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Chapitre 5: La police entre en scène

Au début de 1998, le site Innocent multiplie les provocations mais réussit à maintenir secrète son identité. Les policiers se mettent à ses trousses et la France commence à s’intéresser au phénomène.

Par Innocent

Après un mois de décembre mouvementé, l’année 1998 commence en beauté. Plus anonyme que jamais, Innocent décerne ses Innocent Awards aux personnalités qui se sont illustrées l’année précédente et provoque l’hilarité dans les rédactions. L’identité des initiateurs reste le secret le mieux gardé de la presse romande. Une demi-douzaine de personnes seulement est au courant.

Pour les deux initiateurs, le moment est venu de passer à la vitesse supérieure. Ils décident de réserver une adresse commerciale en Suisse, histoire d’énerver un peu plus les limiers et de faciliter l’accès aux informations exclusives toujours plus nombreuses sur le site.

Un homme de paille, contacté par e-mail anonyme, accepte d’effectuer les formalités administratives au nom d’Innocent sans connaître son identité. Inconscient des risques considérables qu’il prend, cet individu réserve l’adresse www.siteinnocent.ch contre une rétribution de SFr. 70.- qui lui sera versée par virement postal.

L’expéditeur du bulletin vert est une mystérieuse société californienne baptisée Site Innocent Inc dont le siège suisse se situe dans une avenue inexistante des faubourgs genevois.

Après quelques jours, tout est en place: l’adresse www.siteinnocent.ch pointe sur le serveur de Geocities et Innocent peut inaugurer son nouveau logo. A partir de ce moment, l’homme de paille sera régulièrement contacté par des journalistes ou des hackers qui rêvent de démasquer l’agitateur du Net. Mais il ne peut rien leur dire puisqu’il ne connaît pas l’identité de son client.

Bien plus que la seule fusion NQ-JdG, Innocent veut raconter toutes les coulisses de la presse romande, où les éditeurs mènent d’étranges ballets.

Lorsque le rédacteur en chef de la Tribune de Genève est brutalement congédié par le groupe Edipresse, dans des conditions qui restent énigmatiques, un espace spécial est ouvert sur le site Innocent. Les internautes y commentent les méthodes du groupe lausannois et les complaintes de l’ex-rédacteur en chef, qui intervient dans tous les médias.

C’est à ce moment-là qu’un message posté par une certaine Mururoa (nom fictif) met en cause l’ex-rédacteur en chef de manière peu glorieuse. Innocent, qui ne peut pas vérifier ces insinuations sans dévoiler son identité, se contente d’accompagner le message d’un avertissement: «ces affirmations sont à vérifier».

Innocent ignore que l’ex-rédacteur en chef va déposer une plainte pénale contre X pour diffamation, que la police genevoise lancera une longue enquête pour démasquer Innocent, que cette enquête aura des répercussions jusqu’en Californie et que l’adresse de Geocities sera bouclée au beau milieu de l’été (pour mieux réapparaître quelques heures plus tard).

Inconscient de tout cela, Innocent travaille à la version 2.0 de son site. En mars 1998, lorsque Le Temps naît enfin des cendres du Journal de Genève et du Nouveau Quotidien, Innocent envisage (brièvement) de se saborder, mais des dizaines de messages l’encouragent à continuer le combat.

Dans le fond, Innocent sait bien que l’aventure ne peut pas s’arrêter en si bon chemin. Voit-on émerger une nouvelle forme de rapports entre employeurs et employés grâce à internet? Un nouveau journalisme, plus audacieux et plus interactif, peut-il se développer sur le réseau mondial?

Ces questions ne se limitent pas à la Suisse: une équipe travaillant pour France 2 contacte Innocent pour une émission spéciale sur l’évolution de la presse et d’internet. C’est le directeur de l’Ecole nationale de journalisme à Paris, lecteur assidu du site Innocent, qui a averti la chaîne de l’existence de ce phénomène suisse. Mais trop occupé par ses fonctions temporelles, Innocent doit décliner l’invitation.

A la fin mars, c’est la gloire: le quotidien Libération consacre un long article au site Innocent, en complément d’un papier sur le lancement du Temps. Ironiquement, la page est illustrée par une photo prise dans la rédaction du quotidien genevois où l’on voit, en très gros plan, l’un des initiateurs du site Innocent!

A ce moment là, ceux qui connaissent l’identité d’Innocent ne sont pas plus de dix et ils tiennent leur langue. Le secret sera encore maintenu pendant plus d’un an.

Chapitre 6: La police aux trousses d’Innocent