LATITUDES

L’échec du congé paternité? Un manque d’ocytocine

Le modèle suédois de congé parental, toujours cité en exemple, donne des résultats décevants: peu de pères saisissent l’opportunité. Pourquoi? Leur cerveau ne produit pas assez d’ocytocine, explique l’auteur de «The Sexual Paradox».

L’idée d’un congé paternité prend forme dans les entreprises suisses. Si le congé maternité est réglé par la loi depuis juillet 2005, le congé paternité dépend lui de la volonté de l’employeur . Résultat, généralement un à trois jours de congé payé sont accordés en cas de naissance.

Les exemples d’entreprises plus généreuses ont tendance à se multiplier, ainsi Migros, les CFF, Swisscom, Helvetia, Cablecom, Mobility, Novartis ou Swiss Re. Ils demeurent encore très minoritaires, tant dans le secteur privé que public. Que de chemin à parcourir pour rejoindre le statut privilégié des pères suédois!

Or, la Suède vient d’en faire le constat: le congé parental ne contribue pas vraiment à l’égalité des sexes. Les papas suédois, qui bénéficient d’un des plus généreux congés parentaux du monde, sont très loin de tirer profit de cet avantage. Dans ce pays modèle, ce sont encore et toujours largement les mamans qui pouponnent.

Selon le Bureau central de la statistique suédois, les pères ne prennent en moyenne qu’un cinquième des jours de congé parental qui indemnise les parents pendant seize mois. Ce sont généralement les mères qui quittent leur emploi pour s’occuper des enfants.

«Il faut s’interroger sur les raisons qui poussent avant tout les femmes à rester chez elles, et l’une d’entre elles est que la personne qui gagne le plus est très souvent celle qui va travailler», commente la ministre de l’Intégration et de l’Egalité entre les sexes, Nyamko Sabuni.

L’une des raisons de cet échec étant sans conteste l’aspect financier. Quid des autres? A l’ère pré féministe, l’explication aurait été simple: la place naturelle de la femme était à la maison où l’attendait la plus noble des tâches: l’éducation des enfants. Le discours féministe est venu balayer ce genre de stéréotype. Hommes et femmes possédant un cerveau quasi identique, c’est leur socialisation qui les conduit à assumer des rôles différenciés.

Curieusement, à l’ère post féministe, on voit ressurgir une explication physiologique. Plus question bien sûr de parler de ce que la «nature» a voulu, place à la biologie, davantage dans l’air de temps, qui détiendrait la réponse. Elle a pour nom ocytocine ou oxytocine.

L’ocytocine (du grec okutokos signifiant «qui procure un accouchement rapide») est une hormone polypeptidique, élaborée par le lobe postérieur de l’hypophyse. Synthétisée pour la première fois en 1953 par Vincent du Vigneaud, elle lui valut le prix Nobel de chimie deux ans plus tard.

Cette hormone est sécrétée, entre autre, lors de l’accouchement, de l’allaitement, des rapports sexuels, de la manipulation des mamelons, des soins prodigués à des nourrissons. Surnommée «élixir du contentement», elle serait à l’origine des liens particuliers entretenus par la mère et l’enfant bien au-delà de la naissance.

Dans un livre très controversé, «The Sexual Paradox», Susan Pinker fait appel à l’ocytocine pour asseoir les inégalités professionnelles. Plus questions de discriminations entre les sexes, la situation sociale des femmes découle de leurs choix dictés par leur taux d’ocytocine. Si elles n’accèdent pas à des postes à responsabilité, c’est donc qu’elles y renoncent, pas qu’on les leur refuse.

On cherche en ce moment des volontaires pour tester les effets de l’ocytocine en imagerie médicale. Est-ce à coups de spray nasaux distribués aux jeunes pères que l’on stimulera demain leur envie de s’occuper de leur progéniture?