LATITUDES

«Je soigne grâce à de la peau artificielle»

A Lausanne, le professeur Wassim Raffoul permet aux grands brûlés de retrouver une nouvelle peau, presque normale. Il raconte ce défi quotidien.

Rien ne destinait Wassim Raffoul à travailler avec les grands brûlés. Mais lorsqu’il s’immerge, le temps de quelques semaines, dans ce service en tant que médecin assistant, il sent naître une nouvelle vocation. «Les conditions de travail sont difficiles. C’est un contexte émotionnel très fort. Tous les sens sont exacerbés. J’ai su assez vite que je voulais consacrer ma carrière à aider ces patients qui mènent un combat entre la vie et la mort», explique le chirurgien plasticien né d’un père libanais et d’une mère suisse.

Son arrivée en 1996 au Service de chirurgie plastique et reconstructive du CHUV a permis de réaliser de grands progrès dans la création de peau. Il faut savoir que les patients brûlés à plus de 50% n’ont pas toujours suffisamment de peau saine pour procéder à des autogreffes.

Depuis une dizaine d’années, il est possible de faire repousser la peau en cultivant les cellules du patient. Une biopsie de peau est réalisée sur une surface non brûlée. Des cellules, les kératinocytes, sont ensuite extraites de l’épiderme prélevé. «Cultivées dans un milieu nutritif pendant deux semaines, elles se multiplient très vite. On peut obtenir plusieurs centaines de centimètres carrés de peau dans ce court laps de temps», précise le spécialiste.

Si les lésions sont plus sévères, l’équipe procède à des cultures bi-couches de kératinocytes mélangées à des fibroblastes prélevées dans le derme, la deuxième couche de la peau. «Sur le plan technique, c’est un peu plus délicat. Mais le résultat esthétique final est meilleur, car la peau artificielle devient plus épaisse, ce qui lui donne une meilleure souplesse et permet de raccourcir considérablement le temps de cicatrisation.»

Ces cultures de cellules sont greffées directement sur la peau ou déposées sur de fines couches de greffes de peau autologues transformées en un filet avec mailles larges. Plusieurs mois de traitement continu s’ensuivent pendant lesquels le port d’un masque conformateur pour le visage et d’habits de compression permet à la peau de se régénérer.

«Les patients retrouvent généralement un bon usage de leur visage et de leur corps. Ils peuvent faire du sport ou s’exposer au soleil comme tout le monde. En revanche, leur nouvelle peau ne transpire pas et n’a pas de poils. Des travaux de recherche sont en cours pour arriver à recréer les glandes sébacées et sudoripares ainsi que les follicules pileux.»
_______

Une version de cet article est parue dans CHUV Magazine.