Les plates-formes telles que Facebook et Twitter révolutionnent la stratégie des grandes compagnies, toujours plus nombreuses à s’immerger dans ces réseaux pour communiquer. A la clé, des répercussions spectaculaires en termes d’image. Exemples.
Quand Rolex a lancé sa dernière campagne de pub avec Roger Federer, ce n’est pas à la télévision ou dans la presse écrite qu’une partie du public a pu la découvrir en primeur. Pas même sur le site internet de l’horloger suisse. Non, c’est bien sur Facebook, roi des réseaux sociaux, que le spot a été diffusé en avant-première, envoyé par Federer lui-même à ses 3 millions de «fans» virtuels.
«C’est Roger Federer en personne qui demande à ses fans d’aller voir la publicité: imaginez l’impact psychologique d’une telle campagne! Le fait de pouvoir atteindre sa cible aussi facilement et avec autant de précision vaut de l’or», fait remarquer David Sadigh, directeur de la société IC-Agency, spécialisée dans le marketing online.
Les nouvelles plates-formes communautaires, loin de ne constituer qu’un simple gadget, stimulent et bouleversent le marketing des entreprises. Comment les grandes marques pourraient-elles aujourd’hui ignorer Facebook, en particulier, dont le nombre d’utilisateurs a déjà dépassé les 400 millions — pour l’essentiel aux Etats-Unis et en Europe? «L’utilisation de ces médias par les entreprises constitue la prochaine révolution du Net, estime Sebastian Ulbrich, chercheur à la Fachhochschule Nordwestschweiz (FHNW) et spécialiste des réseaux sociaux. C’est une tendance généralisée.»
Les grandes compagnies n’ont pas le choix. «Il faut toucher le public là où il se trouve, souligne David Sadigh, or on observe un déplacement très rapide des médias traditionnels vers les réseaux sociaux, accessibles à tout instant grâce aux appareils mobiles (iPhone, laptops, Blackberry, etc.), et cette tendance s’accélère sans cesse.»
Les grandes entreprises cher-chent naturellement à occuper le terrain. Certaines choisissent même de lancer leur propre plate-forme interactive, à l’instar de Burberry, Cartier ou Mercedes. Mais la majorité des marques préfèrent exploiter le potentiel et la notoriété des réseaux existants pour fédérer les consommateurs-fans autour de leur identité et produits.
Souvent, l’initiative émane des fans et non de la marque elle-même. Parmi les exemples célèbres, on citera le cas de Coca-Cola, dont la page Facebook a d’abord été lancée par deux inconditionnels de la boisson gazeuse, avant que la multinationale ne reprenne la main en engageant les deux intéressés comme modérateurs. «Pour une marque, le simple fait d’écouter ce qui se dit sur elle à travers les réseaux sociaux — sans chercher forcément à publier du contenu — constitue déjà une mine d’informations pour les gens du marketing, souligne à ce propos Jim Pulcrano, professeur à l’IMD. Les réseaux sociaux fonctionnent comme des thermomètres de tendances en temps réel; ils remplacent avantageusement les études de marché et tests de consommateurs.»
Propos largement corroborés par Cyril Lamblard, international internet manager chez Nespresso: «Les réseaux sociaux sont devenus pour nous un outil extrêmement important. Ils nous permettent de capter instantanément les attentes, désirs ou préoccupations de nos clients, mais aussi bien sûr d’y répondre. Aujourd’hui, nous traitons les commentaires déposés sur Twitter ou Facebook de la même manière qu’un e-mail ou un appel téléphonique.» Mais l’atout commercial des réseaux sociaux va bien au-delà du service à la clientèle, comme l’explique Cyril Lamblard: «Ces plates-formes représentent un vecteur d’image exceptionnel, idéal pour amplifier la puissance de nos programmes de communication.» Par exemple, en offrant la possibilité d’organiser des concours ou des tirages au sort (lire ci-dessous).
Dans un registre similaire, la compagnie easyJet propose à ses fans sur Facebook de gagner des billets gratuits en postant leurs plus belles photos de vol. Le fabricant d’ordinateurs Dell va encore plus loin dans l’expérimentation: il offre des articles soldés accessibles exclusivement sur son flux Twitter. L’américain a annoncé cet automne que le volume des ventes via ce canal avait dépassé les 7 millions de dollars. Au-delà des répercussions comptables immédiates, les réseaux sociaux permettent aux marques, à tout le moins, d’accroître leur notoriété et leur cote d’amour.
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L’âme de Hublot
L’horloger Hublot constitue un cas d’école, du fait de l’implication personnelle de son patron Jean-Claude Biver, qui déclare passer plus de trois heures par jour sur les différents réseaux sociaux pour maintenir le buzz autour de sa marque. Résultat: l’audience Facebook de l’entreprise explose. Sur un an, elle affiche une croissance de 2’500% avec plus de 100’000 fans actuellement. «J’estime qu’au moins 50% de notre notoriété mondiale est aujourd’hui due aux réseaux sociaux, affirme Jean-Claude Biver. Sans ce type de marketing, notre marque n’aurait jamais pu s’imposer aussi vite. L’interaction avec le public insuffle une âme phénoménale et booste de façon tout à fait évidente la marche de nos affaires.»
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Nespresso: le buzz
La dernière campagne de pub de Nespresso avec George Clooney, diffusée depuis le début novembre à la TV, a profité du buzz préalablement généré et entretenu durant l’été par Nespresso sur Facebook et Twitter. Des jeux-concours permettaient aux intervenants de gagner des prix, tels qu’un séjour au Festival de Cannes.
Plus récemment, comme lors de la conférence LeWeb09 sur les nouvelles technologies, la multinationale a mis au concours des centaines de machines à café: pour prendre part au tirage au sort, il suffisait aux participants de partager sur Twitter un message ou un lien internet contenant les mots «LeWeb» et «Nespresso».
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Une version de cet article est parue dans le magazine Swissquote.