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Relance, vous avez dit relance

Le deuxième plan de sauvetage de l’économie concocté par le Conseil fédéral ne fait pas l’unanimité. Trop modeste pour les uns, à côté de la plaque pour les autres. Et si c’était l’idée de relance elle-même qui coinçait?

C’est beau la relance. Après 341, voici 700 beaux millions. Ou le deuxième plan de sauvetage de l’économie concocté par le Conseil fédéral en quelques mois. L’essentiel de ce nouveau gâteau concerne cette fois les routes nationales et les CFF – 530 millions. Avec quelques miettes pour l’énergie et l’environnement (80 millions) et demi-miettes pour la recherche appliquée (50 millions). 700 millions tout frais tout neufs, mais qui sentent pourtant un peu la naphtaline.

Rappelons que le premier volet de ces grands travaux avait retenu la protection contre les crues (66 millions), l’assainissement énergétique de logements (45 millions), des constructions civiles (20 millions). ou la promotion des exportations (5 millions). Et surtout un gros bloc consistant à supprimer les plafonds des dépenses des divers départements (205 millions). Bref, arrosage à tous les étages.

Ce plan de relance par l’investissement subit déjà de nombreuses critiques. De l’UDC d’abord qui préconise au contraire une relance par la consommation, en baissant les impôts des entreprises et des familles.

De la gauche ensuite, qui n’y voit qu’un fourre-tout bien trop modeste, le président du PS Christian Levrat parlant par exemple de «placebo sans logique apparente». Les socialistes, bien sûr, auraient préféré que le Conseil fédéral ouvre carrément les vannes, en supprimant notamment le frein à l’endettement. Pour faire quoi? Le PS est resté très, très, vague, à l’image de sa députée Hildegard Fässler, récitant comme au catéchisme qu’il fallait «augmenter le pouvoir d’achat des gens et investir dans les infrastructures et les familles».

A cet appel à casser la tirelire, le patron des finances Hans-Rudolf Merz a opposé une prudence de maquignon appenzellois, martelant que les dépenses nouvelles devaient restées ponctuelles et se contenter de répondre «à la situation actuelle. Lorsque la reprise sera à l’ordre du jour, nous n’aurons ainsi pas hypothéqué nos ressources par la dette».

Bref, pour la gauche, le plan du Conseil fédéral «nie» l’ampleur de la crise financière, et pour la droite nationaliste les réponses données ne sont tout simplement pas les bonnes. Mais centristes et libéraux, eux, se sont laissés convaincre par ces mesures pourtant peu imaginatives. La plupart des investissements ne sont rien d’autre en effet que des projets n’ayant pas passé la rampe du budget les années précédentes.

Bien sûr les orthodoxes du libéralisme approuvent cette politique de bon père de famille du Conseil fédéral tel, dans 24 heures, Janwillem Acket, chef économiste chez Julius Bär: «Sortir de la crise en ayant creusé le déficit suggérerait forcément une augmentation, à terme, des impôts, ce qui grèverait le pouvoir d’achat et donc la croissance».

Tout va bien alors? Certains, pas des plus décervelés, pensent que ce genre de plans de relance, comme on en a vu fleurir un peu partout en Europe, ont juste le défaut d’être complètement à côté de la plaque. C’est le cas par exemple de l’ancien conseiller de François Mitterrand et tout aussi ancien patron de la BERD Jacques Attali. Dans sa chronique de l’Express, il soutient que l’argent des plans de relance ne sert à rien. «La relance par l’investissement n’est pour l’instant qu’une façon de protéger les secteurs aujourd’hui dominants et surendettés, (banque, assurance immobilier, automobile)». Et de une. «La relance par la consommation n’est elle qu’un ersatz d’une politique des revenus, ne distribuant aux plus démunis que quelques miettes, sans remettre réellement en cause la répartition des fortunes, des revenus et des pouvoirs». Et de deux.

A la fin de l’envoi, Attali touche vraiment: «L’une ou l’autre de ces relances ne visent en fait qu’à sauver temporairement du désastre les élites du passé… Alors qu’il serait au contraire essentiel d’investir dans les industries d’avenir tout l’argent qu’on s’apprête à perdre dans les secteurs en difficulté.»

On peut ensuite discuter jusqu’à plus soif sur la nature de ces industries d’avenir, «innovantes et créatrices d’emploi». Ce qui est sûr c’est qu’aucune de celles citées par le mage Attali – «les énergies nouvelles, (surtout le solaire et le nucléaire), les biotechnologies, les organes artificiels, l’internet des objets, les nanotechnologies» ne figurent de manière significative dans le plan de relance du Conseil fédéral.

Normal, si l’on croit toujours le même docteur Fattali: la plupart des hommes politiques vivent dans cette particulière illusion que tout devra forcément revenir comme avant et en sont encore à se demander «combien de temps durera la crise. Comme si l’après-crise ne pouvait être qu’un retour à l’ordre antérieur». Il eût été miraculeux qu’Hans-Rudolf Merz et ses gentils collègues fassent exception.