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Le désarroi d’Obama

Le président américain s’enferre au Proche-Orient. Sa situation n’est pas sans rappeler les débuts de la présidence Kennedy. Analyse.

L’arrivée au pouvoir de Barack Obama semble devoir enflammer le Proche-Orient au lieu de l’apaiser. Les armes parlent des deux côtés dans les trois pays clés que sont l’Irak, l’Afghanistan et le Pakistan.

En témoignent les dernières nouvelles : un demi-million d’habitants contraints de fuir les bombardements américano-pakistanais dans les vallées septentrionales du Pakistan, un retour en force des talibans en Afghanistan, une centaine de morts dans une bavure de l’aviation américaine en Afghanistan toujours, une recrudescence forcenée des attentats suicide en Irak (17 morts, 50 blessés mardi; 140 morts fin avril). Les dirigeants en place défilent tête basse à Washington, incapables de cacher leurs faiblesses, voire même un certain désarroi.

La promesse faite par Barack Obama et relayée par Hilary Clinton d’augmenter l’effort de guerre contre les extrémistes ne semble inquiéter personne. Ce ne sont pas 20’000 soldats supplémentaires qui redonneront l’initiative au camp occidental en Afghanistan alors que les talibans, après avoir reconstitué leurs forces, sont même parvenus à retrouver un certain appui dans la population. Une population qui ne supporte plus la présence d’armées étrangères aux uniformes chamarrés et aux drapeaux bigarrés.

Politiquement, il sera très intéressant de connaître les résultats de l’enquête ouverte sur la bavure de lundi dernier, ce bombardement de civils par l’aviation américaine au moment où, à Washington, le président Obama s’apprêtait à recevoir son homologue afghan, Hamid Karzaï.

Par son ampleur, un tel massacre ressemble plus à une provocation ayant germé dans la tête de quelques généraux qu’à un accident. Barack Obama aurait-il des difficultés à imposer son autorité aux chefs militaires?

Ce ne serait pas la première fois qu’un tel cas de figure surviendrait. Les Français en ont fait la dramatique expérience pendant la guerre d’Algérie. Il n’est pas défendu par ailleurs d’imaginer que si Robert Gates, nommé par George Bush, a été maintenu à son poste, c’est parce qu’Obama n’a pas pu résister aux pressions du lobby interventionniste. Et qu’il a cédé pour avoir tout loisir de lancer ses réformes en politique intérieure.

Ce n’est pas sans rappeler les débuts de la présidence Kennedy. Lui aussi arrivait au pouvoir après huit ans d’administration républicaine dominée par un général, Dwight Eisenhower. A la fin des années 50, suite au retrait de la France, les Etats-Unis s’étaient de plus en plus impliqués dans la défense des nationalistes sud-vietnamiens.

Au début, l’intervention militaire fut, sans tromper personne, camouflée en envoi de conseillers militaires. En 1960, ces conseillers disposaient de 57 bases militaires ! En janvier 1961, dans son discours inaugural, Kennedy augmentait le nombre de conseillers et multipliait presque par deux les effectifs de l’armée sud-vietnamienne. Mais l’efficience des insurgés communistes ne faiblit pas pour autant.

Début 1963, les Américains subirent leurs premières pertes. A la fin de l’année, Kennedy décida de changer de stratégie et annonça les premiers retraits américains : 1000 hommes tout de suite, tous les autres dans les deux ans à venir. Quelques jours plus tard, il était assassiné. On se demande encore pourquoi. La guerre, elle, s’acheva 12 ans et quelques millions de morts plus tard.

Les conditions actuelles sont très différentes, c’est une évidence. Mais depuis que des grandes puissances — Empire britannique, Union Soviétique, Etats-Unis — tentent de dominer cet incroyable patchwork de tribus qui s’appelle Afghanistan, ce pays a suffisamment fait montre de son esprit de résistance pour qu’on évite de s’y frotter. Barack Obama a déjà plus qu’un orteil dans le piège afghan. On se demande comment il évitera de rester pris.