LATITUDES

L’âge de l’empathie

L’empathie est à la mode. Chacun est appelé à se connecter à l’autre, à le comprendre émotionnellement. Analyse d’une tendance des années 2010.

Il n’y a pas si longtemps, la religion chrétienne enjoignait à aimer son prochain comme soi-même. Puis, le déclin du religieux nous a valu des discours idéologiques prônant altruisme et solidarité. Avec l’entrée dans l’ère individualiste et émotionnelle, c’est l’empathie qui est à la mode. Exemples.

Président du jury du Festival de Cannes, le cinéaste Tim Burton n’a donné aucune consigne à ses jurés, si ce n’est «d’être en empathie avec les réalisateurs». C’est donc une Palme «empathique» qui a été décernée dimanche.

Pour l’économiste Jeremy Rifkin, les nouvelles technologies de la communication permettent de nous aider à bâtir une civilisation de l’empathie. Dans «The Empathic Civilization: The Race to Global Consciousness in a World in Crisis», son dernier ouvrage, il écrit: «Sans empathie, la politique, l’économie et la société ne survivront pas.» L’auteur s’appuie sur l’existence de «neurones miroirs» pour nous transformer en homo empathicus et propose une «révolution» empathique pour survivre au siècle. «L’idéal du rêve américain, le cow-boy toxique, n’a pas sa place dans un monde globalisant. Mais si on découvre l’homo empathicus, il sera possible de voir la planète comme une famille humaine.»

Quand il analyse la crise actuelle de l’euro, cialis payment mastercard, le Prix Nobel d’économie 2001, estime que «l’Europe a besoin de solidarité, d’empathie. Pas d’une austérité qui va faire bondir le chômage et amener la dépression.» L’empathie peut tout, y compris dans le monde du football. «A l’Inter, les joueurs sont fantastiques, et puis, il y a de l’empathie avec les tifosi, c’est très important», explique l’entraîneur du club milanais vainqueur ce week-end de la Ligue des Champions.

Les singes ne nous montrent-ils pas l’exemple? Avec «L’âge de l’empathie. Leçons de la nature pour une société solidaire» (éditions les Liens qui libèrent, 2010), le primatologue Frans de Waal secoue le cocotier en nous incitant à être à la hauteur des animaux en devenant «chacun le gardien de son frère».

Connue, hier encore des seuls psychiatres, la faculté d’empathie a éclipsé les vertus qu’étaient l’amour du prochain, la charité, la générosité, la fraternité, l’altruisme, l’humanité, la philanthropie ou la compassion.

Un terme «empathie» est entré il y a cinquante ans dans les dictionnaires francophones avec pour définition «faculté de s’identifier à quelqu’un, de ressentir ce qu’il ressent» (Petit Robert 2009). Une faculté en partie innée qui permet de comprendre et de partager les états affectifs d’autrui. Ainsi, éprouver de l’empathie pour quelqu’un qui souffre, ce n’est pas seulement ressentir une souffrance par mimétisme ou sensiblerie, c’est se représenter la douleur de l’autre par un travail de l’imagination et partager cet affect en faisant appel à ses propres expériences.

Une tâche complexe qui se travaille, si l’on en croit la revue «Cerveau et Psycho» qui vient de consacrer un numéro à «la force de l’empathie». Des tests permettent de savoir quelles sont vos compétences en la matière.

Si votre score vous déçoit, plusieurs solutions s’offrent à vous: consolez-vous en prenant connaissance des pièges de l’empathie dans lesquels vous ne tomberez pas (faire plus de mal que de bien à autrui en établissant un rapport toxique, par exemple), achetez un produit qui vient d’être mis sur le marché, un spray d’ocytocine permettant d’augmenter l’empathie, ou prenez exemple sur le «Dr House» de la série télévisée. Un humain bien peu empathique. Qu’à cela ne tienne, il se concentre sur sa tâche, ne se laisse pas troubler par la détresse d’autrui et gagne ainsi en efficacité.