KAPITAL

Le sourire éclatant de l’industrie dentaire

Les deux principaux acteurs du marché des implants ont vu leurs chiffres reculer. Mais le secteur reste très prometteur. Analyse.

Alors que le marché de l’industrie dentaire figurait auparavant parmi les plus lucratifs avec des taux de croissance phénoménaux, il a subi des pertes allant de 5% à 10% depuis le début de la crise.

La raison de cette déconvenue inattendue? Excepté en Allemagne, aux Pays-Bas et en Scandinavie, où les soins dentaires sont partiellement remboursés par les assurances, les patients doivent puiser dans leurs propres économies pour se rendre chez le dentiste. Nombre de traitements peuvent facilement être reportés ou remplacés par des alternatives moins coûteuses. Dans le cas des implants, on préfère alors les couronnes ou les ponts, plus invasifs et moins durables, mais nettement moins chers.

Nobel Biocare, l’entreprise suédoise numéro un du secteur, dont le siège se trouve à Zurich, a particulièrement souffert de cette situation. Alors que son chiffre d’affaires croissait de 20% à 25% depuis les années 2000, il a reculé d’environ 10% au cours des derniers mois et devrait atteindre 450 millions de francs. L’entreprise, qui emploie plus de 2500 personnes à travers le monde, a dû supprimer 300 postes. Une situation que son porte-parole, Nicolas Weidmann, ne juge pas si dramatique: «Cette crise nous touche moins que d’autres secteurs. Et après ces années de folles croissances, il était logique de procéder à une restructuration.»

Avec un recul de 7%, la firme bâloise Straumann s’en tire un peu mieux que sa concurrente. Son chiffre d’affaires s’élève à 384 millions de francs et aucun poste n’a été amputé. Il faut dire que son principal marché reste l’Allemagne, moins touché par la crise que les Etats-Unis, où Nobel Biocare est très présent. «Outre-Atlantique, nombre de personnes finançaient leurs soins au moyen de crédits, chose qu’ils ne peuvent plus faire actuellement, explique Daniel Jevolcan, analyste en technologies médicales chez le courtier Helvea.

L’organisation particulière des soins dentaires américains représente un autre facteur: en Suisse ou en Allemagne, le dentiste sait tout faire, y compris les implants. Aux Etats-Unis, les dentistes envoient leurs clients chez des spécialistes pour les implants. Vu qu’ils ont actuellement moins de clients, ils préfèrent leur proposer des couronnes, afin de les garder au lieu de les envoyer chez leurs collègues.»

Si Straumann a gagné des parts de marché face à Nobel Biocare, c’est aussi grâce au lancement d’innovations qui ont bien marché, comme les implants Bone Level, plus esthétiques et faciles à manipuler, ainsi que le Roxolid, une combinaison de titane et de zirconium, plus solide que les produits actuels. «Nous avons gagné des milliers de clients dans toutes les régions du monde grâce à ces produits», observe Thomas Konrad, porte-parole de Straumann.

Malgré le recul des deux principaux acteurs de l’industrie dentaire, l’analyste Daniel Jevolcan reste optimiste sur son potentiel: «Ce secteur va renouer avec une croissance à deux chiffres lorsque la conjoncture s’améliorera. Je table déjà sur 8% à partir de l’année prochaine.» Ce marché reste effectivement très prometteur: plus de 250 millions de personnes ont une dentition lacunaire, rien que dans le monde occidental.

Actuellement, seulement 10% à 15% des traitements se font au moyen d’implants. La pénétration reste donc encore faible, en particulier aux Etats-Unis, au Japon et en France. Cela sans compter la demande des pays émergents, qui commencent également à s’intéresser à ce type de traitement. Une bonne nouvelle pour la Suisse, où l’industrie dentaire représente plus d’un millier d’emplois.

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Une version de cet article est parue dans le magazine Bilan.