialiste, il vaudrait mieux renoncer à ces modèles domestiques pour se concentrer sur les éoliennes traditionnelles de 80 à 100 mètres de haut, dont l’efficacité n’est plus à prouver. Car quand il souffle à proximité du sol, le vent est plus turbulent. Les courants forts qui permettent de récupérer une quantité importante d’énergie se trouvent en hauteur. «Les petites éoliennes peuvent se révéler utiles dans certains contextes, comme des chalets d’alpage situés sur des crêtes ou dans les fermes isolées dans le Jura qui est une région propice à l’énergie éolienne. En ville, les propriétaires qui souhaitent favoriser les énergies renouvelables pour leur foyer devraient plutôt miser sur des installations solaires photovoltaïques pour s’assurer des rendements plus sûrs et plus importants», conseille Lionel Perret, ingénieur au sein du bureau Planair et représentant de Suisse Eole en Suisse romande.
Ceux qui tiennent mordicus à investir plusieurs milliers de francs dans une sculpture contemporaine écologique dans leur jardin devraient au moins demander au fournisseur une évaluation de la production électrique en fonction du lieu où elle sera installée, afin d’éviter les déceptions.