Les radicaux qui gonflent soudain les biceps et sortent leurs femmes pour faire croire que l’insécurité les préoccupe: voilà qui fleure bon la tambouille électorale.
D’une majorité politique qui veut économiser en rognant sur les subsides pour chiens d’aveugle, quel flair politique attendre? Voyez, si l’on ose dire, les radicaux qui bombent soudain le torse et sortent leur superwomen pour lancer une offensive contre l’insécurité.
Ah cette fameuse insécurité qui peut rapporter si gros quand on sait la faire miroiter à l’aube d’une échéance électorale. Croyant sans doute marquer les esprits, le grand vieux parti a donc envoyé aux barricades quatre ministres cantonales en charge de la sécurité et une conseillère nationale. Parmi lesquelles la blonde judoka vaudoise Jacqueline de Quattro et la débutante genevoise au grand bal de la police, Isabel Rochat. Avec la mission de rouler de gros yeux bien sécuritaires.
Voilà qui est courageux. Il n’y a vraiment que les pires d’entre les mauvaises langues pour suggérer qu’il s’agit surtout de faire semblant, histoire de pêcher au gros, au très gros même, dans le marécage UDC.
Evidemment, par nature, le radical serait plutôt pingre et les dames de fer ont dû le reconnaître assez rapidement: crise oblige, leur belle et forte croisade contre la délinquance, la criminalité et les incivilités se fera grosso modo sans armes ni soldats. C’est-à-dire «sans matériel ni hommes supplémentaires». Les vrais moyens de cette politique, ce sera pour une «deuxième phase». On l’a bien compris: après les élections.
En attendant, on multipliera les mesures de façades, les réformettes de papier, les arguties judiciaires. Emprisonnement plus rapide des criminels, «spécialement les jeunes». Interventions musclées de la police lors de manifestations — manifestations qu’il vaudrait d’ailleurs, parfois, carrément mieux interdire. Cellules de dégrisement, aux frais des parents, pour les jeunes adeptes de la cuite minute transformés en bêtes sauvages. Facturation aux clubs sportifs des coûts de sécurité générés par leurs supporters à tête de petit pois. Renvoi des requérants vers leur premier pays d’accueil de l’espace Schengen, etc.
Ce qu’il y a de frappant dans ces petites rodomontades, c’est la vision d’un Etat qui devrait systématiquement refiler la patate chaude à des tiers. Haro donc sur les parents, les pays voisins, les clubs de foot, qui ne savent pas tenir leur monde, leurs enfants, leurs ressortissants.
Cette tactique sans ambition présente l’avantage de s’épargner le fardeau d’une politique d’intégration, d’éducation, de prévention, voire de répression. Comme si nos amis radicaux s’apprêtaient à modifier bientôt leur fameux slogan, devenu désormais: «libres et irresponsables. Comme vous.»
L’immense poète Freysinger n’a sans doute pas complètement tort de se gausser de ce brusque et soudain roulement de mécaniques, en félicitant le parti radical de vouloir rétablir «une sécurité qu’il a lui même mise en péril à travers son laxisme et son soutien à Schengen-Dublin».
Evidemment, les radicaux ont quelques solides raisons de courir après l’UDC: un sondage de l’Institut Link montre que la Suisse a peur. Enfin, une certaine Suisse. Ce sont principalement les hauts revenus, les personnes âgées et les alémaniques qui perçoivent une augmentation de la délinquance et de l’insécurité, que les statistiques pourtant ne parviennent pas à mettre en lumière.
Ainsi ce chiffre presque hilarant: 93% de ceux qui gagnent plus de 9’000 francs mensuels s’estiment moins en sécurité qu’autrefois. Les chiens d’aveugles, eux, continuent d’aboyer et la caravane des sociétés solidaires n’en finit plus de trépasser…
Peu importe donc si cette insécurité tient d’avantage du fantasme que de la réalité. Ce qui semble compter c’est la peur et surtout les caractéristiques du peureux: alémanique, riche et vieux. Autrement dit: radical en puissance.